On est au début des années 1970. Le Sénégal veut se doter d’un centre ouest-africain spécialisé dans la promotion des échanges et des investissements internationaux. Pour faire sortir l’idée de terre, le gouvernement de l’époque lance un concours international d’architecture.
Deux jeunes français âgés de 28 ans, sans grande expérience, mais avec beaucoup de «conviction», dament le pion à leurs concurrents dont certains étaient des architectes «aguerris», se rappelle l’un deux, Jean-François Lamoureux.
Lui et Jean-Louis Marin furent donc choisis par les autorités sénégalaises pour réaliser ce qui deviendra d’abord le Centre international d’échanges de Dakar (CIED), puis le Centre international du commerce extérieur du Sénégal (CICES).
«Il y avait beaucoup d’incertitudes sur la réalisation de ce projet extraordinairement ambitieux. Mais, à la fin, ce fut assez libératoire pour nous parce qu’ayant réalisé un projet intellectuel abstrait sans les pressions qui pouvaient y avoir. Nous avons fait ce que nous avions pensé, avec conviction et sans crainte. Le rendu a été fidèle», souligne M. Lamoureux.
Près de 50 après, renseigne le quotidien national Le Soleil, les deux concepteurs du CICES ont été invités à participer aux travaux du Comité de réhabilitation du site mis en place par l’État du Sénégal et présidé par l’architecte du Palais.
On y retrouve des experts internationaux dont la Marocaine Aziza Sawi et l’architecte sénégalais Mourtada Guèye. Mercredi dernier, ils ont participé à une table-ronde sur la réhabilitation du CICES aux côtés du Dg Salihou Keïta.
Pour Jean-François Lamoureux, dès le départ, lui et son collègue ont voulu imprimer leur marque en jouant sur l’aspect symbolique tout en tenant compte des aléas budgétaires du projet.
«Cette opération avait peu de chance de succès, car la mobilisation du financement n’était pas évidente à l’époque. Nous sommes partis d’une idée forte qui met l’accent sur l’aspect symbolique, la ventilation et la pérennité. Nous étions imprégnés de la volonté de faire quelque chose de spécifique », dit L’amoureux.
Et d’enchaîner :. « Le CICES, c’est l’élégance, la visibilité, un port et une allure qui renvoient à la grâce de la femme sénégalaise. L’aspect ventilation naturelle a été très important dans la conception ; d’où l’alternance de grands et de petits triangles. Donc, c’était des idées de base, des idées simples ».
De ces idées basiques est né le CICES tel qu’on le connaît avec un mélange de formes primaires : du rond, de la sphère et du triangle. Le tout en deux composantes.
D’abord, un Parc des expositions disposant de vastes espaces modulables et composé de six pavillons principaux et sept pavillons dits «régionaux», l’ensemble couvrant une superficie totale de 27 000 m², et des aires extérieures d’exposition sur 29 000 m².
Sans parler d’un bâtiment technique comprenant des entrepôts (50 à 400 m²) et des bureaux, et un bloc d’édifices abritant les bureaux des services administratifs. Ensuite, un Centre de congrès composé de salles polyvalentes.
Près d’un demi-siècle après, Jean-François Lamoureux est heureux de constater que leur bébé d’alors a grandi et tient toujours sur ces deux jambes, robuste comme un gaillard.
«Quand on voit le CICES, c’est la vitalité, c’est l’énergie avec une position privilégiée en centre-ville. Pour nous, à l’époque, il avait vocation à être à l’abandon ou démoli comme cela a commencé avec la pression immobilière. Ce qui est incroyable, c’est qu’il y a un coup d’arrêt de cette pression immobilière. C’est un miracle», se réjouit-il.
L’architecte est d’autant plus fier qu’il se souvient que «tout a été construit avec des moyens et des matériaux locaux» et avec une main-d’œuvre locale qualifiée.
«Nous n’avons pas eu besoin d’utiliser de supers grus. Avec des échelles et des seaux, nous avons pu construire le CICES. Et pour le revêtement des pavillons, nous avons utilisé du marbre, du coquillage, du galet, de la latérite, lesquels représentaient l’idée de la région et des tissus africains», précise-t-il.
S’exprimant sur la vétusté du CICES, M. Lamoureux invite à relativiser. Si vétusté il y a, elle n’est pas, selon lui, fondamentale mais plutôt superficielle. «Le CICES a résisté au temps. Il faut insister sur l’entretien», préconise-t-il.