Les principaux intrants entrant dans la fabrication du ciment connaissent des hausses fulgurantes. Les acteurs tiennent le coup pour l’instant. Mais jusqu’à quand ?
Les principaux intrants entrant dans la fabrication du ciment, tels que le charbon, le clinker et le fioul, ainsi que le coût du fret connaissent des hausses fulgurantes qui donnent le tournis aux cimenteries, lesquelles, comme Dangote, tiennent le coup pour l’instant. Mais, jusqu’à quand ? En tout cas, l’idée d’une hausse du ciment est dans l’air pour donner…de l’air à ce secteur.
C’est peu de dire que l’économie mondiale est en péril. On n’a pas fini de panser les plaies ouvertes par la pandémie de la Covid-19, et voilà le conflit entre la Russie et l’Ukraine qui en rajoute une gangrène. Du coup, les échanges commerciaux subissent, aujourd’hui, une déstructuration qui n’épargne aucun secteur. Les denrées de première consommation dont le riz, l’huile et le sucre ont déjà flambé, grevant sérieusement le pouvoir d’achat des consommateurs. Cette fois-ci, c’est le ciment qui risque de suivre la même tendance haussière. L’alerte est de Luke Haeltermann, Directeur général de Dangote Cement Senegal Sa. Cet homme débonnaire, de nature optimiste, se veut, cette fois-ci, réaliste : « L’industrie du ciment risque de subir les contrecoups du dérèglement de l’économie mondiale ». Il en veut pour preuve l’augmentation du prix du charbon utilisé pour l’alimentation de la centrale électrique de son usine. « Le prix du charbon a bondi de 140 % depuis décembre 2021, alors que cet intrant constitue la moitié de nos charges variables. Sans compter le coût du fret qui a aussi augmenté. Au même moment, le prix du ciment reste inchangé sur le marché. Nous vivons des moments difficiles », soupire-t-il.
Le patron de la plus jeune des trois cimenteries du Sénégal a fait cette confidence, jeudi, à l’issue d’une visite guidée de la presse dans les installations de l’usine qui fête les sept ans du démarrage de ses activités au Sénégal. Une partie du charbon utilisé par la cimenterie Dangote Sénégal venait de la Russie, mais avec la guerre, elle est obligée de se rabattre essentiellement sur le Mozambique et l’Afrique du Sud, selon Mohamed Bachir Lô, le Directeur des Opérations ; ce qui implique des surcoûts et des tensions inhérentes à tout marché en manque. Même le prix du papier pour le conditionnement du ciment a augmenté. Il est à 300 ou 350 FCfa, selon Alex Simaga, Directeur commercial de Dangote. « Le sac de ciment 32,5 coûte entre 3250 et 3300 FCfa alors que le papier nous revient à 300 FCfa ; ce qui veut dire que rien qu’avec le papier, nous sommes presque à 10 % de la valeur du sac de ciment vendu sur le marché », explique-t-il.
Les autres cimenteries qui utilisent d’autres sources d’énergie comme le fioul pour faire fonctionner leurs installations subissent les mêmes effets avec le renchérissement des prix du pétrole sur le marché mondial.
Cette situation a pour conséquence de remettre aux calendes grecques les nouveaux investissements de Dangote, et donc, de réduire les possibilités de création de nouveaux emplois, selon Luke Haeltermann. Seule bouffée d’oxygène pour cette filiale du Groupe Dangote, elle fabrique elle-même, sur place, le clinker, principal produit à la base du ciment. « Nous le produisons ici et notre production nous suffit », précise Alex Simaga. Mais, ceci est loin d’être le cas des deux autres cimentiers qui, eux, sont obligés de faire venir des bateaux, car ils n’en produisent pas assez sur place. Or le prix du clinker, informe le Directeur commercial de Dangote Cement Senegal, a plus que doublé ces derniers temps.
Jusqu’à quand les cimenteries pourront-elles résister à cette pression ? Devrait-on s’attendre à une hausse du prix du ciment ? « Il faut prier qu’on dépasse la conjoncture actuelle », lance Luke Haeltermann, quelque peu fataliste. Sans plus. L’on se rappelle qu’il y a trois ans, les trois cimentiers de la place (Sococim, Ciments du Sahel et Dangote Cement Senegal), avaient voulu augmenter, de manière unilatérale, le prix du sac de ciment avant que le Ministère du Commerce ne s’y oppose alors que l’économie mondiale se portait, à l’époque, beaucoup mieux qu’elle ne l’est aujourd’hui. Pourtant si le prix du sac de 50 kg de ciment reste bloqué à 3250 ou 3300 FCfa, ce n’est pas faute d’avoir essayé de convaincre l’État de le déplafonner par les cimentiers. « Nous ne cessons de faire le plaidoyer auprès des autorités. Nous comprenons la pression que l’État subit vis-à-vis de la population, avec un prix historique qui n’a jamais dépassé un certain palier. Mais derrière, il y a la viabilité du secteur de la cimenterie qui est en jeu. Vu la pression de la demande, des projets d’investissement sont nécessaires, mais nous ne la satisfaisons pas tout le temps. Si nous voulons arriver à financer cela, il faut que nous soyons capables, derrière, de générer de la valeur ; ce que nous avons du mal à faire actuellement », insiste Alex Simaga.
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