Kabrousse : Sur les traces d’Aline Sitoé Diatta, mystérieuse héroïne anticoloniale

Date:

Aline Sitoe DIATTA© Malick MBOW

12 novembre, 2022
Aline Sitoé Diatta serait née dans cette maison, à Kabrousse au Sénégal
D’Aline Sitoé Diatta, au Sénégal, il ne reste presque plus rien. De matériel du moins. Pas de corps, pas d’objet, pas de maison. « Les colons ont tout pris », assure Mathurin Senghor Diatta, l’un de ses neveux. « Mais on a gardé son souvenir, et le culte qu’elle nous a transmis ».

Celle qui est aussi surnommée « la reine de Kabrousse », née en 1920 dans ce petit village du sud du pays, et morte en 1944 à Tombouctou, dans l’actuel Mali, incarne la lutte anticoloniale au Sénégal et est devenue l’héroïne la plus célèbre de Casamance, territoire enserré entre la Gambie au nord et la Guinée-Bissau au sud.

Le bateau qui fait la navette entre Dakar et la Casamance porte son nom, tout comme la résidence universitaire des filles dans la capitale sénégalaise, des écoles ou des stades.

En 2020, la dramaturge française Karine Silla écrit un livre de fiction sur le personnage. Sur la couverture, la photo d’une jeune femme qui pose fièrement, les bras croisés, seins nus, pipe à la bouche. Dans son village ou dans les universités, nul ne peut dire s’il s’agit d’elle.

A Kabrousse, c’est la fin de la saison des pluies. Les rayons du soleil percent sous des nuages menaçants. Une légère brise fait danser les feuilles des arbres. Quelques chiens aboient. Des enfants se chamaillent et poussent des cris.

Dans quelques heures, les habitants – de croyance animiste – se retrouveront pour prier sur la place du village et exercer « le fétiche » qu’Aline Sitoé Diatta leur a enseigné, celui de faire tomber la pluie, indispensable à la culture du riz.

Ici, tout le monde connaît l’histoire de la jeune femme, déportée par les Français à 24 ans dans la lointaine Tombouctou, à plus de 2.300 km, parce qu’elle était suspectée de fomenter une rébellion contre la puissance coloniale.

– Enjeux mémoriaux –

Pourtant, Matar Sambaïsseu Diatta, le chef du village, l’assure: « Elle ne s’est jamais opposée à l’intrusion coloniale. A l’époque, beaucoup de monde venait la consulter et les colons ont cru qu’elle représentait un danger. Son histoire a été réécrite par la suite ».

Cette version est aussi partagée par l’anthropologue Jean Diédhiou, enseignant-chercheur à l’université de Ziguinchor, qui évoque « une contradiction mémorielle » et « une réécriture de l’histoire à des fins politiques ».

Pour lui, « Aline Sitoé Diatta était une prêtresse comme il y en avait d’autres en Casamance ». Or, « chaque village dans la région est indépendant et a ses propres cultes », et elle n’a jamais incité à se soulever contre l’ancienne puissance coloniale.

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