Selon les premières estimations Ipsos à 20 heures, la Nupes tient tête à la majorité présidentielle et ses alliés. Une performance pour l’union de la gauche sur fond d’abstention record.
par Sacha Nelken
Au coude à coude. Ce dimanche soir, l’alliance de la gauche réunissant la France insoumise, Europe Ecologie-les Verts Les Verts, le Parti communiste et le Parti socialiste se retrouve dans un mouchoir de poche avec la macronie. Selon les premières estimations d’Ipsos à 20 heures, elle arrive, avec 25,2 % des voix à l’échelle nationale, à égalité avec le parti présidentiel et ses alliés. Un score qui ressemble tout de même à un exploit pour une gauche qui, ces dernières années, n’a pu se contenter que des miettes dans l’opposition. Comme quoi, quand la gauche parvient à dépasser ses guerres d’ego et ses intérêts boutiquiers pour répondre aux aspirations unitaires de son électorat, elle est capable d’incarner un espoir.
Dimanche prochain, la Nupes peut espérer voir entrer 150 à 190 députés au Palais Bourbon quand la macronie devrait avoir entre 255 et 295 élus. Les premières projections des 577 sièges ne règlent, en revanche, pas deux grandes questions : le chef de l’Etat parviendra-t-il à conserver sa majorité absolue à l’Assemblée nationale ? Et la gauche trouvera-t-elle des réserves de voix suffisantes pour envoyer, comme elle l’espère, l’Insoumis Jean-Luc Mélenchon à Matignon ? La clé du second tour résidera une nouvelle fois dans la participation, historiquement basse ce dimanche pour un premier tour d’élections législatives, entre 47 et 47,5 % selon les instituts, et touchant jeunes et classes populaires en priorité. Jean-Luc Mélenchon ne s’y est pas trompé qui a appelé «le peuple» «à déferler dimanche prochain» pour «rejeter les projets funestes d’Emmanuel Macron».
Loin derrière, le Rassemblement national, qui obtient 18,5 % des voix peut espérer voir entrer entre 20 et 45 députés au Palais Bourbon dans dix jours. Le parti d’extrême droite est donc assuré de voir son nombre de parlementaires augmenter par rapport à 2017 où seuls huit candidats lepénistes avaient été élus. Et ce, après une campagne atone durant laquelle Marine Le Pen, malgré un tour de France des selfies, n’a jamais réussi à trouver une dynamique.
A l’inverse, les Républicains sont, eux, d’ores et déjà assurés de voir leur groupe politique composé de 92 députés fondre à l’aube de la nouvelle législature et donc, de ne plus être la première formation groupe d’opposition au Palais Bourbon. Le parti de droite qui récolte 14 % des voix à l’échelle nationale, peut espérer 50 à 80 parlementaires à l’Assemblée nationale. Le parti de la rue de Vaugirard peut malgré tout espérer sauver les meubles grâce au mode de scrutin. Dans leurs duels de second tour face à des candidats de la Nupes, les représentants LR pourraient bénéficier des voix de l’électorat macroniste pour l’emporter. Les Républicains pourraient ainsi peser davantage à l’Assemblée que ne le suggère leur score de premier tour.
Une campagne unitaire
Eric Zemmour et son parti Reconquête ne doit lui se contenter que des miettes. Le polémiste d’extrême droite et ses candidats ne font pas mieux que 3,8 % des suffrages, selon Ipsos. Un nouvel échec après celui de la présidentielle. Le parti xénophobe pourrait bien se retrouver sans aucun député dimanche prochain. Au mieux, Reconquête peut espérer trois députés. Mais pas son leader multicondamné pour incitation à la discrimination raciale est éliminé dès le premier tour, à Saint-Tropez dans la 4e circonscription du Var.
Si la gauche est aussi haute ce soir, c’est que contrairement à l’élection présidentielle où chacun des partis a fait campagne dans son couloir – souvent en se tirant dans les pattes – les insoumis, écologistes, socialistes et communistes sont parvenus à s’unir. Dans la foulée de la présidentielle, Jean-Luc Mélenchon qui a échoué d’un cheveu à se qualifier au second tour, appelle les Français «à l’élire Premier ministre» en votant pour une majorité de députés insoumis dans des législatives présentées comme le «troisième tour» de l’élection suprême. Le tribun en profite pour lancer un appel aux communistes et aux écologistes à se rassembler autour d’un accord programmatique. L’union semble être de nouveau une priorité à gauche.
Les discussions commencent à la fin du mois d’avril entre les rouges, les verts mais aussi avec les socialistes pourtant présentés, dans un premier temps, comme persona non grata. Tour à tour, des émissaires d’Europe Ecologie-les Verts, du Parti communiste ou du Parti socialiste se succèdent au QG de La France insoumise pour des nuits entières de négociations. Au-delà de l’épineuse répartition des circonscriptions, les différentes formations discutent programme commun. De vrais blocages apparaissent notamment sur la question de la désobéissance aux traités européens et la retraite à 60 ans. Mais après de longues heures d’échange, les insoumis topent avec les communistes, les écologistes et les socialistes (malgré l’opposition des éléphants et de plusieurs figures comme Anne Hidalgo et Carole Delga). La Nouvelle Union populaire écologiste et sociale (Nupes) est née.
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De quoi inquiéter la majorité présidentielle. Dès l’accord de la Nupes scellé, la macronie, qui n’avait pas hésité à draguer l’électorat de gauche pendant la campagne d’entre-deux-tours, change totalement de braquet et sort les griffes vis-à-vis de la coalition portée par le leader des insoumis. N’hésitant pas, parfois, à s’appuyer sur des fake news pour diaboliser leurs adversaires. Le président de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand, qui disait avoir des «valeurs communes» avec Jean-Luc Mélenchon tacle désormais une alliance contre nature qualifiée de «salmigondis idéologique». Pendant qu’Emmanuel Macron reste en retrait, les ministres multiplient les interventions médiatiques pour diaboliser le leader insoumis et alerter du risque que pourrait représenter «l’extrême gauche» au pouvoir. Quand ce n’est pas Bruno Le Maire qui accuse Mélenchon d’être un «Chávez Gaulois» dans le Figaro, c’est Gabriel Attal qui attaque en affirmant dans le Monde qu’avec le leader insoumis ce serait «la guillotine fiscale». Au vu des résultats ce soir, les craintes étaient bien justifiées.