- Author,Ousmane Badiane
- Role,Digital Journalist BBC Afrique
Les Sénégalais se rendent aux urnes le 24 mars 2024 pour élire leur 5e président. Au total, 19 candidats sont en lice pour le fauteuil de président de la République du Sénégal.
C’est la première fois qu’un tel nombre de candidats est enregistré. Ils étaient cinq lors de la dernière élection présidentielle en 2019, quatorze en 2012, 15 en 2007 et 8 lors de la de la première alternance en 2000 et en 1993.
Cette élection revêt un caractère inédit, car pour la première fois dans l’histoire politique du Sénégal, le chef de l’Etat sortant ne sera pas candidat.
Le président Macky Sall a annoncé en juillet 2023, après de longs mois d’incertitude, qu’il ne briguera finalement pas de troisième mandat invoquant un « code d’honneur » même si, selon lui, la constitution lui accorde le droit de se présenter pour « un second quinquennat. » La Constitution limite à deux le nombre de mandats consécutifs.
Pourquoi cette élection présidentielle est-elle spéciale ?
Qui succédera à Macky Sall et deviendra le prochain président de la République du Sénégal ?
La rédaction de BBC Afrique vous donne les clés pour comprendre le déroulement du scrutin ainsi que les enjeux de l’élection présidentielle 2024 au Sénégal.
Quand aura lieu l’élection présidentielle ?
Initialement prévue le 25 février 2024 avant d’être reportée, l’élection présidentielle au Sénégal aura finalement lieu le dimanche 24 mars 2024. Ce sera la douzième depuis l’indépendance du pays en 1960. Environ 7,3 millions d’électeurs sont inscrits sur les 18 millions d’habitants.
Lors de la dernière présidentielle en 2019, ils étaient 6 683 043 électeurs inscrits dont 4 428 680 votants, selon les résultats officiels publiés par le Conseil constitutionnel.
Quel est le mode de scrutin ?
Le président de la République du Sénégal est élu pour un mandat de cinq ans, au suffrage universel direct et au scrutin uninominal majoritaire à deux tours.
Initialement de sept ans, la durée de son mandat a été réduite à cinq ans renouvelable une seule fois, suite au référendum constitutionnel de 2016.
La Commission électorale nationale autonome (CENA) est chargée d’organiser et de superviser les élections.
Si, au premier tour, aucun candidat n’obtient la majorité absolue des suffrages exprimés, un second tour sera organisé le troisième dimanche suivant le jour de la proclamation officielle des résultats par le Conseil constitutionnel, pour départager les deux candidats arrivés en tête au premier tour.
Qui peut être candidat à l’élection présidentielle ?
Selon l’article 28 de la Constitution, peut être candidat à la Présidence de la République toute personne qui :
- est exclusivement de nationalité sénégalaise ;
- jouit de ses droits civils et politiques ;
- est âgé de trente-cinq (35) ans au moins et de soixante-quinze (75) ans au plus le jour du scrutin ;
- sait écrire, lire et parler couramment la langue officielle (le français).
L’article L.57, al. 1 du Code électoral ajoute que seul peut être candidat à cette élection, tout sénégalais électeur, sous réserve des conditions d’âge et des cas d’incapacité ou d’inéligibilité prévus par la loi.
Qui peut voter ?
Tout citoyen sénégalais âgé de 18 ans ou plus, jouissant de ses droits civils et politiques et inscrit sur les listes électorales pourra voter à l’élection présidentielle.
Qui sont les candidats à la magistrature suprême ?
Le 20 janvier dernier, le Conseil constitutionnel du Sénégal a rendu publique la liste définitive des 20 candidats à l’élection présidentielle du 24 mars 2024.
Cette liste est passée à 19 candidats après le retrait de la course de la candidate Rose Wardini le 19 février, après que des soupçons autour de sa double nationalité (sénégalaise et française) sont apparus après la publication de la liste des candidats.
Dans cette liste définitive, figurent l’ancien Premier ministre Amadou Ba, 62 ans et candidat désigné par le président Macky Sall pour défendre les couleurs de la coalition présidentielle Benno Bokk Yaakar, Khalifa Sall 64 ans, ancien ministre et maire de la capitale Dakar, candidat pour la première fois après avoir été recalé en 2019, Idrissa Seck 65 ans, ancien Premier ministre sous l’ex président Abdoulaye Wade (2002-2004), qui se présente pour la quatrième fois consécutive à une présidentielle après 2007, 2012 et 2019 et Bassirou Diomaye Faye, 43 ans, inspecteur des impôts, lieutenant et suppléant d’Ousmane Sonko dont la candidature a été invalidée.
Parmi les 19 prétendants, on note aussi deux autres candidats alliés de Sonko et parrainés par les députés de l’ex Pastef, que sont Habib Sy et Cheikh Tidiane Diéye, des candidatures dissidentes du camp présidentiel, notamment celle de l’ancien Premier ministre Mouhamad Boun Abdallah Dionne (2014-2019) ou encore celle de l’ex-ministre de l’Intérieur et de l’Agriculture, Aly Ngouille Ndiaye.
