L’ex-Premier ministre publie un petit opus dans lequel il tord le cou aux contrevérités énoncées par Eric Zemmour et demande aux républicains des deux rives de réagir.
Politiquement, que restera-t-il de l’année 2021 en 2022 ? Sans faire preuve d’une audace excessive, on peut parier que la campagne présidentielle entamée dès l’été dernier accouchera d’un(e) président(e) de la République en avril prochain. On peut aussi considérer qu’un courant de pensée a émergé et perdurera au moins une partie de l’année 2022 : le zemmourisme. C’est une nouveauté, une façon de tordre l’Histoire, de falsifier les chiffres et d’agiter les craintes des uns pour intensifier la peur de l’autre. « Le zemmourisme est un antihumanisme », cingle Manuel Valls.
Dans Zemmour, l’antirépublicain (à paraître le 12 janvier aux éditions de L’Observatoire), l’ancien Premier ministre passe le discours du journaliste-candidat au tamis des vérités historiques, des faits et des valeurs républicaines. A la fin, il n’en reste rien. Ou si peu. Derrière la polémique sur les prénoms français, derrière ses discours misogynes, derrière son indécence sur les djihadistes ou sur Vichy, un besoin évident de provocation – « Je provoque, donc j’existe », semble dire Eric Zemmour – mais pas de projet de société. Car, quel projet de société viable et exaltant pourrait reposer sur le repli, le retour à hier, la réécriture de notre histoire collective et la mise au ban d’une partie des Français ?
« Un travail peu sérieux qui aboutit à un résultat faussé »
C’est pour chasser ces chimères que Manuel Valls braque sur toutes les idées ou saillies zemmouriennes les lumières des écrits historiques, scientifiques, humanistes… Avec minutie, il démontre que les thèses du candidat reposent souvent sur des erreurs, volontaires bien entendu. Ainsi, la théorie d’extrême droite du « grand remplacement » que Zemmour fait sienne n’est étayée par ce dernier qu’avec des données erronées. « [Son assertion] la plus percutante voudrait que l’immigration légale en France représente annuellement l’équivalent de la ville de Nice, soit entre 350 000 et 400 000 personnes », écrit Valls, avant de tordre le cou à cette idée : « Il obtient ce faux chiffre en additionnant le nombre de titres de séjour délivrés par la France à des ressortissants de pays tiers et un nombre de demandeurs d’asile, obtenu par un savant calcul qui cherche à différencier ceux qui obtiennent l’asile, ceux qui restent alors qu’ils devraient quitter le territoire, etc. En bref, un travail peu sérieux qui aboutit à un résultat faussé.
D’abord, une partie des demandeurs d’asile obtiennent ensuite un titre de séjour. Additionner ces deux statistiques revient donc à compter deux fois une part substantielle d’entre eux. Ensuite, il ne prend pas en compte les sorties migratoires, considérant, sans jamais avancer de précisions, que ce seraient avant tout des Français qui s’expatrient. »
Evidemment, celui qui a osé pointer du doigt l’existence de « deux gauches irréconciliables » ne ménage pas la gauche, coupable selon lui d’avoir refusé le diagnostic, fautive d’avoir abandonné l’universalisme qui seul peut offrir un horizon rassurant et réconciliateur aux citoyens. Blâmable donc d’avoir laissé à Zemmour la place qu’il occupe désormais. « Face à cette entreprise de destruction massive, les républicains des deux rives doivent s’unir pour défendre les legs de la République », voici le voeu de l’ancien Premier ministre pour cette année qui débute.