Huit limites planétaires seront bientôt dépassées sur neuf : une Terre dans un état « effrayant »

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La COP 23, qui devait se tenir aux Fidji, est réunie actuellement à Bonn pour travailler sur les réductions de gaz à effet de serre pour limiter le réchauffement de la planète. REUTERS/Wolfgang Rattay
La COP 23, qui devait se tenir aux Fidji, est réunie actuellement à Bonn pour travailler sur les réductions de gaz à effet de serre pour limiter le réchauffement de la planète.
REUTERS/Wolfgang Rattay

Six des neuf limites planétaires sont dépassés, et deux autres vont probablement suivre le même chemin.

Six limites planétaires dépassées et bientôt huit : la terre est en train de devenir inhabitable
Six limites planétaires dépassées et bientôt huit : la terre est en train de devenir inhabitable

RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE – La Terre pourrait désormais se situer en dehors de la « zone de sécurité » pour l’humanité. C’est le titre pour le moins alarmiste d’une étude publiée le 13 septembre dans le journal Science. Fruit du travail de 29 chercheurs internationaux et dirigée par la biologiste Katherine Richardson, il s’agit d’une mise à jour des célèbres, et déjà pessimistes, limites planétaires.

Créées en 2009 sous l’impulsion du scientifique suédois Johan Rockström (l’un des auteurs de cette nouvelle étude), les limites planétaires désignent les différents points à ne pas dépasser pour garder la planète dans un état stable et vivable.

Il y a 14 ans, trois limites étaient déjà dépassées : le changement climatique, la perte de la biodiversité et le dérèglement du cycle de l’azote menaçant les écosystèmes marins. Deux autres limites avaient été identifiées mais non mesurées, les pollutions chimiques qui comprennent notamment les microplastiques (aussi appelées « nouvelles entités ») et les rejets d’aérosols dans l’atmosphère.

Une mise à jour avait ensuite été réalisée en 2015, grâce au travail du défunt chimiste Will Steffen (ayant lui aussi collaboré sur la dernière étude). Il avait découvert qu’une quatrième limite était franchie, les rejets de phosphates dans l’environnement.

Plus récemment, en 2022, diverses études avaient démontré que la cinquième limite planétaire (les nouvelles entités), ainsi que la sixième (cycle de l’eau douce) avaient été dépassées. Mais un an plus tard, le tableau continue de noircir.

Les limites dépassées continuent d’empirer

Les chercheurs ont ainsi mis en lumière que « pour toutes les limites précédemment identifiées comme dépassées, le degré de transgression a augmenté depuis 2015. » En gros, la situation s’est encore aggravée pour chaque limite dépassée. Prenons l’exemple de trois d’entre elles.

Du côté de la biodiversité d’abord : le sujet est divisé en deux, avec d’une part, la biodiversité dite génétique, qui rend compte de l’extinction des espèces et de la perte du patrimoine génétique. Aujourd’hui, environ 1/8 des espèces connues sont menacées de disparaître. L’autre partie concerne la biodiversité fonctionnelle, à savoir le degré danger menaçant les écosystèmes. Sur ce sujet, il s’avère que la ligne rouge a aussi été franchie et ne cesse de s’aggraver.

Autre limite dépassée, celle du cycle de l’eau douce. Il y a d’abord l’eau « verte » : « Il s’agit de l’eau présente dans le cycle des végétaux, comme l’humidité des sols », détaille Natacha Gondran chercheuse en sciences et génie de l’environnement. L’autre partie concerne l’eau bleue, que la chercheuse définit comme « les océans, mers et toute l’eau que l’on va pouvoir prélever et consommer ». Pour ces deux éléments, la situation continue empire.

La limite était également franchie, bien plus que ce qui était estimé précédemment, concernant le cycle de l’azote et du phosphore, une autre limite planétaire. Ces deux éléments chimiques sont essentiels au fonctionnement de la vie sur terre. Lorsqu’il y en a trop (à cause des surplus d’engrais qui ne sont pas absorbés par les végétaux), ils dérèglent la nature. C’est notamment ce qui cause les fameuses algues vertes sur nos plages. Mais il y a bien pire.

Par rapport à l’étude de 2015 (voir graphique ci-dessus), on observe que les limites dépassées se sont aggravées. La zone verte est l’espace de sécurité (en dessous de la limite). Les zones jaune à rouge représentent la zone de risque croissant. Le violet indique la zone de danger et de changement d’ère. Le changement climatique (climate change) a été divisé en deux catégories : la concentration de Co2 et le forcage radiatif. Autre différence, toutes les limites planétaires sont maintenant quantifiés.
Science Advances : Richardson et al.

