L’opposant sénégalais Ousmane Sonko et son second, Bassirou Diomaye Faye, candidat à la présidentielle, sont sortis de prison jeudi soir, dix jours avant l’élection, provoquant la liesse de milliers de Dakarois descendus spontanément dans les rues de la capitale.
« Ils sont sortis devant nous. Ça y est », a dit à un de leurs avocats Me Cheikh Koureyssi Ba. On a vu un 4 X 4 s’éloigner en cortège de la prison du cap Manuel à travers une foule considérable drainée par la nouvelle de la libération, peu avant minuit.
Deux heures plus tard, alors que le cortège progressait lentement dans Dakar, on a vu Bassirou Diomaye Faye, tunique bleu ciel et casquette blanche, saluer la foule en souriant depuis le toit ouvrant de sa voiture qui entourait son cortège.
« On a vu votre soutien et votre solidarité. Nous sommes très contents », a-t-il lancé, avant d’ajouter « Sonko est libre » et d’annoncer la tenue d’une conférence de presse vendredi.
Ousmane Sonko n’était pas visible dans le convoi de M. Faye.
Acteur principal d’un bras de fer meurtrier avec le pouvoir depuis 2021, M. Sonko a été disqualifié de la présidentielle par le Conseil constitutionnel en janvier. Son camp, avec son assentiment, a désigné M. Faye comme candidat à sa place. La candidature de M. Faye fait partie des 19 retenues pour le scrutin du 24 mars.
La sortie de la prison du cap Manuel, énième rebondissement de la saga Sonko, injecte un nouveau réactif aux effets inconnus dans la campagne électorale en cours.
Le pouvoir d’entraînement communément prêté à M. Sonko et sa popularité auprès des jeunes sont susceptibles d’influencer les dynamiques.
Avant même la sortie de prison, dont la nouvelle s’est propagée comme une traînée de poudre sur les réseaux sociaux, des foules de Dakarois sont descendus dans les rues pour célébrer, chanter et danser.
Voitures et piétons agitant des drapeaux sénégalais ont investi la route d’accès à la prison du cap Manuel, au sud de la capitale, où les deux opposants étaient détenus.
« Gnoune Sonko lanou beug », (« Nous, c’est Sonko que nous aimons »), ont scandé leurs supporters en ouolof près de la prison.
« C’est incroyable »
Une foule compacte s’est pressée à proximité du domicile d’Ousmane Sonko, à la cité Keur Gorgui.
« C’est de la joie. C’est incroyable. Ils ont libéré Ousmane Sonko! », exultait Mamadou Mballo Mané, 31 ans.
M. Sonko était détenu depuis le 28 juillet 2023. Son arrestation parachevait plus de deux ans de rapport de force avec le gouvernement et la justice, qui a donné lieu à différents épisodes de heurts, de pillages et de saccages.
La libération de M. Sonko et de M. Faye, qui incarnent pour beaucoup la rupture avec la présidence Macky Sall et des années économiquement éprouvantes, était anticipée comme un événement majeur depuis plusieurs jours après l’adoption, le 6 mars, d’une loi d’amnistie votée à l’instigation du président Macky Sall.
Le Sénégal traversait alors une grave crise provoquée par le report de la présidentielle et le chef de l’Etat disait rechercher l’apaisement autour de l’élection, après trois années d’agitation politique.
M. Sonko a endossé la candidature de son numéro deux, Bassirou Diomaye Faye. Le secrétaire général du Pastef était lui-même détenu depuis avril 2023. Il a été inculpé d’outrage à magistrat, diffamation et actes de nature à compromettre la paix publique, selon un de ses avocats, après la diffusion d’un message critique contre la justice dans le dossier Sonko.
Bien que beaucoup moins populaire, M. Faye, bénéficiant de l’effet Sonko, passe pour l’un des favoris de la présidentielle la plus ouverte depuis l’Indépendance en 1960.
Son camp a fait campagne sous le mot d’ordre: « Ousmane mooy Diomaye » (« Ousmane, c’est Diomaye » ). Il réclamait la libération de M. Faye au nom de l’égalité des chances entre candidats. M. Faye a été empêché jusqu’alors d’enregistrer ses messages de campagne pour la télévision publique, à la différence des autres concurrents.
Le programme de M. Faye décline les thèmes du discours souverainiste et panafricaniste de M. Sonko, qui, avec ses diatribes contre « la mafia d’Etat », les multinationales et l’emprise économique et politique exercée selon lui par l’ancienne puissance coloniale française, ont fait le succès du Pastef.