LE PARTCOURS EST PLUS PROFOND QU’UN SIMPLE FESTIVAL SUR L’ART

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Mauro Petroni©Malick MBOW

Du 26 novembre au 12 décembre, Dakar accueille le Partcours. Cette dixième édition revêt les habits de la maturité. 29 galeries, espaces et acteurs vont plonger la métropole dakaroise dans une ambiance artistique

Propos recueillis par Mame Woury THIOUBOU  |   Publication 04/12/2021

Du 26 novembre au 12 décembre, Dakar accueille le Partcours. Cette dixième édition revêt les habits de la maturité. 29 galeries, espaces et acteurs vont plonger la métropole dakaroise dans une ambiance artistique.

Un petit bilan de ces 10 ans de Partcours ?

On a commencé cet évènement de façon artisanale. C’était juste un groupe de collègues et chacun travaillait dans le privé, pour l’art et la culture à Dakar. Et puis, on s’est retrouvés et on s’est dit qu’on pouvait faire un évènement ensemble, pour remplir le vide culturel. Et on ne savait pas que ça allait durer. On se retrouve 10 ans après et chaque année, il y a eu une édition. Les premières étaient moins connues et plus petites. Après, il y a eu un accélérateur et l’édition actuelle a 28, 29 participants. Le Partcours est attendu par tous ceux qui s’intéressent à l’art. C’est devenu vraiment un évènement incontournable de la vitrine dakaroise.

Au-delà des expositions, le Partcours, c’est aussi une façon de mettre en lumière les galeries dakaroises et les artistes…

Absolument. Et aussi des promoteurs culturels privés. Il y a des protagonistes qui n’ont pas de galerie. Par exemple, Carole Diop, qui fait ses balades architecturales et travaille sur la ville, montre au public l’histoire de Dakar et l’évolution, pas toujours positive, du milieu architecturel dakarois. Il y a également Yataal art qui n’est pas vraiment une galerie, parce que c’est toute la Médina qui est sa galerie, et ils font visiter toutes ses ruelles avec ces graffitis qui sont sur les murs. C’est plus profond qu’un simple festival d’art, parce que ça va intéresser le tissu urbain, les gens dans leur quotidien, leurs plaisirs et difficultés de vivre dans une ville comme Dakar.

Est-ce que ça a permis de vulgariser l’art ? Parce que la peinture était quand même quelque chose d’assez élitiste ?

C’est une action assez large. C’est le Off de la Biennale qui essaie d’aller en profondeur et vulgariser l’art. C’est sûr que les galeries peuvent rester des espaces pour les collectionneurs et certains visiteurs. Mais, c’est seulement à travers l’effort d’aller au-delà qu’on peut avoir des résultats. L’art contemporain ne peut pas être populaire à 100%. Un artiste, ça reste un personnage qui sort un peu de son quotidien, pour devenir un leader esthétique. Quand on a commencé la Biennale, les gens ne savaient même pas ce que c’était dans les quartiers. Je ne dis pas qu’ils vont tous avoir des connaissances mais au moins, ils savent maintenant ce qu’est la Biennale, une exposition, un artiste. Ils s’intéressent à l’art. La première fois, ils peuvent regarder en passant et la fois d’après, ils entrent pour voir l’exposition. C’est petit à petit que ça se fait, l’épanouissement de cet art contemporain. On ne peut pas avoir les mêmes échos que pour un concert de Youssou Ndour.

Est-ce que le marché de l’art a grandi en même temps que le Partcours prenait de l’ampleur ?

C’est sûr que le marché a grandi. On connaissait une dizaine de collectionneurs passionnés. Il y en a beaucoup plus maintenant et on en découvre. Là par exemple, pour notre expo à l’Atelier céramique, on a connu Khady et Alioune Thiam, qui sont des collectionneurs. La fille et le père. Et on a découvert qu’ils sont en train de mettre de côté des pièces africaines classiques, principalement, mais aussi de l’art contemporain. C’est intéressant de voir comme le discours s’élargit, et d’une manière assez égalitaire. Les premières galeries, c’était le centre culturel, après il y a eu beaucoup de Sénégalais intéressés mais maintenant, il y a aussi les Libanais qui s’intéressent à l’art contemporain, font un bon travail et ont de beaux espaces.

Cette année, vous allez éditer un livre sur le Partcours. Il parle de quoi ?

