Hervé Temime, l’avocat passionnel

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Hervé Temime©Malick MBOW
Ce pénaliste pointilleux, spécialiste des affaires difficiles, déteste perdre. Avec l’affaire Servier, il est dans une situation inconfortable. S’il a accepté ce dossier, c’est avant tout par affection pour le patron du laboratoire.
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Portrait Hervé Temime

Hervé Temime

CHALLENGES

Pour Hervé Temime, le défi est immense. En assurant la défense de Jacques Servier et de son laboratoire pharmaceutique, accusés de tromperie aggravée dans le scandale du Mediator, cette superstar du barreau prend d’énormes risques. Notamment celui de se retrouver isolé, confronté à une opinion publique indignée, à des médias hostiles… Chaque jour un peu plus acculé, Jacques Servier, 89 ans, ami de Nicolas Sarkozy, fait figure d’ennemi public, antipathique, indéfendable. Parmi les 5 millions de malades qui ont pris cet antidiabétique prescrit comme coupe-faim, des centaines sont morts… Ce scandale a également des implications politiques, car il remet en cause toute la chaîne du médicament français. Même la Sécurité sociale, qui estime avoir été volée par la firme, a attaqué.

Excentrique et séducteur

Le procès n’a pas encore démarré, mais déjà les audiences techniques se multiplient. La prochaine aura lieu ce 26 septembre. Et malgré les révélations qui se succèdent, Hervé Temime reste campé sur sa ligne: renvoyer en bloc tous les griefs. La position de l’avocat est périlleuse. Surtout depuis qu’un autre médicament de Servier, le Protelos, est aussi sur la sellette. Mais, à 54 ans, Hervé Temime en a vu d’autres. L’ex-commis d’office, qui commença par défendre les petites frappes, n’en est pas à sa première affaire brûlante. Ces derniers mois, il est intervenu dans les dossiers Clearstream, Bettencourt, Polanski… Devenu spécialiste des puissants, au point d’ironiser – « je suis un pénaliste qui a mal tourné » -, Hervé Temime est sollicité sur de nombreux sujets. Les chefs d’entreprise (Alain Affelou, Bernard Tapie…) l’appellent pour défendre un intérêt financier ; les stars (Gérard Depardieu, Nathalie Baye, Laura Smet… ) pour un procès à la presse people. Ses compétences s’étendent bien au-delà du pénal. On s’interroge tout de même. Pourquoi s’acharne-t-il à défendre Servier, un patron si détesté? D’autant, que tout, a priori, sépare les deux hommes. Servier, de droite, est aussi sec, solitaire, que Temime, de gauche, est excentrique, séducteur. « Nous n’avions aucune raison de nous rencontrer, confirme le pénaliste. Mais une histoire, peu connue, nous a rapprochés. » Un drame familial. En 2005, Isabelle, la fille du magnat, comparaît après avoir tué son mari à coups de hache. Sur les conseils d’amis, l’industriel fait appel à Hervé Temime qui réussit le tour de force de convaincre les jurés qu’Isabelle Servier a agi sous l’effet de médicaments. Il lui évite des années de prison. « Depuis, Jacques Servier ne jure plus que par Temime », assure un proche du patron. De son côté, l’avocat confie: « J’ai une affection particulière pour cet homme. Sûrement parce que j’ai d’abord fait la connaissance d’un père, sensible, inquiet pour sa fille. » Le pénaliste attendri par une figure paternelle, c’est peut-être la principale clé de son soutien. Ne serait-ce que parce qu’il fait écho à un autre drame familial, le sien. A 12 ans, Hervé Temime perd son père. « Ce décès m’a ôté toute légèreté. Je sais que, du jour au lendemain, tout peut basculer. » Choyé par une mère et une grand-mère qui l’adorent, il grandit dans un milieu favorisé, la bourgeoisie de Versailles. Il n’empêche, « la perte d’un père aussi jeune est une injustice », souffle-t-il. Doué, le jeune Temime aurait pu faire une école prestigieuse, mais il se rêve avocat. « Je ne connais personne qui ait autant voulu faire ce métier. Il regardait le fronton des tribunaux comme la Vierge en porte-jarretelles », raconte l’avocat Jean- Yves Liénard. Très tôt, Temime choisit de devenir pénaliste pour défendre la veuve et l’orphelin. « Il a une haute idée de la justice. Pour lui, le petit voyou comme le plus monstrueux des assassins méritent d’être assistés », assure Valérie Lemercier, sa compagne durant plusieurs années. Et la comédienne de rapporter qu’il se compare à un médecin: « Un docteur s’occupe de tout, du petit bobo à la pathologie lourde. » De là à accepter tous les dossiers? « J’ai refusé une fois, répond Hervé Temime. Ca tenait plus au contexte qu’à l’affaire. Je risquais d’être pris pour le juif de service. »