Bientôt huit limites dépassées

Deux nouvelles limites planétaires risquent ainsi d’êtres bientôt franchies. La première concerne l’acidification des océans. À cause du réchauffement climatique et des émissions de Co2, le PH des océans est modifié, ils deviennent plus acide.

En conséquence, ce sont tous les écosystèmes marins qui sont menacés, comme en atteste le blanchissement des récifs coralliens (qui signifie leur mort). Sur ce point, la limite n’est plus très loin et selon Dominique Bourg, professeur des sciences de l’environnement à l’université de Lausanne : « la limite va être franchie. On en est très proche et les choses sont en train de s’accélérer ».

Une fois franchie, cette limite fait craindre une régression marine, s’alarme le chercheur« La vie marine va s’amenuiser. C’est très inquiétant car pour chacune des cinq grandes extinctions précédentes, la vie s’est effondrée dans les océans puis sur terre. Et la vie marine est indispensable. »

La seconde limite frôlant le dépassement concerne les aérosols présents dans l’atmosphère. Il s’agit de toutes les particules fines en suspension dans l’air, qui favorise les épisodes de pollution dans les grandes villes, donnant l’impression qu’elles sont noyées dans un brouillard épais.

En plus d’être dangereux pour la santé, ces aérosols biaisent le réchauffement climatique. Leur présence limite l’augmentation des températures, mais dérègle le cycle de l’eau, laissant craindre de graves sécheresses. C’est le cas dans certaines régions du monde comme l’Asie du Sud et l’est de la Chine, où la limite planétaire a déjà été franchie.

« La situation est gravissime »

« C’est très effrayant », juge Natacha Gondran. La chercheuse, tout comme Dominique Bourg, fait remarquer qu’une fois la ligne rouge franchie, on ne revient pas en arrière. Si certaines sont dépassées et d’autres en voie de dépassement, il s’agit de limiter les dégâts, pour réduire l’impact des changements qui s’annoncent. Mais pour cela, il ne faut pas agir uniquement sur une limite ; car elles « sont interdépendantes les unes avec les autres », explique le professeur de l’université de Lausanne.

« Des études récentes ont montré qu’une transgression supplémentaire ou plus importante d’une limite planétaire peut modifier les gradients de risque pour d’autres limites », note l’étude. Elle prend pour exemple le réchauffement du climat, troisième cause de la perte de biodiversité. En retour, cette destruction de la biodiversité déséquilibre les écosystèmes, qui aident à capturer le Co2, ce qui aggrave le réchauffement climatique.

Un véritable cercle vicieux dont la Libye, la Grèce ou encore le Brésil ont fait les frais récemment. « Avec ce qui s’est passé cet été, c’est effrayant », s’alarme Dominique Bourg, ajoutant que « les tropiques risquent de ne plus être habitables, on commence à le toucher du doigt. La situation est gravissime. »

Mais tout n’est pas encore perdu. Comme le rappellent sans arrêt le GIEC et l’ensemble des chercheurs, « chaque dixième de degré (ndlr : de réchauffement climatique) compte ». Toutefois, il ne faut pas traîner. « Il est urgent de prendre des mesures très fortes, rapidement », s’exclame Natacha Gondran.

L’horloge tourne ainsi à toute vitesse. L’étude insiste dans sa conclusion sur le besoin de comprendre les liens entre les limites planétaires. Cela permettrait notamment de savoir où se situe le point de non-retour, et connaître quand arrive la fin de l’holocène… Et très probablement de l’humanité.

