Malgré deux dialogues nationaux et des concertations sur le processus électoral, les acteurs politiques n’étaient d’accord que sur leurs désaccords. Le sacre de l’Equipe nationale du Sénégal à la Can, a fédéré toute une Nation.
Par Babacar Guèye DIOP – La scène paraît surréaliste : Barthélemy Dias et Khalifa Sall serrant la main du Président Macky Sall dans une bonne ambiance. Le football est magique et les images de l’aéroport militaire de Yoff l’ont rappelé. Macky Sall, Abdoul Mbaye, Bougane Guèye Dany, Barthélemy Dias, Khalifa Sall, Déthié Fall, Mayoro Faye, qui se congratulent… La politique a certes ses surprises et retournements, mais les antagonismes étaient tellement abyssaux que ces faits relevaient pratiquement de l’impossible à court terme. Pour l’histoire, le Covid-19, dès son apparition au Sénégal en mars 2020, avait pu réunir la classe politique dans des circonstances tristes. Il y a eu des séances de dialogue national, d’appels de chefs religieux, des concertations sur le processus électoral, des ateliers nationaux sur les questions de pétrole et de gaz et même des victoires de sportifs (basket féminin, beach soccer,…). Jamais les politiciens n’ont été aussi réunis.
Cet élan fédérateur, le président de la République doit être le premier à s’en réjouir. Lui qui a institué la journée du 28 mai, comme celle du dialogue national. Il a déjà organisé deux dialogues sans jamais avoir l’adhésion de tous les acteurs politiques. Le premier est organisé le 28 mai 2016, au sortir d’un référendum qui a divisé le pays et lors duquel le camp du «Non» a obtenu 37%, un record national pour un scrutin de ce type. A la table des discussions, il n’y aura ni Khalifa Sall, ni Ousmane Sonko, ni Idrissa Seck, alors que le Pds était parti avec l’intention de négocier la libération de Karim Wade, finalement élargi moins d’un mois plus tard (24 juin 2016). Lors du dialogue post-réélection de Macky Sall du 28 mai 2019, le Pds décide de boycotter comme Ousmane Sonko, alors que Idrissa Seck s’était fait représenter par Mamadou Diop Decroix. Oumar Sarr, en disgrâce dans le parti libéral, avait fait fi de la directive de Me Abdoulaye Wade pour se présenter au Palais.
A l’époque, Ousmane Sonko déclarait à propos de ces concertations dirigées par Famara Ibrahima Sagna : «Les Sénégalais doivent désormais parler du gouvernement de Famara Ibrahima Sagna. Car sa mission, c’est de fabriquer un programme parce que quand un exercice de ce genre englobe les questions politiques, économiques et sociales, il s’agit carrément de fabriquer un programme à la place de ‘‘Ligueyal euleuk’’ et du Pse. Donc, nous devrons considérer que la manœuvre qui consistait à supprimer le poste de Premier ministre, devait aboutir à désigner un gouvernement informel qui sera un panier à salade.»
Unité jusqu’à quand ?
Le leader de Pastef qui citait toujours Macky Sall par son nom, a félicité lundi le président de la République après le succès des Lions du football. «Depuis Porokhane où je me trouve actuellement pour une ziarra en prélude au Magal prévu ce 10 février, date qui coïncide avec celle de mon installation à la mairie de Ziguinchor, je viens de recevoir un appel du doyen Habib Sy m’informant que le Président Macky Sall, par le biais du ministre de l’Intérieur, nous a fait l’honneur de convier la coalition Yewwi askan wi à l’accueil populaire des Lions, champions d’Afrique 2021. Je remercie vivement le président de la République pour cette invitation, à laquelle répondront les leaders de la coalition présents à Dakar, et le félicite pour cette victoire qu’il a tant souhaitée et à laquelle il a beaucoup œuvré», a déclaré Sonko sur Facebook. C’est le contraire de ses déclarations à la suite des évènements tragiques de mars 2021, lorsqu’il soutenait même que Macky Sall est un «Président légal mais illégitime». Il disait : «Vous ne m’entendez jamais l’appeler Président Macky Sall, je ne l’appelle que par Macky Sall parce que je ne reconnais pas sa légitimité.» Le 17 novembre 2021, à l’émission Faram facce de la Tfm, Barthélemy Dias qualifiait Macky Sall «d’homme pas bien», qu’il ne veut «pas rencontrer». Les dernières élections n’ont pas raffermi les angles entre les acteurs politiques. Echéance au cours de laquelle la question de l’homosexualité a été agitée contre le pouvoir en place.
Un an après le déclenchement de l’affaire Ousmane Sonko-Adji Sarr débouchant sur des émeutes (14 morts), les hommes politiques se sont retrouvés à l’aéroport de Yoff lundi et hier, au palais de la République.
Justement, lors de cette cérémonie de décoration des Lions, il y avait Macky Sall, Aïda Mbodj, Barthélemy Dias, Khalifa Sall, Déthié Fall, Abdourahmane Diouf, Pape Diop, Mamadou Lamine Diallo, Thierno Alassane Sall, Abdoul Mbaye, Habib Sy, le gouvernement… bref, toute la République. L’unité de la classe politique est saluée de tous. La question est de savoir jusqu’à quand peut-elle demeurer ?
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