Emil Maurice, l’improbable meilleur ami d’Hitler

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Portrait d'Adolf HITLER © Malick MBOW
Portrait d’Adolf HITLER © Malick MBOW

Chauffeur, garde du corps et prête-plume du Führer, ce nazi de la première heure a également contribué à créer l’unité SS. Et ce, malgré une ascendance juive qu’Hitler a tout fait pour dissimuler.

Quelques participants du putsch de la Brasserie, détenus à la prison de Landsberg en 1924: Adolf Hitler, Emil Maurice, Hermann Kriebel, Rudolf Hess, Friedrich Weber. | Bildarchiv Preussischer Kulturbesitz via Wikimedia Commons
Quelques participants du putsch de la Brasserie, détenus à la prison de Landsberg en 1924: Adolf Hitler, Emil Maurice, Hermann Kriebel, Rudolf Hess, Friedrich Weber. | Bildarchiv Preussischer Kulturbesitz via Wikimedia Commons

Tout sonne faux chez lui. Il a un nom de boxeur français d’après-guerre, la moustache finement taillée d’un pilote de la Royal Air Force, des mains calleuses d’ouvrier. Du sang juif coule dans ses veines, mais il serre le poing parmi les foules d’extrême droite qui traversent les années 1910. Emil Maurice est né en 1897 dans une commune rurale du nord de l’Allemagne et tout, chez lui, semble se contredire.

L’homme a pourtant choisi son camp. Après un apprentissage en horlogerie, il adhère au Parti ouvrier allemand (extrême droite) en décembre 1919. Si sa carte le désigne comme le membre n°594, il ne faut pas s’y fier: alors que l’embryon politique de ce qui deviendra le Parti national-socialiste ne compte pas encore plus d’une centaine de partisans, on a fait démarrer le numérotage à 501 pour faire illusion. Ça fait plus sérieux.

Malgré des ambitions de façade, Emil Maurice constate vite que l’organisme manque de moyens. La rhétorique des militants sonne aussi creux que la trésorerie du parti –qui plafonne à 7 reichsmarks. «La plupart des fondateurs n’avaient pas la moindre idée de ce qu’il fallait faire pour créer, avec une association, un parti ou même un mouvement. Ainsi périrent presque toujours de leur belle mort ces associations, dans un esprit ridicule de petite boutique.» L’auteur de ces mots n’est autre qu’Adolf Hitler, qui participe, comme Emil Maurice, aux réunions ennuyeuses du parti.

Les deux individus se lient rapidement d’amitié et le futur Führer, consumé par une ambition dévorante, va l’impliquer dans ses projets de grandeur. En 1923, lorsque le putsch de Munich échoue, Emil Maurice est mis derrière les barreaux, comme son acolyte, à la prison de Landsberg. Cet échec en trompe-l’œil marque en réalité le début de l’ascension.

Emil Maurice en uniforme SS, le 24 octobre 1933. | NARA (US National Archives and Records Administration) via Wikimedia Commons

Entre les murs de sa geôle, dents serrées, Adolf Hitler dicte à son compagnon d’infortune les brouillons de Mein Kampf et forme l’ébauche de son projet politique. «Toute la journée et jusque tard dans la nuit, la machine à écrire cliquetait, et on pouvait entendre Hitler dicter à son ami»se souviendra un geôlier.

Un triangle amoureux

Après sa libération, celui qu’Hitler appelle affectueusement «mon brave Maurice» devient son chauffeur personnel. Il participe à ses cabinets secrets, fait partie intégrante de son cercle de confidents. En 1925, l’homme de main cofonde une garde rapprochée qui deviendra la Schutzstaffel (SS), dont il est –et restera– le numéro 2. Emil Maurice est loyal et déterminé: il sait faire usage de violence lorsque cela est nécessaire, comme lors des confrontations avec des ennemis du régime qui éclaboussent la rue tout au long des années 1920.

Entre les deux hommes, la confiance semble absolue. Tout bascule en 1931: le chauffeur s’est amouraché de la nièce d’Adolf Hitler, Geli Raubal, une petite brune de 22 ans qui fait tourner bien des têtes. Un jour qu’il ose l’embrasser sur la joue, le dictateur entre dans une colère noire. «J’ai eu peur qu’il me liquide sur le champ»confiera Emil Maurice longtemps après les faits.

Adolf Hitler le flanque aussitôt à la porte. Il faut dire qu’il est lui-même profondément épris de sa nièce«La possessivité d’Hitler prit alors des proportions pathologiques, écrit l’historien Ian Kershaw, biographe du FührerSi elle sortait sans lui, elle devait être accompagnée et rentrer tôt. Ses moindres mouvements étaient épiés et contrôlés. Elle était captive.»

Contraint et forcé, Emil Maurice s’éloigne donc du service du Führer et de sa bien-aimée. Il est déjà remplacé. Mais la jeune femme compte bien échapper aux griffes de son oncle en allant étudier le chant à Vienne. Le 18 septembre 1931, une violente dispute éclate –Adolf Hitler lui interdit formellement de le quitter. Le lendemain, lorsqu’il retourne à son appartement de Munich, il retrouve la jeune femme avec une balle dans le poumonson corps est situé à côté du pistolet du dictateur.

Les liens du sang

En 1933, l’année de son élection au poste de chancelier, Adolf Hitler signe la paix avec son ancien garde du corps, promu SS-Oberführer. Il connaît la fidélité de son homme de main et, maintenant que l’objet de leur dispute est écarté, rien ne devrait se dresser en travers de leur route. Mais un nouvel obstacle le fait mentir: l’ascendance juive de son protégé.

Depuis 1935, Heinrich Himmler –qui s’est hissé à la tête des SS– exige de tous les membres qu’ils clarifient leur arbre généalogique jusqu’en 1750. Or, l’arrière-grand-père d’Emil, Charles Maurice Schwartzenberger, était juif… ce qui signifie qu’un huitième de «mauvais sang» coule dans ses veines.

Que faire? L’arbre généalogique, encombrant, est difficile à déraciner. Heinrich Himmler recommande au Führer de se débarrasser de son chauffeur, convaincu qu’il causera sa perte. Le dictateur fait tout le contraire, conférant à son protégé le titre «d’aryen d’honneur» (Ehrenarier), ce qui lui permet de ne pas être inquiété par les purges et de conserver son poste. Contre toute attente, les «juifs partiels» ne sont pas rares au sein des effectifs allemands: un historien estime jusqu’à 150.000 le nombre de soldats de la Wehrmacht considérés comme tels.

Il faudra attendre les procès de l’après-guerre pour voir le chauffeur d’Adolf Hitler passer aux aveux. En 1948, Emil Maurice est condamné à quatre ans de travaux forcés et une partie de ses biens sont confisqués. Libéré avant la fin de sa peine, il ouvre une boutique d’horlogerie rue Schumann, à Munich –à 500 mètres de l’endroit où, vingt ans plus tôt, sa fiancée trouvait la mort dans l’appartement de son vieil ami.

5 Commentaires

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