La deuxième Biennale d’architecture et du paysage (BAP !) de la région Ile-de-France ouvre pour deux mois samedi à Versailles, avec pour thème «Terre et villes». Elle présente de nombreuses solutions architecturales qui rendent optimistes dans la possibilité de réconcilier urbanisation et nature.
par Eve Szeftel
Tout n’est pas perdu, la planète peut encore être sauvée et voici quelques pistes d’action : tel est le message, plutôt optimiste, que porte la Biennale d’architecture et du paysage (BAP !), dont la deuxième édition se tient jusqu’au 13 juillet dans l’ancienne capitale royale, Versailles (Yvelines). Une manifestation ouverte ce samedi et placée sous le signe de «l’urgence climatique», car «il n’y a pas de planète B», comme l’a rappelé jeudi la présidente LR de la région Ile-de-France Valérie Pécresse, lors de sa présentation à la presse. Pas de planète B, mais des plans B pour empêcher l’irréversible, les commissaires de la BAP en ont à revendre. Et après avoir arpenté les neuf expositions, réparties en divers points de la cité, le visiteur, angoissé par le dernier rapport du Giec ou les nouvelles de la canicule qui rôtit l’Inde, en ressortira raisonnablement confiant dans l’intelligence humaine, la capacité de l’homme à apprendre de ses erreurs, et à la réparer.
«On est dans le drame, mais aussi dans l’espoir : c’est notre condition humaine actuelle», a résumé l’architecte-paysagiste Pablo Georgieff, l’un des cofondateurs de l’agence Coloco. Avec ses trois associés et le paysagiste star Gilles Clément, ils ont conçu l’exposition la plus intéressante du parcours, avec l’aide des élèves de l’Ecole nationale supérieure de paysage sise dans le Potager du roi, dont la visite à elle seule vaut le détour en ce printemps. Son titre, «la Préséance du vivant», est déjà tout un programme. L’idée n’est pas d’arrêter d’urbaniser, ni de faire table rase de l’existant, mais d’inverser les priorités dans la fabrique de la ville, en mettant au second plan «le fonctionnalisme et le formalisme» (Gilles Clément) au profit du vivant dans tous ses états : dans le désordre, l’homme, l’animal, le végétal.
«Emerveillement de la vie qui se réinstalle»
Dix projets réalisés par Coloco et Clément y sont détaillés, qui ont en commun d’être des expériences de renaturation en ville, «où on a éprouvé cet émerveillement de la vie qui se réinstalle». A chaque fois, «on part d’un état zéro de la nature : un parking, comme à Lecce, en Italie, le toit de la base d’un sous-marin, à Saint-Nazaire, ou la place de la Nation à Paris», explique Nicolas Bonnenfant de Coloco. Un mur de photos montre les architectes, manches retroussées, en train d’attaquer à coups de pioche un sol couvert d’asphalte : la notion de «désimperméabilisation» devient soudain très concrète.
A quelques kilomètres du potager du roi, c’est sur le site d’une ancienne caserne, qui accueillera dans quatre ans un nouveau quartier d’habitation construit par Icade, que le paysagiste Michel Desvigne a installé «Territoires en transformation», qui rend compte de plusieurs projets emblématiques à grande échelle qu’il a piloté. Comme la reconfiguration des friches minières autour de Lens (Pas-de-Calais) pour donner naissance à une «Chaîne des parcs» de 4 200 hectares ou le projet nommé «Lisière» sur le plateau de Saclay (Essonne) qui consiste à aménager, entre les terres agricoles et le campus universitaire, un «espace public d’un nouveau genre» mêlant points d’eau, parcelles expérimentales, usages sportifs et récréatifs. «La lisière, c’est l’anti-ZAD», a résumé celui qui veut mettre «l’ingénierie écologique au service de la ville», rappelant que cette friche de sept kilomètres de long était constructible mais qu’un autre choix a été fait. Manière de répondre à ceux qui critiquent la «bétonisation du plateau» où est installé le campus des sciences de l’ingénieur.
«Démonstrateur du savoir-faire»
Parmi les autres expositions à signaler, «Visible, invisible», conçue par l’Ecole nationale supérieure d’architecture (Ensa) de Versailles, qui est installée sur le site exceptionnel de la Petite Ecurie, témoigne des nouvelles pratiques de plus de 40 architectes. Une Monumenta répertorie les ressources matérielles de la région : du chanvre récolté en Seine-et-Marne, du gypse extrait d’une carrière du même département, de la terre issue des chantiers du Grand Paris, etc. «Le Pavillon du Grand Paris Express» permet de plonger dans les entrailles du futur métro en rocade autour de Paris et «District 2024» conçu par Dominique Perrault, met en lumière la démarche de conception du «village des athlètes», ce grand projet de quartier «réversible» que les Jeux olympiques laisseront en héritage à la Seine-Saint-Denis. Un cas d’école de transformation d’une friche industrielle, qui permet de comprendre le processus de fabrication de la ville de demain, là où le topo de «refaire la ville sur la ville» reste souvent trop abstrait.
Au-delà de sa vocation pédagogique, d’information du grand public sur les grands chantiers en cours – ce qui, au passage, pourrait aider à renforcer leur acceptabilité – la BAP ! se veut aussi une boîte à idées, une source d’inspiration, un «démonstrateur du savoir-faire français et étranger», selon le terme du maire de Versailles, François de Mazières, qui en assure le commissariat général. Valérie Pécresse a émis le souhait que ses expositions comme les débats qui vont l’accompagner soient «inspirants», à l’heure où la région redéfinit le cadre de son urbanisme à l’horizon 2040. «Nous lançons actuellement la réflexion sur le Sdrif [Schéma directeur de la région Ile-de-France, ndlr] environnemental, et toutes les idées émises pendant cette biennale nous serviront». Pensait-elle au théâtre en briques fabriquées à partir de bouses d’éléphants, œuvre de l’architecte thaïlandais Boonserm Premthada, exposée dans la Petite Ecurie de Versailles ? Car la nature a beau occuper 75 % de la surface de la région capitale, à part au PS ou au zoo de Vincennes, les pachydermes ne courent pas les bois.