Intellectuels, universitaires, hommes de lettres et de culture ont échangé sur l’œuvre du journaliste écrivain Boubacar Boris Diop, notamment « Murambi, le livre des ossements » (Ed. Flore Zoa 2022), lauréat du prix de littérature Neustadt International
L’œuvre «Murambi, le livre des ossements» (Ed. Flore Zoa 2022) de Boubacar Boris Diop a fait l’objet d’une table ronde à laquelle ont participé des intellectuels, universitaires et hommes de lettres et de culture. Ces derniers ont discuté de la question du devoir de mémoire du génocide rwandais et du déclic que ces événements ont suscité dans l’œuvre du journaliste écrivain, lauréat du Neustadt International.
Intellectuels, universitaires, hommes de lettres et de culture ont échangé sur l’œuvre du journaliste écrivain Boubacar Boris Diop, notamment « Murambi, le livre des ossements » (Ed. Flore Zoa 2022), lauréat du prix de littérature Neustadt International. Cet ouvrage, issu du projet ‘’devoir de mémoire du génocide rwandais’’, a été revisité de fond en comble lors de la célébration de son auteur. Cérémonie à laquelle ont pris part des personnalités comme le Pr Penda Mbow, Dr Abdoulaye Diallo de la maison d’édition «L’Harmattan Sénégal» et l’ancien ministre de la Culture, Makhali Gassama. Faisant une étude comparative des livres publiés par journaliste écrivain Boubacar Boris Diop, Dr Serigne Sèye (professeur de littérature africaine) déclare : «L’auteur a essentiellement adopté deux principes : la simplicité et la précision… dans « le Cavalier et son ombre » et « Murambi, le vivre des Ossements » qui sont deux romans traitant la question du génocide. La quête du juste récit dans ces deux œuvres est faite avec le terme «Eux». Il a fait un récit épuré et une narration de la réalité la plus dépouillée » possible du génocide de 1994. Entre ces deux œuvres, l’auteur a changé son approche, pour dire de façon juste l’horreur dans ses ouvrages-mémoires. La construction d’un récit dans l’œuvre de Boubacar Boris Diop est l’aspect le plus marquant dans les écrits du penseur».
MURAMBI, UN DECLIC DANS L’ŒUVRE DE BOUBACAR BORIS DIOP L’AUTEUR
Professeur de lettres Classiques, Fatimata Diallo Bâ a relevé le changement de paradigme dans la construction du récit chez l’auteur de «Murambi». «Les canaux habituels de la narration furent insuffisants pour traduire cette acre réalité. L’histoire et la mémoire font partie du monde. Ce, même si le romancier n’est pas un historien. Il le fait à travers un récit où l’imaginaire fait vibrer la vérité. La littérature contribue ainsi à l’avancement et/ou à la marche du monde», explique Pr Diallo Ba.
D’ailleurs, depuis son sacre de 2001, le livre des ossements continue toujours d’être célébré. Aux yeux de Fatimata Diallo Ba, cet ouvrage a constitué une nette rupture avec les écrits antérieurs de l’auteur. Pour sa part, Ibrahima Wane, qui enseigne la littérature Africaine à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad), décèle deux niveaux de recherche du langage, notamment «l’annonciation et la dénonciation» dans Murambi qui constitue, selon lui, le tournant dans l’écriture de l’auteur. «Il a impulsé une quête du langage qui a permis à l’écrivain de faire la redécouverte d’une langue qui n’est ni de ses personnages, ni du public. Mais un écrit qui se détache des pâles copies, des ouvrages des auteurs africains. Mais c’est plutôt une réflexion sur : comment dire ? A qui ? Le cadre romanesque est un stade qui permet de prendre de la distance par rapport aux faits et au récit», souligne Monsieur Wane qui ajoute que les niches de résistance sont dans les œuvres artistiques et culturelles qui coupent le pont avec la colonisation. «L’auteur s’est rendu compte qu’on ne peut pas s’exprimer mieux que dans son propre langage ; c’est ce qui l’a amené à écrire par la suite trois livres en wolof. Effectivement, on ne peut pas raconter son peuple dans une autre langue. Et une langue est un choix pour sortir de la parenthèse coloniale.»
Dans son intervention, Boubacar Boris Diop a d’emblée souligné l’émotion que ces moments d’échanges lui ont procurée. «Cela ouvre les possibilités de se pencher sur la source du génocide rwandais. Nous avons écrit 09 romans-mémoires du génocide, une histoire singulière dans l’histoire du continent qui, 30 ans après les faits, ne livrent pas ses causes profondes. Depuis cette phase obscure, une fracture historique s’est dès lors déclinée suite à ces horreurs. C’est la première fois que les faits préexistent par rapport au récit ; tout ce qui est raconté sur le prêtre dans le récit est vrai, même s’il est un peu romancé. Le grand exécutant a été arrêté à Thiès. Les auteurs s’étaient réfugiés dans des pays francophones dont le Tchad. Murambi, c’est plus un compte-rendu journalistique qu’un roman. Le Rwanda a changé ma façon de penser. Il a accéléré le pas sur mon écriture en langue maternelle. La haine de l’autre est en réalité la haine de soi», raconte l’auteur qui n’a pas manqué de signaler que le prix Neustadt International lui était inconnu avant son sacre.
CARACTÉRISTIQUES DE L’ŒUVRE
La simplicité du style et l’esthétique caractérisent «Murambi». L’auteur, tout en restant le plus fidèle possible, tel un miroir, relate le génocide et frappe les consciences avec un langage et un style percutants. «C’est ce qui marque le renouvellement de l’écriture du «livre des ossements » avec la sobriété et la concision. A côté de cela, il y a un engagement politique dans la dénonciation de «la responsabilité de la France dans ce carnage». Professeur de littérature à l’Ucad, Mamadou Bâ relève que l’hypotypose qui est un excès du réel devient le style dans l’ouvrage (…). « Le récit nous amène de manière intime dans les engrenages des faits. Il est une arme d’extermination des faux arguments et démontre la puissance de résistance dans le récit. Ecrire, c’est tenir mémoire. Murambi nous apprend à comprendre et endurer notre histoire contemporaine. Le récit repart, reconstruit, recoud une cicatrice et est antidote du génocide…», explique l’enseignant Mamadou Ba.