Les Japonais étaient en deuil, samedi, après l’assassinat, la veille, de leur ancien Premier ministre Shinzo Abe. Nombre d’entre eux se sont rendus sur les lieux où il a été tué par balles, dans la ville de Nara, dans l’ouest du pays.
Le Japon était toujours sous le choc samedi 9 juillet, au lendemain de l’assassinat par balles pendant un meeting électoral de son ancien Premier ministre Shinzo Abe, dont le corps a été rapatrié à son domicile de Tokyo.
L’assassinat de l’un des hommes politiques les plus connus de l’archipel, qu’il a gouverné pendant plus de huit ans, a profondément meurtri et ému au Japon comme à l’étranger.
L’auteur présumé de l’attaque, arrêté sur les lieux, a avoué avoir délibérément visé Shinzo Abe, expliquant à la police en vouloir à une organisation à laquelle il croyait que celui-ci était affilié. Certains médias japonais ont évoqué un groupe religieux.
Cet homme de 41 ans, un ancien membre de la Force d’autodéfense maritime (la marine japonaise), selon les médias locaux, a, d’après la police, utilisé une arme « d’apparence artisanale », sur laquelle des analyses complémentaires était en cours.
Au moment de l’attaque, Shinzo Abe faisait campagne à Nara (ouest) pour le scrutin sénatorial de dimanche, et le Premier ministre, Fumio Kishida, a déclaré que les préparatifs pour les élections, « fondement de la démocratie », se poursuivraient normalement.
Fumio Kishida, membre comme Shinzo Abe du Parti libéral-démocrate (PLD, droite nationaliste), a participé, samedi matin, à un meeting de campagne à Yamanashi (ouest de Tokyo) devant 600 personnes, déclarant, selon le quotidien Mainichi, que « la violence ne saurait l’emporter sur la parole ».
« On ne va pas laisser se reproduire ce qui s’est passé hier », a lancé un membre de la sécurité cité par le quotidien, qui décrivait un dispositif de sécurité renforcé, avec installation de détecteurs de métaux et fouille des sacs des spectateurs.
Le corps de Shinzo Abe est arrivé, samedi, en début d’après-midi à son domicile de Tokyo, à bord d’un corbillard dans lequel avait pris place Akie, son épouse, et qui avait quitté à l’aube l’hôpital de Kashihara, près de Nara, où l’ancien Premier ministre avait été pris en charge après son agression.
Atteint de deux balles au cou, il a été déclaré mort quelques heures après, malgré les efforts déployés par une équipe de vingt médecins.
Selon des médias locaux, une veillée funèbre est prévue lundi soir et les funérailles auront lieu mardi, en présence uniquement de la famille et de proches de Shinzo Abe.
Série d’hommages
La mort de Shinzo Abe a bouleversé au Japon, où Fumio Kishida, dont il était le mentor, a dénoncé un « acte barbare » et « impardonnable ».
L’assassinat a été condamné dans le monde entier, le président américain Joe Biden se disant « stupéfait, choqué et profondément attristé » et le dirigeant français Emmanuel Macron rendant hommage à « un grand Premier ministre, qui dédia sa vie à son pays et œuvra à l’équilibre du monde ».
La Chine et la Corée du Sud, avec lesquelles le Japon entretient des relations souvent houleuses, ont également exprimé leurs condoléances. Le président chinois Xi Jinping s’est dit « profondément attristé par ce décès soudain ».
En Australie, l’Opéra de Sydney sera illuminé dimanche en hommage à Shinzo Abe.
De nombreuses personnes se recueillaient depuis vendredi sur les lieux de l’attaque. « Je ne pouvais pas rester sans rien faire », a confié à l’AFP Sachie Nagafuji, 54 ans, venue avec son fils déposer des fleurs, ajoutant : « Je le respectais vraiment et j’avais confiance en lui en tant qu’homme politique ».
Shinzo Abe, héritier d’une dynastie politique, détient le record de longévité au poste de Premier ministre au Japon, qu’il a occupé en 2006-2007, puis de nouveau de 2012 à 2020.
À la fois nationaliste et pragmatique, il a marqué les esprits avec sa politique économique audacieuse surnommée les « Abenomics », combinant des relances budgétaires massives avec une politique monétaire ultra-accommodante.
Shinzo Abe prônait aussi un Japon décomplexé de son passé militariste, et rêvait de réviser la Constitution pacifiste japonaise de 1947, écrite par les occupants américains et jamais amendée depuis.
Il avait été contraint de démissionner pour des raisons de santé, mais était resté très influent au sein du PLD qu’il avait dirigé.
Stricte réglementation des armes
Des responsables locaux du PLD ont précisé n’avoir reçu aucune menace avant l’attaque, dont les images ont tourné en boucle sur les chaînes de télévision.
On y voit l’ex-chef du gouvernement debout sur un podium, quand une forte détonation retentit, suivie d’un dégagement de fumée. Les spectateurs, surpris, se baissent, et on aperçoit plusieurs personnes en plaquer une autre à terre.
« Le premier tir a fait le bruit d’un jouet », a témoigné une jeune femme sur la chaîne publique NHK. Shinzo Abe « n’est pas tombé et il y a eu une grosse détonation. Le deuxième tir était plus visible, on pouvait voir une étincelle et de la fumée », a-t-elle ajouté. Après le deuxième tir, des gens ont entouré la victime tombée sur le sol « et lui ont fait un massage cardiaque ».
Un service de sécurité était présent, mais il était facile pour les spectateurs d’approcher M. Abe.
Le Japon dispose d’une des législations les plus strictes au monde en matière de contrôle des armes à feu et le nombre de personnes tuées par balles y est extrêmement faible.