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On reproche souvent aux journalistes de noircir le tableau, d’abuser des superlatifs catastrophistes. Et la longue enquête que nous consacrons cette semaine à EDF n’échappera peut-être pas à ces critiques… Elle ne fait pourtant que refléter le jugement des dizaines de personnes interrogées au cours des dernières semaines : anciens hauts dirigeants de l’entreprise, syndicalistes, salariés, politiques, industriels du secteur, financiers, consultants et même certains des candidats approchés pour prendre la tête de l’électricien français. Tous nous ont dressé un tableau alarmant du groupe en passe d’être renationalisé.
Les superlatifs anxiogènes, ce sont les leurs. EDF, notre ancien fleuron national, est au plus mal. Et si rien ne change, c’est la solidité de notre système énergétique tout entier qui sera menacée. Pas seulement en raison des difficultés du moment, qui ont conduit l’entreprise à mettre à l’arrêt plus de la moitié du parc nucléaire, mais aussi parce que sa situation financière dégradée rend pour l’heure infranchissable le mur d’investissements qui se profile pour relever les défis des décennies à venir : la remise à niveau et la révision des centrales actuelles, pour espérer prolonger leur exploitation de dix précieuses années ? Une dépense de 40 à 50 milliards. La construction des six réacteurs EPR annoncée par Emmanuel Macron ? Sans doute une soixantaine de milliards d’euros au minimum. La modernisation du réseau de distribution pour accompagner le déploiement des énergies vertes et l’électrification massive des usages ? Pas moins de 90 milliards à l’horizon 2040, et la liste n’est pas exhaustive…
Il n’est plus possible d’en douter : seul un colossal électrochoc évitera le crash de notre ancien monopole. A l’heure où 75% des Français se disent favorables au nucléaire, où chacun a pris conscience des enjeux de souveraineté énergétique, le sauvetage d’EDF a tout d’une grande cause nationale. Et la tâche de son prochain patron, titanesque, tout d’un sacerdoce.