Inauguré par le président français, le lieu culturel notamment consacré aux cultures francophones a accueilli peu de sommités africaines.
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 1 novembre 2023
Le cadre était prestigieux, la vocation ambitieuse, mais le casting étriqué. Le cadre de la Cité internationale de la langue française, inaugurée le 30 octobre dernier par Emmanuel Macron, c’est le château de Villers-Cotterêts, à une centaine de kilomètres de Paris, où le souverain François Ier signa en 1539 l’ordonnance qui consacra la primauté du français sur le latin, notamment dans les textes administratifs.
La vocation de la Cité est d’amplifier la résonance du français, par l’organisation d’expositions sur 400 m2, de débats, de concerts et autres spectacles. Officiellement consacré « aux cultures francophones » – dont on sait qu’elles sont de moins en moins hexagonales –, l’espace a pourtant accueilli peu d’Africains en ce jour d’inauguration. Certes, était présente la secrétaire générale de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), Louise Mushikiwabo, ressortissante d’un Rwanda qui danse, avec la langue française, le tango du « je t’aime moi non plus ».
Carabistouilles et perlimpinpin
Mais pour ce qui est des représentants de pays d’Afrique francophone, les articles de presse ayant couvert le pince-fesse évoquent leur absence notable. Les journalistes ne peuvent s’empêcher d’évoquer les relations diplomatiques houleuses que Paris entretient actuellement avec certaines nations du continent plus francophones que francophiles, en particulier en Afrique de l’Ouest. Cela dit, la bouderie n’est pas qu’africaine, des locuteurs occidentaux prestigieux ayant aussi manqué à l’appel.
Si l’absence du ministre québécois de la Langue française serait liée au report de la manifestation, il y a deux semaines, des autorités plus littéraires se sont montrées circonspectes quant au concept même de la Cité. Du côté de l’illustre Académie française – notamment chargée du dictionnaire de référence –, le romancier Jean-Marie Rouart a qualifié Macron de « Tartuffe » qui aura « nui », plus que ses prédécesseurs, à la défense de la langue française. Un musée est pour lui synonyme d’immobilisme.
Même si le président français est fameux pour son vocabulaire francophone désuet truffé de « carabistouilles », « galimatias » et de « perlimpinpin », il prise aussi les formulations anglophones comme « start-up nation » ou « french tech ». Il reste à découvrir la place qu’accordera la Cité internationale de la langue française aux adaptations que cette dernière connaît dans les territoires qui lui promettent un avenir démographique. Au nouchi ivoirien, par exemple.
Quant à savoir si l’institution culturelle s’exprimera sur le désamour politique de certaines nations africaines à l’égard du français comme le Mali, où la langue de Molière est passée du statut de langue officielle à celui de langue de travail, ou l’Algérie, dont les autorités tentent de généraliser l’anglais dans les écoles et administrations publiques, il y a un pas…