Ce livre a été fait avec beaucoup d’images. Le Partcours, c’est l’art dans la cité. C’est vraiment demander aux gens de circuler dans la ville, de découvrir des lieux d’art. Et aussi les bâtiments et les gens autour. Dans ce livre, on trouve aussi beaucoup d’images de l’ancien et du nouveau Dakar. On trouve des œuvres d’art importantes dans le Partcours et on commence à comprendre qu’on peut écrire l’histoire de l’art du Sénégal, à partir de la fameuse école de Dakar, de Senghor et de ses artistes. Ce livre donne des pistes et suggestions autour de tout ça et de l’architecture aussi. Nous tenons beaucoup à cette thématique et sommes attristés de voir comme Dakar est entrain de changer de visage, parfois pas dans le bon sens. Faire le Partcours devient un parcours du combattant, parce que circuler le soir pour être dans les vernissages…

Comme chaque année, il va y avoir ces vernissages par quartier, qui sont un peu l’identité de cet évènement…

Plateau, Medina, Ouakam, etc. Et depuis quelques années, on a rajouté des endroits dans la banlieue. C’est intéressant de ne pas rester dans le centre-ville. Cette année, on a un nouvel espace à Mbao. On a cherché à s’élargir et être présents. Le Partcours est un évènement autogéré. Il y a quelques aides pour la communication générale, mais chaque galerie finance sa propre activité. On a un nouvel espace cette année, à Mbao, et nous sommes très contents de voir cet intérêt pour l’art contemporain. Après, le Partcours reste quand même dakarois.

Financièrement, c’est toujours compliqué ou ça s’améliore ?

Nos financements servent à maintenir cette organisation et payer toute la communication. Ce qui a fait vivre le Partcours jusqu’à présent, c’est un soutien d’Eiffage depuis la première édition, qui permettait d’éditer ce programme. Les premières années, il n’y avait que ça. Après, quand la manifestation a commencé à être plus importante, d’autres financements se sont rajoutés, y compris celui du ministère de la Culture, avec l’Institut français, le Goethe, et cette année, l’Institut italien, qui vient d’ouvrir, y participe comme espace d’exposition. Avec tous ces soutiens, on arrive à tenir, même si probablement, Eiffage va diminuer sa participation parce qu’il considère, qu’après dix ans, le Partcours est devenu grand et a moins besoin d’un soutien constant comme avant. Mais on a les autres et donc, on va tenir. Ce qui est intéressant ici, c’est cette réflexion commune. Cette année, on a même pu faire une édition mineure. A la fin du confinement, on a vu que beaucoup d’espaces étaient fermés et on s’est permis de faire un Partcours à mi saison, qu’on a appelé Noraane, la saison sèche. Ce n’était pas aussi grand que le Partcours, mais il y avait quand même une communication commune sur la réouverture des espaces culturels.

Les dix prochaines années, qu’est-ce que vous prévoyez ?

Pour moi, c’est la retraite. Quand on a commencé, on ne savait pas ce qui allait arriver. Maintenant, il y a une chose de certain, c’est que plus ça devient grand, plus ça devient difficile à gérer. Parce que mettre d’accord dix personnes, c’est plus facile que mettre d’accord 30 personnes. C’est un gros travail d’organisation et de communication à faire. Si on en est arrivés là, on peut aussi aller plus loin.

Comment vous gérez ça ? Vous vous mettez ensemble et décidez ou bien… ?

On a refusé un statut d’association, avec un président qui va tout décider et que les autres se soumettent. C’est très démocratique. On fait des réunions et on discute des décisions à prendre.

Vous n’aimez pas parler de petites galeries ou grandes galeries mais tout de même, est-ce que les petites galeries ont une chance d’attirer de grands artistes ?

Il y a une disparité de galeries justement. Il y a à Dakar, deux à trois petites galeries qui ont la prétention d’être de grandes galeries. Mais à côté, il y a Agit’art ou Yataal art. Ce ne sont pas de grandes galeries, mais elles ont peut-être même une voix plus importante que d’autres. Espace Medina, c’est un des plus anciens espaces, avec le mien. J’ai commencé ma première exposition ici, en 1981. Mais après, c’est sûr qu’il y a des disparités de moyens, mais on essaie de traiter tout le monde de la même façon. Tout le monde a deux pages dans le catalogue.

Exposer Tampidaro n’est peut-être pas la même chose qu’exposer Soly Cissé ?

C’est la particularité du Partcours. On essaie de faire participer toutes les tendances. Et si un artiste a la volonté et le savoir-faire, il peut aller loin. Regardez ce qui s’est passé avec Kiné Aw ou Barkinado Bocoum ! Quand on les exposait, ils sortaient des beaux-arts. C’est intéressant de voir des artistes sénégalais qui réussissent dehors et qui veulent participer au Partcours. Il y a aussi des étrangers qui demandent à être exposés ici.

Vous êtes à l’origine du Off de la Biennale et du Partcours. Qu’est-ce qui vous motive ?

La passion pour l’art et pour les gens. Si c’était seulement pour l’art, je pourrais être dans ma tour d’ivoire et faire ma collection ou mon business. Mais j’aime le terrain, j’aime partager. Et pour le Off, j’étais au début de l’initiative, mais le terrain était là en fait. Il fallait juste l’organiser. Pour le Partcours, c’est parti avec Koyo Kouoh. Les galeries étaient là et elles avaient envie de trouver quelque chose qui fonctionnait.

Puisqu’on est à l’heure du bilan, n’avez-vous pas fait une étude sur les retombées économiques du Partcours ?

On ne l’a pas fait. C’est difficile à faire de toute façon. La Biennale n’a jamais réussi à le faire, parce que les gens ne disent pas tout.

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