Les deux anciens Premiers ministres souhaitent « réactiver l’idée – française – de la solution à deux États » et s’inquiètent des conséquences du conflit au Proche-Orient sur la société.
POLITIQUE – Ils ne sont pas du même bord politique, mais ils ont tous les deux occupé l’Hôtel de Matignon. Dans La Tribune Dimanche ce dimanche 5 novembre, Édouard Philippe et Bernard Cazeneuve signent un texte en commun portant sur la guerre entre le Hamas et Israël, et ses conséquences sur l’unité de la France. Un long billet au cours duquel les deux anciens Premiers ministres estiment que « la concorde civile est en danger », raison pour laquelle ils jugent « nécessaire d’avoir les idées claires dans les temps obscurs », par-delà les clivages politiques.
Sur l’attaque perpétrée par le Hamas le 7 octobre, Édouard Philippe et Bernard Cazeneuve appellent à nommer les choses. « En massacrant plus de 1 400 civils sur le territoire d’Israël, le Hamas s’est rendu coupable de la pire tuerie antisémite depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. En prenant en otage 240 hommes, femmes, enfants, bébés et personnes âgées, le Hamas se livre à un chantage dont l’inhumanité nous révolte », écrivent-ils, considérant que « rien ne justifie » le refus de qualifier cette organisation comme « terroriste », à l’instar de l’état-major de la France insoumise.
« Pause humanitaire »
Ceci étant dit, les deux signataires se penchent sur les conséquences de ce conflit, que ce soit au niveau mondial comme national. Sur le plan international, les deux ex-chefs de gouvernement appellent à « agir avec indépendance et constance, incarner une voie juste – qui n’est pas une voie moyenne – pour fédérer ceux qui, États et peuples, aspirent à une solution qui stoppe la guerre et trace un chemin de paix » dans la région.
Si les deux accordent à Israël « le droit de riposter au Hamas et de défendre son existence face à ceux qui programment son anéantissement », ils s’alarment de la façon dont sont conduites les opérations. « Aucun pays, de surcroît une démocratie, ne peut mener des opérations militaires massives, disproportionnées, provoquant la mort de civils instrumentalisés comme boucliers humains par les milices terroristes visées, sans déroger aux règles du droit international ni compromettre sa propre sécurité », écrivent-ils.
Conformément à la position de la diplomatie française, Édouard Philippe et Bernard Cazeneuve appellent ainsi à une « pause humanitaire à Gaza » afin que « soit acheminée l’aide aux populations palestiniennes ». Ce qui implique « que le Hamas dépose préalablement les armes et libère, sans délai ni condition, les otages israéliens, étrangers ou binationaux qu’il a enlevés ». Pour la suite, les deux signataires appelant à « tout reprendre à zéro » dans la région. C’est-à-dire « réactiver l’idée – française – de la solution à deux États ».
« Honte collective »
Ce qui, dans leur esprit, passe « par la constitution d’une Autorité palestinienne crédible et prélude d’un État démocratique et souverain face aux terroristes fondamentalistes qui instrumentalisent et trahissent la cause palestinienne d’une part, d’autre part d’un bloc des modérés en Israël conscients que la sanctuarisation de la sécurité du pays suppose d’accepter un jour des concessions, dont le démantèlement de certaines implantations ». Autrement dit, la décolonisation de certains territoires illégalement acquis par Israël en Cisjordanie.
Une perspective pour le moins difficilement concevable à ce jour, mais qui nécessitera selon eux « du temps, de la volonté, du courage, des partenaires à la hauteur des événements comme le furent Yitzhak Rabin et Yasser Arafat ». Enfin, l’ex-LR et son homologue ex-PS s’inquiètent du climat qui s’installe en France, notamment le regain d’antisémitisme provoqué par le conflit. Une « honte collective » qui doit, selon eux, conduire à un sursaut : « Les Juifs de France doivent sentir toute la puissance et l’autorité de l’État à leurs côtés pour assurer leur sécurité dans la République ».