Flambeur et collectionneur

Joueur, amateur de poker, il n’est jamais aussi bon que lorsque la partie s’annonce serrée. Et, évidemment, de ce point de vue, l’affaire Servier promet de faire monter l’adrénaline. « C’est le genre de dossier qui ne se refuse pas, assure un confrère, un brin envieux… Ca assure l’année d’un cabinet! » L’argent, un sujet avec lequel Hervé Témime entretient un rapport décomplexé. Il avoue « gagner très confortablement [sa] vie » et peut, sur un plateau de télévision, divulguer le montant de ses honoraires – autour de 600 euros l’heure. Avec le recul, il regrette cette transparence, d’autant que ses clients ne sont pas tous logés à la même enseigne. En réalité, ses tarifs se calculent en fonction de la difficulté de la prestation. Bon vivant, Hervé Temime flambe. « Ce n’est pas le style à épargner pour ses vieux jours. Je l’ai toujours connu locataire », confirme Jean-Yves Liénard. Pas de résidence secondaire, de yacht, ni de voiture de luxe. Hervé Temime roule en Audi ou en Smart. Amateur de théâtre, de cinéma, de culture, Temime adore la compagnie des stars. Son magnifique bureau, rue de Rivoli, avec boiseries, dorures, parquets vernis et vue sur le musée du Louvre, n’a rien d’une classique étude d’avocat. On se croirait chez un commissaire-priseur. Il y a accumulé des pièces hétéroclites: une imposante table design jaune d’India Mahdavi, une sculpture en acier, une photo trash de Bettina Rheims, des livres d’art… « C’est mon point d’ancrage. Dans ma vie privée, j’ai déménagé des dizaines de fois mais, professionnellement, j’ai toujours été dans cet immeuble », confie-t-il. Il est viscéralement attaché à cette adresse. L’appartement qu’il loue est à deux pas, mais chaque matin, il traverse la Seine pour prendre son petit déjeuner au Café de Flore. « Hervé cultive une forme de snobisme qui peut agacer. Malgré sa bonhomie naturelle, il lui arrive de faire preuve de condescendance », confie un proche. Bon vivant, Hervé Temime flambe. « Ce n’est pas le style à épargner pour ses vieux jours. Je l’ai toujours connu locataire », confirme Jean-Yves Liénard. Pas de résidence secondaire, de yacht, ni de voiture de luxe. Hervé Temime roule en Audi ou en Smart. Amateur de théâtre, de cinéma, de culture, Temime adore la compagnie des stars. Son magnifique bureau, rue de Rivoli, avec boiseries, dorures, parquets vernis et vue sur le musée du Louvre, n’a rien d’une classique étude d’avocat. On se croirait chez un commissaire-priseur. Il y a accumulé des pièces hétéroclites: une imposante table design jaune d’India Mahdavi, une sculpture en acier, une photo trash de Bettina Rheims, des livres d’art… « C’est mon point d’ancrage. Dans ma vie privée, j’ai déménagé des dizaines de fois mais, professionnellement, j’ai toujours été dans cet immeuble », confie-t-il. Il est viscéralement attaché à cette adresse. L’appartement qu’il loue est à deux pas, mais chaque matin, il traverse la Seine pour prendre son petit déjeuner au Café de Flore. « Hervé cultive une forme de snobisme qui peut agacer. Malgré sa bonhomie naturelle, il lui arrive de faire preuve de condescendance », confie un proche.

Indépendant et réputé

Alors qu’il n’appartient à aucun club, parti ou loge, Hervé Temime se targue d’avoir un des plus beaux carnets d’adresses de Paris. Au pénal, la réputation se fait surtout à l’audience. Et à la fin des années 1980, les plus grands avocats d’affaires, Jean-Michel Darrois, Jean-Louis Borloo ou encore Jean Veil, le repèrent, et le recommandent. « Normal, c’est un des meilleurs », vante Jean-Michel Darrois. Le voilà alors propulsé au coeur de scandales financiers – l’affaire Cogema et Cogedim, celle du RPR. Sa publicité est faite. « Longtemps, il a travaillé comme un artisan, en solitaire, aujourd’hui, il est passé à un autre niveau, il construit », analyse Thierry Herzog avec qui, un temps, il a partagé des locaux. L’organisation de son cabinet traduit cette montée en puissance. En 2005, Hervé Temime s’associe, constitue une équipe, embauche de jeunes collaborateurs. « La majorité de ses clients sont des personnalités, plus que des sociétés. Il est moins introduit que moi dans le monde du CAC 40″, assure Olivier Metzner. La plupart des dossiers ne sont pas médiatisés, mais déjà ses prochains combats promettent de faire du bruit. Outre Servier, Temime défendra Christine Ockrent contre l’Audiovisuel extérieur de la France (AEF), Bruno Gaccio contre Canal+, mais aussi le marchand d’art et élu UMP, proche de Nicolas Sarkozy, Guy Wildenstein.