Après le désistement de Rose Wardini, une seule candidature féminine est en lice parmi les 19 concurrents, celle d’Anta Babacar Ngom, 40 ans, directrice générale de l’entreprise avicole Sedima et qui n’a pas de chapelle politique.
Des personnalités politiques de premier plan, avec une longue expérience gouvernementale, mais aussi des dirigeants de partis d’opposition bien implantés sur terrain, ainsi que des candidats indépendants avec de riches parcours professionnels, autant de profils différents parmi lesquels les électeurs devront faire leur choix.
Voici la liste des 19 candidats à la présidentielle 2024 au Sénégal :
- Anta Babacar Ngom
- Amadou Ba
- Boubacar Camara
- Cheikh Tidiane Dieye
- Déthié Fall
- Daouda Ndiaye
- Habib Sy
- Khalifa Sall
- Idrissa Seck
- Mame Boye Diao
- Mouhamed Boun Abdalah Dione
- Aliou Mamadou Dia
- Malick Gackou
- Aly Ngouille Ndiaye
- Mamadou Lamine Diallo
- Serigne Mboup
- Pape Djibril Fall
- Bassirou Diomaye Faye
- Thierno Allassane Sall
Comment ont-ils été sélectionnés ?
Depuis l’introduction d’une réforme dans le code électoral, les candidats sont obligés de recueillir des parrainages de la part d’électeurs inscrits sur les listes électorales.
Selon la loi électorale sénégalaise, chaque candidat a le choix entre 3 types de parrainage.
– le parrainage citoyen : le candidat doit recueillir les parrainages d’un minimum de 0,6 % et d’un maximum de 0,8 % du fichier électoral, soit entre 44 231 et 58 975 signatures. Pour les parrainages citoyens, ils doivent être collectés dans au moins sept régions, à raison d’au moins 2 000 par région, le reste pouvant être collecté dans le reste du pays ainsi que dans la diaspora.
– le parrainage des députés : chaque candidat peut être parrainé par une liste de treize (13) députés de l’assemblée nationale.
– le parrainage des élus : chaque candidat peut se faire endosser par 120 maires et présidents de conseils départementaux.
Le paiement d’une caution obligatoire, dont le montant était fixé à 30 millions de franc CFA, constitue l’une des conditions pour valider un dossier de candidature.
267 dossiers de parrainage ont été retirés auprès de la Direction générale des élections. Au final, seules 20 candidatures ont été validées au final sur les 93 dossiers déposés au Conseil constitutionnel.
Quels sont les enjeux de cette élection ?
Qui va succéder au président Macky Sall et devenir le cinquième président du Sénégal ?
Tel est le gros enjeu de cette présidentielle inédite qui verra pour la première fois dans l’histoire politique du Sénégal, un président ne pas être candidat à sa succession.
En l’absence du chef de l’Etat sortant mais aussi celle du principal opposant, Ousmane Sonko, l’issue de ce scrutin s’annonce incertaine et offre des perspectives intéressantes.
La multitude de candidats est perçue par beaucoup d’observateurs comme une preuve de la diversité de la scène politique sénégalaise et de la vitalité de la démocratie, dans un pays cité en exemple notamment pour ses deux alternances pacifiques.
Sur le plan économique et social, le prochain président devra faire face aux immenses défis économiques et sociaux. Le coût de la vie, la question du chômage des jeunes, l’autosuffisance alimentaire, la baisse du loyer, l’accès à des soins de santé, l’éducation, l’approvisionnement en eau potable, la fourniture et le coût de l’électricité restent les préoccupations majeures des Sénégalais.
Cette présidentielle se déroulera dans un contexte international troublé et marqué par de nombreuses tensions économiques et géopolitiques, alors que le Sénégal amorce une phase stratégique de son développement avec l’exploitation prochaine des hydrocarbures.
Autant de défis et de difficultés auxquels le prochain président et son gouvernement seront confrontés dès leur arrivée au pouvoir.
Quand les résultats seront-ils publiés ?
Lors des précédentes élections , les premières tendances issues des urnes étaient connues quelques heures après la clôture du scrutin.
Dès la fin des opérations électorales, les procès-verbaux des résultats sont acheminés au niveau de chaque tribunal départemental pour être compilés avant d’être transmis au niveau régional.
Selon la loi électorale sénégalaise, chaque région a jusqu’au mardi suivant le jour du scrutin à midi, pour publier ses résultats.
Les résultats provisoires sont publiés par la commission électorale au plus tard le vendredi qui suit le scrutin.
Après l’annonce des résultats provisoires, les candidats disposent de 72 heures pour faire un recours.
Une fois les délais de traitement des recours épuisés, le Conseil constitutionnel proclame ensuite les résultats officiels.
Pour gagner dès le premier tour, un candidat doit obtenir plus de 50 % des voix, soit la majorité absolue,
Si aucun des candidats n’obtient plus de 50%, un second tour aura lieu dans les deux semaines qui suivent la proclamation des résultats.
Le président élu prête officiellement serment devant le Conseil constitutionnel lors d’une cérémonie solennelle publique.