Porté par la normalisation de ses relations avec plusieurs pays arabes, Israël relance son opération séduction en Afrique dans l’espoir notamment d’obtenir, in fine, un soutien accru des Etats du continent dans les enceintes internationales.
Signe de cette ambition, un colloque se tenait mardi à Paris sur les « défis et les opportunités » d’un « retour d’Israël en Afrique », où l’Etat hébreu a enregistré quelques succès en matière de +soft power+ mais voudrait encore intensifier son action et en tirer des dividendes diplomatiques.
C’est une « priorité », a déclaré le ministre israélien des Affaires étrangères Yaïr Lapid, rappelant dans une vidéo diffusée aux ambassadeurs et entrepreneurs réunis à Paris les liens « historiques » entre Israël et le continent.
C’est une période « pleine de promesses et d’attentes », a souligné de son côté l’ambassadeur d’Israël au Sénégal Ben Burgel. « Notre classe dirigeante est désireuse de pouvoir approfondir notre relation avec l’Afrique et les opérateurs économiques sont à la recherche aussi de partenariats ».
Après l’âge d’or des années 50 et 60, les relations entre Israël et l’Afrique ont connu un trou d’air avec la rupture des liens diplomatiques entre l’Etat hébreu et plusieurs pays africains dans le sillage des guerres des Six Jours de 1967 et du Kippour de 1973.
Il faudra attendre les années 1990 pour que certains liens soient restaurés – Israël entretient aujourd’hui des relations diplomatiques avec une quarantaine d’Etats africains.
Entre 2009 et 2021, l’ancien Premier ministre Benjamin Netanyahu « s’est donné l’objectif de reprendre les relations diplomatiques avec les pays africains ayant rompu » et « cet objectif a été largement rempli », relève Benjamin Augé, chercheur à l’Institut français des relations internationales (Ifri) à Paris et auteur d’un rapport en 2020 portant sur les relations Israël-Afrique.
– « Donner de la consistance » –
« Il ne s’est cependant pas accompagné de moyens pour donner de la consistance à la reprise de ces relations », ajoute-t-il, pointant également des échanges économiques qui restent « faibles ».
Parmi les avancées enregistrées ces dernières années, Israël peut mettre en avant les accords conclus avec le Maroc et le Soudan – après ceux signés avec les Emirats – et dénoncés par les Palestiniens comme une « trahison ».
L’Etat hébreu a également obtenu, en 2021, le statut d’observateur au sein de l’Union africaine. Mais face à la levée de boucliers notamment de l’Afrique du Sud et de l’Algérie, un comité a été chargé de se pencher sur la question.
« Dans l’ensemble, Israël a définitivement fait des percées en Afrique », estime Steven Gruzd, de l’Institut de relations internationales d’Afrique du Sud, évoquant des liens forts « avec des Etats d’Afrique de l’Est comme le Kenya, l’Ouganda, l’Ethiopie et le Rwanda ».
Pour y parvenir, Israël a joué la carte du « soft power », en nouant des coopérations dans les domaines de l’agriculture, de l’énergie, de la cybersécurité ou encore de lutte contre le terrorisme. Avec, au-delà des enjeux économiques et sécuritaires, un objectif bien précis en tête.
« Le périple de Benjamin Netanyahu de 2017 dans certains pays africains avait pour objectif le raffermissement de la présence d’Israël en Afrique notamment pour qu’Israël au sein des enceintes internationales et surtout de l’Assemblée générale de l’ONU puisse disposer d’un meilleur vecteur de soutien des pays africains », a rappelé mardi l’ancien ambassadeur d’Israël en France et aux Nations unies, Yehuda Lancry.
« Israël essaie de briser le phénomène des Etats africains qui votent en masse contre lui dans des forums internationaux comme l’Assemblée générale des Nations unies et le Conseil des droits de l’homme des Nations unies », confirme Steven Gruzd.
Avec un succès mitigé. En 2016, le Sénégal, qui a rétabli ses relations diplomatiques avec Israël dans les années 90, avait voté à l’ONU une résolution contre les colonies israéliennes. Le sommet Afrique-Israël de Lomé, qui devait concrétiser en octobre 2017 la stratégie de M. Netanyahu, n’a lui finalement jamais vu le jour.
– Pragmatisme –
Mais les lignes pourraient toutefois bouger, relève M. Gruzd, selon qui les pays africains seraient devenus « plus pragmatiques qu’idéologiques ».
« Dans certains pays – comme l’Afrique du Sud et l’Algérie – le sentiment anti-Israël est fort, mais ceux-ci sont fortement minoritaires », observe-t-il.
Un changement de paradigme auquel veut croire l’ambassadeur d’Israël au Sénégal. « Il ne s’agit plus d’être pour ou contre Israël mais de permettre à chaque Etat de décider de manière souveraine des relations qu’il aura avec son partenaire », affirme Ben Burgel, se réjouissant du « pragmatisme » de récents échanges avec N’Djamena.
Côté Africains, le ton se veut plus mesuré. « Aux Nations unies, le Sénégal préside depuis sa création le comité pour les droits inaliénables des Palestiniens » et entretient dans le même temps « une excellente coopération avec Israël », a souligné mardi l’ambassadeur du Sénégal en France, El Hadji Magatte Seye, reconnaissant des « divergences » sur certains sujets.
L’ancien ministre malien des Affaires étrangères Tieman Coulibaly a de son côté jugé « légitime » qu’Israël « travaille avec les Etats africains ». Sans entrer dans le débat diplomatique sur la question palestinienne.