VIDÉO – 2023 probablement l’année la plus chaude de l’Histoire

2023 probablement l’année la plus chaude de l’Histoire

L’été (juin-juillet-août) a connu les températures mondiales moyennes les plus élevées jamais mesurées, annonce mercredi l’observatoire européen Copernicus, pour qui 2023 sera probablement l’année la plus chaude de l’Histoire. »L’effondrement climatique a commencé », a déploré le secrétaire général de l’ONU António Guterres, dans un communiqué, rappelant comment « les scientifiques ont depuis longtemps mis en garde contre les conséquences de notre dépendance aux combustibles fossiles ».Canicules, sécheresses, inondations ou incendies ont frappé l’Asie, l’Europe et l’Amérique du Nord sur cette période, dans des proportions dramatiques et souvent inédites, avec leur prix en vies humaines et en dégâts sur les économies et l’environnement. – « Depuis 120.000 ans » -L’hémisphère sud, où nombre de records de chaleurs ont été battus en plein hiver austral, n’a pas été épargné. »La saison juin-juillet-août 2023″, qui correspond à l’été dans l’hémisphère Nord, où vit la grande majorité de la population mondiale, « a été de loin la plus chaude jamais enregistrée dans le monde, avec une température moyenne mondiale de 16,77°C », a annoncé Copernicus. C’est 0,66°C au-dessus des moyennes de la période 1991-2020, déjà marquée par l’élévation des températures moyennes du globe en raison du réchauffement climatique causé par l’activité humaine. Et largement au-dessus – 2 dixièmes environ – du précédent record de 2019.Juillet avait été le mois le plus chaud jamais mesuré, août 2023 est désormais le 2e, précise Copernicus. Et sur les huit premiers mois de l’année, la température moyenne du globe est « seulement 0,01°C derrière 2016, l’année la plus chaude jamais mesurée ».Mais ce record ne tient plus qu’à un fil, au vu des prévisions saisonnières et du retour en puissance dans le Pacifique du phénomène climatique El Niño, synonyme de réchauffement supplémentaire.Et « compte tenu de la chaleur en excès à la surface des océans, il est probable que 2023 sera l’année la plus chaude (…) que l’humanité ait connue », a déclaré à l’AFP Samantha Burgess, cheffe adjointe du service changement climatique (C3S) de Copernicus.La base de données de Copernicus remonte jusqu’en 1940, mais peut être comparée aux climats des millénaires passés, établis grâce aux cernes des arbres ou aux carottes de glaces et synthétisés dans le dernier rapport du groupe d’experts climat de l’ONU (Giec).Sur cette base, « les trois mois que nous venons de vivre sont les plus chauds depuis environ 120.000 ans, c’est-à-dire depuis le début de l’histoire de l’humanité », affirme Mme Burgess.- Surchauffe des océans -Malgré trois années successives de La Niña, phénomène inverse d’El Niño qui a en partie masqué le réchauffement, les années 2015-2022 ont déjà été les plus chaudes jamais mesurées.La surchauffe des mers du globe, qui continuent d’absorber 90% de la chaleur en excès provoquée par l’activité humaine depuis l’ère industrielle, joue un rôle majeur dans le phénomène.Depuis avril, leur température moyenne de surface évolue à des niveaux de chaleur inédits. « Du 31 juillet au 31 août », elle a même « dépassé chaque jour le précédent record de mars 2016″, note Copernicus, atteignant la barre symbolique inédite de 21°C, très nettement au-dessus de toutes les archives. »Le réchauffement des océans entraîne celui de l’atmosphère et une augmentation de l’humidité, ce qui provoque des précipitations plus intenses et une augmentation de l’énergie disponible pour les cyclones tropicaux », souligne Samantha Burgess. La surchauffe affecte aussi la biodiversité: « il y a moins de nutriments dans l’océan (..) et moins d’oxygène » ce qui menace la survie de la faune et la flore, ajoute la scientifique, qui cite encore le blanchiment des coraux et la prolifération d’algues nuisibles.- « Potion diabolique » -Les humains et tous les êtres vivants sont aussi menacés par la « potion diabolique » de polluants chimiques, alimentée par les incendies et ces vagues de chaleur plus intenses et fréquentes, a averti mercredi l’Organisation météorologique mondiale (OMM). »Le réchauffement climatique se poursuit parce que nous n’avons pas cessé de brûler des énergies fossiles. C’est aussi simple que cela », a pour sa part réagi la climatologue Friederike Otto. Son réseau scientifique World Weather Attribution (WWA) estime que les canicules de juillet en Europe et en Amérique du Nord ont été 2,5°C et 2°C plus chaudes à cause des émissions du réchauffement climatique. »Même ceux qui font encore l’autruche sur l’action climatique doivent se demander pourquoi ils ont chaud aux fesses », a fustigé David Reay, directeur de l’institut du changement climatique d’Edinbourgh. « Si la COP28 », en fin d’année à Dubaï, « n’aboutit pas à des réductions drastiques de l’usage des énergies fossiles et des émissions mondiales, nous pourrons officiellement nommer les années 2020 +l’âge de la stupidité+ », a-t-il ajouté.Cette Conférence des Nations unies sur le climat, où s’annonce une vive bataille sur la fin des énergies fossiles, est censée remettre l’humanité sur la trajectoire de l’accord de Paris: limiter le réchauffement bien au-dessous de 2°C et si possible à 1,5°C par rapport à l’ère pré-industrielle.imm-bl/uh/bow

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