Minutieux et angoissé

Si les plus fortunés achètent chèrement ses services, c’est parce qu’il s’investit personnellement. « Il n’est pas comme d’autres qui refilent le bébé à des petites mains et jettent un oeil juste avant l’audience », témoigne le journaliste Denis Robert, qui lui doit sa relaxe dans l’affaire Clearstream. « Il est d’une minutie incroyable, confirme Alain Afflelou. Pour moi, il a tout passé au peigne fin, jusqu ‘à retrouver un procès-verbal qui m’innocentait. Une preuve que mes précédents avocats n’avaient même pas remarquée. » Surtout, cet excellent mathématicien -il calcule aussi vite qu’une machine!- ne laisse rien au hasard. « Il réfléchit à ses dossiers, jusqu’à ce qu’il trouve l’angle d’attaque », raconte Julia Stasse, son associée. Si Temime fait preuve d’une telle minutie, c’est aussi pour conjurer une terrible angoisse. Celle de ne pas l’emporter. « Je me crée ma prison intérieure », confie-t-il. Cette inquiétude viscérale de ne plus avoir « la gagne » est un des stigmates de sa blessure d’enfant. Auprès de ses clients, cette sensibilité exacerbée fait mouche. « Quand on fait appel à lui, on est déboussolé. Hervé écoute, trouve les bonnes paroles. Il est franc, ne maquille rien, tout en restant chaleureux », souligne Alain Afflelou. Lorsqu’en 2009 Roman Polanski est arrêté et emprisonné, Hervé Temine se précipite, alors même qu’il n’a aucune marge de manoeuvre judiciaire, puisque tout se joue entre la Suisse et les Etats-Unis. L’épouse du réalisateur, Emmanuelle Seigner, témoigne: « Il a été d’une disponibilité incroyable, il m’a accompagnée, épaulée, expliqué les codes. » En même temps, cet épisode, où il n’a joué qu’un rôle mineur, lui a offert une énorme visibilité dans les médias. Mais si Temime fascine, c’est surtout parce qu’il est de la race des plaideurs. « Dans une salle d’audience, il fait vraiment la différence », assure Denis Robert. Voix posée, sens du rythme, beauté de la rhétorique … « La première fois que j’ai plaidé, ça a été une révélation », confie-t-il. Là où Olivier Metzner officie PowerPoint à l’appui, Hervé Temime s’en tient à quelques notes. « A peine griffonne-t-il deux ou trois idées fortes, assure son associé François de Castro. Il a ce talent de sentir les choses. » Superstitieux, l’avocat plaide toujours avec la même robe, qu’il dépose, chaque été, pour une remise en état dans la même boutique du palais. Il choisit soigneusement la chemise blanche, ou encore les boutons de manchettes qui lui porteront chance. Coquet, il fait couper ses tailleurs depuis vingt ans chez le même couturier. « Déjà tout jeune, il avait ce côté dandy, galant, au sens baudelairien du terme », se souvient Jean-Yves Liérnard. « Il peut passer des heures à parler d’un cuir de chaussures… Quand on défend des choses aussi graves, c’est sûrement nécessaire de s’intéresser à des futilités », analyse son amie Bettina Rheims.

Excessif et impatient

Loin d’être lisse, parfait, le personnage a aussi des failles. Egocentrique, excessif, parfois volcanique. Ses collaborateurs en pâtissent plus souvent que ses clients. A de rares exceptions près. Avec le photographe François-Marie Banier, dont il assurait la défense dans l’affaire Bettencourt en 2010, il y a eu un clash. « Hervé est colérique, impatient, bouillonnant, cela lui joue des tours, critique un confrère. Il a d’autant plus de mal à rester longtemps sur les dossiers qu’il déteste perdre. » Alors, dans l’affaire Servier, l’entente entre le patron et l’avocat va-t-elle tenir? A mesure que la machine judiciaire se déploie, la cause semble perdue. Hervé Temime s’expose. Jusqu’où acceptera-t-il de se laisser entraîner dans une ligne indéfendable? Dans les couloirs du palais, déjà, les paris sont ouverts.

Par Fanny Guinochet

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