Emmanuel Macron, porte-parole de l’industrie européenne face au protectionnisme américain

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Plombée par des factures énergétiques qui s’envolent, l’industrie européenne est également pénalisée par l »‘Inflation Reduction Act » de Joe Biden qui accorde des subventions massives au « made in America », en particulier dans le secteur de l’automobile électrique. En visite d’État aux États-Unis à partir de mercredi, Emmanuel Macron va demander à son homologue américain de faire un geste alors que la désindustrialisation menace le Vieux Continent.

Portrait d'Emmanuel MACRON - Président de la République de France © Malick MBOW
Portrait d’Emmanuel MACRON – Président de la République de France © Malick MBOW

La négociation plutôt que la guerre commerciale. C’est dans cet état d’esprit qu’Emmanuel Macron devrait arriver mardi 29 novembre aux États-Unis à la veille d’une deuxième visite d’État inédite pour un président français, alors que la tension monte entre Européens et Américains autour de l' »Inflation Reduction Act » (IRA), entré en vigueur en août dernier.

Plus grand investissement jamais décidé dans la lutte contre le changement climatique, l’IRA prévoit une enveloppe de 370 milliards de dollars, dont une partie sera affectée à la construction d’éoliennes, de panneaux solaires, de microprocesseurs ou encore de véhicules électriques.

Mesure la plus emblématique de ce plan colossal voulu par Joe Biden mais aussi la plus controversée : un généreux crédit d’impôt pouvant aller jusqu’à 7 500 dollars réservé aux acheteurs d’un véhicule électrique fabriqué dans une usine américaine et équipé d’une batterie fabriquée localement. De quoi donner un coup d’accélérateur à l’implantation d’industries durables sur le sol américain et de sérieusement concurrencer la Chine, en pointe dans ce domaine.

Mais ces subventions massives ont aussi pour conséquence d’exclure les entreprises européennes du marché américain en favorisant les Tesla d’Elon Musk par rapport aux BMW allemandes ou aux Renault françaises. « Je pense que ce n’est pas conforme aux règles de l’Organisation mondiale du commerce et que ce n’est pas conforme à l’amitié », avait glissé début novembre Emmanuel Macron, après une réunion avec les représentants de 50 sites industriels français.

Une perte estimée à « 10 000 créations potentielles d’emplois » en France

Menacés par une récession, les Européens se montrent de plus en plus inquiets sur le sujet, alors que les entreprises du Vieux Continent subissent déjà un énorme choc de compétitivité par rapport à leurs concurrentes d’Outre-Atlantique, beaucoup moins exposées à l’explosion des factures énergétiques depuis le début du conflit en Ukraine.

Indépendants sur le plan énergétique grâce à l’essor du gaz et du pétrole de schiste, les États-Unis bénéficient en effet de prix moins élevés et plus stables. Une situation qui pourrait déboucher sur une nouvelle ère de désindustrialisation en Europe, au profit de Washington, selon certains économistes.

« C’est un sujet de préoccupation important que nous allons porter au niveau européen », a affirmé Elisabeth Borne dans un entretien au journal les Échos. Selon la Première ministre, le plan d’investissement américain qui risque de créer une importante distorsion de concurrence pourrait faire perdre à la France « 10 milliards d’euros d’investissements » et « 10 000 créations potentielles d’emplois ».

Face au protectionnisme américain, plusieurs pistes sont actuellement envisagées par l’UE, comme l’adoption de contre-mesures commerciales ou la création d’un « Buy European Act », conçue comme une réponse directe au plan de Joe Biden pour protéger les industries vertes européennes.

À ce stade, l’option d’une course aux subventions est toutefois écartée. « Il nous faut être très prudents en matière de subventions afin d’éviter un conflit commercial », a indiqué, vendredi, Jozef Sikela, le ministre de l’Industrie et du Commerce de la République tchèque, qui préside l’Union européenne jusqu’à fin décembre.

« La question est de savoir si l’Europe a véritablement des marges de manœuvres pour contrecarrer ces dispositions. On pourrait mettre en place les mêmes protections à l’échelle européenne mais on sait qu’à ce jeu-là, c’est du perdant-perdant », note l’économiste Stéphanie Villers du cabinet PwC France.

Des exemptions pour les entreprises européennes ?

Pour éviter une nouvelle guerre commerciale entre l’Europe et les États-Unis, comme celle qui a sévi pendant l’ère Trump sur l’aluminium, Emmanuel Macron va donc tenter de convaincre Joe Biden qu’il est dans son intérêt de ne pas affaiblir le Vieux Continent.

« Le ‘pitch’ ça va être de dire : il y a évidemment un défi chinois. On est prêt, dans l’UE, à sortir de la naïveté vis-à-vis de Pékin. Mais vous ne pouvez pas nous demander de vous aider sur la Chine et nous faire l’IRA », explique à Reuters un diplomate français ayant requis l’anonymat.

Conscient que Joe Biden ne reviendra jamais sur ce plan crucial pour son bilan, le président français va essayer de pousser son homologue américain à consentir à des aménagements. Objectif : négocier des exemptions pour les entreprises européennes, en particulier pour les fabricants de véhicules électriques, sur le modèle de celles que le Mexique et le Canada ont déjà obtenues.

Mais selon Stéphanie Villers, il est peu probable que l’administration Biden accède aux requêtes de « son plus vieil allié ». « Il faut bien comprendre que ce n’est pas dans l’esprit des États-Unis qui ont toujours privilégié leur commerce et leur économie au détriment des autres puissances », affirme l’économiste.

Pour apaiser les tensions, Européens et Américains ont mis sur pied le mois dernier une « Task force » qui doit se réunir le 5 décembre prochain. En cas d’échec des discussions, l’IRA deviendrait une sérieuse pierre d’achoppement entre Bruxelles et Washington. La Commission européenne pourrait même aller jusqu’à saisir l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Mais ce processus prendrait au moins un an, rapporte le Financial Times. Par ailleurs, il est loin de faire l’unanimité parmi les Vingt-Sept au moment où les Occidentaux veulent conserver un front uni face à Moscou et aux conséquences de l’invasion russe de l’Ukraine.

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