LA FRANCE EST-ELLE MEMBRE DE LA CEDEAO ?

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PAR BABACAR JUSTIN NDIAYE
Portrait de Babacar Justin NDIAYE © Malick MBOW
Portrait de Babacar Justin NDIAYE © Malick MBOW

L’Élysée et le Quai d’Orsay sont tellement ulcérés par le putsch de Niamey que Macron et Colonna ne se satisfont plus de tirer les ficelles grosses comme des câbles

Babacar Justin Ndiaye  |   Publication 07/08/2023

Point d’apologie du coup d’État ! En revanche, un dur réquisitoire s’impose contre les agissements et les arguments de la France. Propos et gestes de Paris très hostiles à la Junte du Niger qui, en principe et au regard de son manque de légitimité, est aussi affreuse ou vilaine que ses copies conformes ou lithographies du Burkina et de Birmanie.
L’Élysée et le Quai d’Orsay sont tellement ulcérés par le putsch de Niamey que Macron et Colonna ne se satisfont plus de tirer les ficelles grosses comme des câbles. Le Président français et son Ministre des Affaires Étrangères actionnent, sans gêne, les catapultes (comme sur un porte-avions) qui projettent les contingents de la CEDEAO en territoire nigérien.
Le mur de l’hérésie est allègrement franchi avec les manœuvres qui ont abouti à l’invitation du Général Mahamat Déby au sommet d’Abuja. Si l’humour convenait dans l’antichambre de l’enfer imminent et au seuil du chaos certain, on pourrait insinuer et même dire que la France et le Tchad sont respectivement les seizième et dix-septième États membres de la CEDEAO.

Hélas, l’impact fâcheux et l’effet désastreux des influences de la France sont d’ores et déjà perceptibles dans les craquements  et les fractures sonores au sein de la CEDEAO. Le Mali, le Burkina et la Guinée- Conakry se cabrent contre l’option militaire et s’apprêtent à rompre les amarres avec le bloc ouest-africain. A contrario, l’Union Européenne (UE) accorde solidement ses violons à propos du Niger. Dommage pour les Africains : éternels divisés et éternels dominés !

Au chapitre des arguments relatifs au coup d’État du Général Tchani, la France nage dans un bassin d’incohérences et d’inconséquences. En avril 2021, le Président Emmanuel Macron se déplace à Ndjaména, pour assister et/ou installer le Général Mahamat Idriss Déby, chef de la DGSSIE (Garde présidentielle), à la tête de l’État et de la Transition du Tchad. En août  2023, l’Élysée mobilise la CEDEAO et la communauté internationale contre le Commandant de la Garde présidentielle du Niger.

Pourtant, l’un et l’autre – Déby comme Tchani, ont enjambé le Président de l’Assemblée nationale,  enjambé le Premier ministre, enjambé le Ministre de la Défense et contourné le chef d’État-major, pour prendre le contrôle du pays. Dans quel pays normal, le chef de la Garde présidentielle remplace automatiquement le chef de l’État après la mort ou l’empêchement de ce dernier ? Réponse : le Tchad. Avec le soutien actif de la France. Le Général Diendéré, chef du défunt RSP de Blaise Compaoré n’a pas eu cette chance. Il est en prison.

En Afrique de l’Ouest, le « deux poids, deux mesures » de Paris est davantage illustré par le putsch du Colonel Doumbouya. La France condamne mollement mais coopère fructueusement. En Guinée, la Première Dame est une gendarme française.  Ah, si le Général Tchani avait une conjointe française ! Le 14 juillet dernier, l’Ambassadeur de France à Conakry, Son Excellence Marc Fonbaustier, a prononcé un discours lyrique devant le Premier ministre guinéen. Même feu Sékou Touré qui humilia Charles de Gaulle en septembre 1958, y a reçu une dose d’éloges. Bref l’ordre constitutionnel et la légitimité sont les cadets des soucis de la France en Afrique.

Cependant, ce qui inquiète au sujet de la crise nigérienne, ce sont les arguments juridico-agressifs exprimés par des voix autorisées dans l’Hexagone. En effet, le gouvernement français trouve que la Junte du Général Tchani est illégitime pour exiger la fin de la coopération militaire et le départ des 1 500 soldats français.

L’argument est très faible quand on sait que l’Opération SERVAL (mère de l’opération BARKHANE) a été déclenchée en 2013, à la demande et sur la base d’un document signé par un Président non élu, en l’occurrence, Dioncounda Traoré, installé à la tête d’une Transition elle-même issue des entrailles du coup d’État du Capitaine Sanogo, tombeur du Président légitime ATT en mars 2012. À cette époque, l’Ambassadeur de France au Mali, Christian Rouyer, se rendait souvent à Kati pour discuter avec le Capitaine et non moins putschiste Sanogo

Un document au demeurant antidaté et trafiqué par les conseillers de François Hollande, d’après le journal français « Le Monde ». Il s’y ajoute que c’est un autre Président malien (non encore élu), le Colonel Assimi Goïta qui a exigé et obtenu les départs successifs de BARKHANE et de la MINUSMA. Sans accrocs. La leçon de Mirabeau est encore fixée dans nos têtes d’anciens élèves de l’École coloniale : « On peut tout soutenir, sauf l’inconséquence ».

Si l’armée française refuse de quitter le Niger, elle se transformera de facto en une force d’occupation voire de colonisation. Ce qui va réveiller le sinistre souvenir du Général Gallieni à Madagascar ou celui du Colonel Dodds au Dahomey. Le Niger aura alors les allures et les couleurs d’une Nouvelle Calédonie du Sahel. Et Macron pourra y nommer le Général De Saint-Quentin ou le Général Gomart comme Proconsul de la France . À l’instar de ce que fut le Général américain Mac Arthur dans le Pacifique-Japon.

En vérité, la France veut, à fois, pousser le Général Tchani à la faute et trouver le prétexte pour entrer en guerre, en apportant une logistique décisive aux soldats de la CEDEAO. Car, tant que l’armée nigérienne n’est pas balayée de l’Aéroport de Niamey, les troupes de la CEDEAO seront sérieusement confrontées à l’immensité du territoire du Niger et aux obstacles de l’atterrissage ou du posé d’assaut. Du reste, les axes terrestres les plus proches et les plus rectilignes en direction de la capitale passent par le Burkina et le Mali, deux pays solidaires de la Junte.

En conclusion, les observateurs, analystes et journalistes des pays membres de la CEDEAO sont tristes d’entendre les radios étrangères s’appesantir joyeusement sur le mandat robuste octroyé aux contingents ouest-africains mobilisés.

Encore hélas ! Rappelons qu’en trente ans de déploiement, la MONUC/MONUSCO n’a jamais reçu de mandats robustes de l’ONU ;  car les soldats péruviens, pakistanais et népalais ne sont pas prêts à mourir pour la paix au Congo. Même chose pour la MINUSMA dépourvue de mandats robustes durant ses dix ans de présence au Mali. Mais pour aller abattre des camarades nigériens issus des mêmes promotions, des militaires africains sont vite munis de mandats robustes.

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