Des hommages ont été rendus mardi à l’ancienne directrice du Centre d’études des sciences et techniques de l’information (Cesti) Eugénie Rokhaya Aw, décédée le 3 juillet dernier, a constaté l’APS, à Dakar.
Des membres de la famille de la journaliste rappelée à Dieu à l’âge de 70 ans, ses anciens collègues et collaborateurs, d’anciens étudiants du Cesti, des représentants du gouvernement sénégalais et des diplomates du Bénin et du Mali ont pris part à la cérémonie que lui a dédié l’institut de journalisme et de communication.
“C’était important pour le Cesti de rendre ce vibrant hommage à Mme Eugénie Rokhaya Aw. Elle a beaucoup apporté à l’école en y introduisant de nouveaux enseignements et en la modernisant”, a dit Mamadou Ndiaye, l’actuel directeur de l’école de journalisme et de communication de l’université Cheikh-Anta-Diop.
Tout au long de son intervention, M. Ndiaye n’a cessé d’exprimer sa reconnaissance et sa gratitude pour la journaliste et défunte présidente du tribunal des pairs du Conseil pour l’observation des règles d’éthique et de déontologie dans les médias (CORED), un organe d’autorégulation créé par les médias sénégalais.
Il dit avoir gardé de “beaux souvenirs” d’Eugénie Rokhaya Aw, la première femme à avoir dirigé le Cesti (2005-2011).
Grâce à elle, “le Cesti a connu beaucoup de progrès. Elle avait le souci constant d’innover et la volonté d’améliorer les choses. C’est grâce à elle que le Cesti est allé vers la pédagogie active en organisant des conférences et en permettant aux étudiants (…) d’aller sur le terrain pour faire des productions journalistiques”, s’est souvenu Mamadou Ndiaye.
“Avec elle, le Cesti est redevenu un centre incontournable dans le journalisme sensible au genre, les médias, les conflits et la sécurité, les technologies et la communication”, a rappelé M. Ndiaye.
De nombreux hommages ont émané d’anciens étudiants du Cesti, à la formation desquels Eugénie Rokhaya Aw a contribué en sa qualité de formatrice pendant plusieurs années.
“C’était en même temps une maman pour nous”, a témoigné une diplômée de l’établissement, se souvenant des enseignements “très passionnants” de la spécialiste du genre et de l’environnement.
Le sociologue Dominique Mendy, directeur des études du Cesti de 2005 à 2011, a évoqué le caractère “social” et “généreux” de sa défunte collègue. Elle venait surtout en aide aux étudiants étrangers en difficulté à Dakar, selon M. Mendy.
Ses collègues, ses anciens étudiants et ses amis ont également rappelé le professionnalisme dont elle a fait montre au service de plusieurs médias.
“Il y avait toute une réflexion qui se faisait sur notre identité”
“Pour honorer la mémoire d’Eugénie, nous devons nous engager corps et âme pour la survie du journalisme sénégalais et de son indépendance”, a affirmé Ibrahima Souleymane Ndiaye, l’actuel président du tribunal du CORED.
“Elle s’est battue pour les bonnes causes, notamment pour le respect des règles d’éthique et de déontologie. Elle était très disponible. Je demande aux étudiants et aux professionnels des médias de suivre ses pas”, a témoigné Aïssatou Gaye, cheffe de service au Cesti.
Militante des droits de la femme, la journaliste Eugénie Rokhaya Aw a servi le quotidien sénégalais Le Soleil dans les années 70, ainsi que d’autres journaux, dont le mensuel Afrique Démocratie, dans les années 2010.
Mariée au philosophe Aloyse-Raymond Ndiaye, son militantisme politique l’a conduite à soutenir activement la lutte contre la ségrégation raciale en Afrique du Sud.
Eugénie Rokhaya Aw a également été une militante de la gauche sénégalaise, notamment d’And Jëf. Ce mouvement a longtemps existé dans la clandestinité, dans un contexte de limitation du nombre de partis politiques, avant d’être reconnu par les autorités sénégalaises comme une formationn politique légalement constituée.
“La particularité de ce mouvement, c’est que même si on avait un certain nombre de tendances idéologiques (…), il y avait toute une réflexion qui se faisait sur notre identité à nous. Pour moi, l’une des choses qui étaient intéressantes, c’est que cette organisation nous a vraiment formés”, avait-elle dit dans une interview avec l’APS en se souvenant des années de clandestinité d’And Jëf.
Elle évoquait par la même occasion sa proximité avec les milieux ouvriers.
“Du point de vue journalistique, mon engagement politique a été aussi une école de formation (…) Egalement sur le plan éthique et déontologique. Pas seulement pour travailler avec rigueur, mais aussi avec honnêteté”, avait-elle encore dit à l’APS.
L’ancienne militante de la gauche se souvenait en même temps des “tentatives de récupération, de corruption, de compromission et d’intimidation” dont elle a fait l’objet – en même temps que d’autres militants d’And Jëf – et de son arrestation liée à son appartenance à ce mouvement.