«C’EST DE LA NAÏVETÉ DE PENSER QU’AVEC LES COUPS D’ETAT MILITAIRES, ON PEUT RÉGLER LES CRISES POLITIQUES ET
La crise dans les pays du Sahel, marquée entre autres par le djihadisme et les nombreux coups d’Etat, préoccupe les membres de la société civile ainsi que les acteurs politiques sénégalais parmi lesquels le Pr Abdoulaye Bathily. Lors d’un webinaire organisé par l’Ipar, le Rapport Alternatif Sur l’Afrique (Rasa), le réseau des Think Tanks du Sénégal (Senrtt) et le réseau des Think-Tanks de l’Uemoa (Rtt Uemoa), l’ancien secrétaire général de la Ligue Démocratique/ Mouvement pour le Parti du Travail (Ld/Mpt) a soutenu qu’il est naïf de penser qu’avec les coups d’Etat militaires, on pourrait régler les crises politiques et sécuritaires dans le Sahel.
L’historien Abdoulaye Bathily se veut formel par rapport à la crise politique qui prévaut actuellement dans la zone Sahel, notamment au Mali et au Burkina Faso.
A l’en croire, les coups d’Etat militaires ne peuvent régler aucun problème. «C’est de la naïveté de penser qu’avec les coups d’Etat militaires, on pourrait régler les crises politiques et sécuritaires dans le Sahel. D’abord, les militaires comme les civils ont été impliqués dans la gestion de nos Etats de tous les temps. Donc, c’est une illusion de penser que les militaires sont propres et que les civils sont sales, parce que les armées ne sont pas indemnes dans les corruptions. Elles participent aux marchés d’Etat, aux fournitures d’armes», a soutenu l’ancien ministre de l’Environnement qui prenait part au webinaire organisé par l’Ipar, le Rasa, le Senrtt et le Rtt Uemoa.
En effet, le Pr Abdoulaye Bathily trouve que la crise de la démocratie a été toujours une réalité dans les pays du Sahel. «Je suis peiné même de voir certains ministres dans les gouvernements avec des tenues militaires pour montrer qu’ils sont propres, alors que les civils comme les militaires font partie de l’ancien système. Et ils sont aussi comptables de la crise de la démocratie électorale, de la gestion gabegique, du népotisme que les autres», indique le célèbre historien.
A l’en croire, les militaires ne peuvent pas seuls régler la question de la sécurité en dehors de la société et la démocratisation réelle. «Il ne faut pas donc tomber dans l’excès en considérant tout ce qui est de la société civile et des partis politiques comme du néant. Ce que les militaires n’ont pas fait dans le passé, ils ne le feront pas maintenant», peste l’ancien leader de la Ld/Mpt.
S’agissant par ailleurs de l’intervention de la France dans la crise au Sahel, le diplomate estime qu’elle est plus basée sur des intérêts que sur de l’altruisme. «La France est intervenue au Mali pour ses intérêts géopolitiques comme la Russie et la Turquie. Il est donc naïf de penser qu’on est assistés par des gens de bonne foi», alerte l’ancien ministre de l’Environnement.
A ses yeux, cette crise est le résultat de la décolonisation qui s’est sédimentée autour des dernières décennies. «Ce à quoi nous avions assisté n’était pas une véritable décolonisation et nous en vivons encore toutes les conséquences. De plus, depuis l’indépendance, il n’y a pas eu une révision transformatrice du Sahel tant du point vue économique que social et politique. Il y a donc des conséquences désastreuses de politiques de développement qui ont entraîné une sédimentation des crises au niveau rural et urbain. Alors, on peut voir les conséquences immédiates de toute cette situation dans les mouvements djihadistes et dans les luttes intercommunautaires appelées la crise sécuritaire qui reflète la crise sociopolitique et économique», ajoute Abdoulaye Bathily. C’est pourquoi il invite les Etats à regarder dans le rétroviseur pour ouvrir des perspectives plus rationnelles et plus réalistes.