Lors d’un entretien avec Seneweb, Aissata Tall Sall s’est dévoilée. La « dame de fer » de Podor a raconté une partie de sa vie inconnue du grand public, qui l’a façonnée pour faire d’elle ce qu’elle est aujourd’hui.
« Quand on me dit où tu veux aller, je réponds souvent aux gens : avant de connaître cette réponse, il faut savoir d’où je suis partie », déclare-t-elle d’emblée. Née dans un Fouta conservateur, Aissata Tall Sall a vécu dans une communauté où elle a souvent été en périphérie. Quand ses camarades se mariaient entre 12 et 15 ans, la jeune dame étudiait. Ce qui ne semble rien de nos jours était pourtant considéré, dans certaines communautés, comme un « sacrilège » pour une femme, destinée à se marier tôt, de faire des enfants et de tenir le foyer. « Les filles de ma génération, elles pouvaient aller à l’école, mais pas y rester pour longtemps », déclare-t-elle.
Encore une fois, Aissata Tall Sall était l’exception. « J’ai eu un père ouvert d’esprit, qui a su donner l’égalité des chances à tous ses enfants, d’aller à l’école et de pouvoir y rester autant qu’ils le souhaitaient. On était à part dans cette communauté parce que personne ne comprenait qu’une vieille fille ne se soit pas encore mariée, ce que nous faisions encore à l’école. Exception sur exception, je me suis dit pourquoi ne pas aller le plus loin possible », confie-t-elle.
Mais être en périphérie n’est pas souvent facile. A son arrivée à Dakar, Aissata Tall Sall a subi les moqueries de ses camarades de classe et a même failli arrêter ses études. « Quand je suis allée au Lycée Kennedy, mes études ont failli péricliter à ce moment-là. A l’époque, c’était le temps des mini-robes et des mini-jupes et je ne m’habillais pas comme ça. Avec ma robe jusqu’aux chevilles, j’étais isolée. Tout le monde se moquait de moi, tout le monde disait que j’étais la paysanne. Tout le monde pensait que je n’étais pas venue étudier, mais pour balayer la classe. J’en étais malade. Une fille de onze ans à qui on dit ça, peut en souffrir jusqu’à vouloir arrêter ses études ».
Et c’est finalement ce qui est arrivé. La jeune dame va voir son père pour lui dire qu’elle souhaite arrêter les études. « Quand j’ai dit à mon père que je voulais arrêter mes études et retourner à Podor, il m’a dit d’attendre le premier trimestre, si je n’avais pas de bonnes notes, il allait me ramener à Podor, mais finalement j’ai eu les meilleures notes et c’est comme ça que j’ai compris que la vie est un obstacle qu’il faut toujours surmonter », raconte Aissata Tall Sall.
Une leçon qu’elle retiendra durant tout son cursus pour surmonter obstacle sur obstacle. « Ces obstacles, c’est pourquoi nous devenons aussi tenaces ».