Magatte Thiam est un universitaire, syndicaliste et homme politique sénégalais. Personnalité marquante de la Gauche dans son pays, ancien ministre sous la présidence d`Abdou Diouf, il est depuis 2010 le secrétaire général du Parti de l`indépendance et du travail (PIT).
Quelques jours après son élection en remplacement du très bouillonnant Amath Dansokho, Magatte Thiam ouvre au « Soleil » les chapitres de sa vie de militant engagé pour la cause du peuple.
Il a ce sourire qui fait l’originalité des âmes nobles. Un sourire qui invite à l’échange. Un sourire propre aux personnes poursuivant un idéal. Cet idéal qui a fortement influencé toute une génération d’hommes et de femmes nés avant les indépendances. Magatte Thiam, le nouveau Secrétaire général du Parti de l’indépendance et du travail (Pit), est un idéologue. Pur et dur. Et il ne s’en cache pas. Pendant longtemps, aux côtés du regretté Sémou Pathé Guèye et de Samba Diouldé Thiam, actuel leader du Prc, il a été l’un des « cerveaux » du Pit où l’on compte l’une des plus grandes concentrations d’intelligence au mètre carré. Généreux dans la transmission du savoir comme seuls savent l’être les « docteurs de l’esprit », ce professeur agrégé en Mathématiques à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar aime discuter et naviguer entre les concepts avec une diction pédagogique. Cette propension à vouloir refaire le monde se comprend. L’homme a eu un parcours riche en expériences et en péripéties. Du Secrétariat général de la Fédération des étudiant de l’Afrique noire (Feanf : 1962-1963) à celui du Pit (2010) en passant par la direction du Syndicat unique des enseignants du supérieur (Sudes-1976) et deux ministères, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts, mais l’engagement reste le même. Dans son bureau de Khar Yalla, aux murs chargés d’histoire, l’ancien ministre de l’Intégration économique africaine (1995) reçoit avec un entrain quasi-juvénile. Devant un imposant portrait de Karl Liebknecht – principal fondateur du Parti communiste Allemand -, il expose sa vision du monde et ressasse les souvenirs qui ont participé à le façonner. Fidèle à ses idéaux, le successeur d’Amath Dansokho n’en est pas moins fidèle en amour. Veuf depuis 2008, le professeur Thiam porte encore son alliance et parle avec émotion et fierté de sa défunte épouse et de ses cinq enfants. Calme et serein, cet homme élancé et mince est né à Ouakam, il y a 72 ans. Son enfance, marquée par l’esprit de solidarité et de confraternité qui a cours en pays lébou, a été heureuse, selon ses propres termes.
De l’enfance léboue à Louis Le Grand Dans ce village lébou, situé à la périphérie de Dakar, l’école française a été très tôt implantée. Les études jouissaient d’un grand prestige à l’époque où Magatte Thiam y entra. Avec cette éducation de base, qui faisait de la performance la clé de la réussite, le jeune homme ne pouvait qu’exceller dans les études. Après avoir suivi avec brio le cursus primaire, il entre au Lycée Van Vollenhoven, actuel lycée Lamine Guèye en 1950. En cette période, il a pour modèle un jeune professeur nigérien agrégé de Sciences physiques du nom de Moumouni Abdou Joffo, un des fondateurs du Parti africain pour l’indépendance. Ce dernier initie ses élèves aux idéaux communistes. Magatte Thiam subit fortement l’influence du talentueux révolutionnaire et obtient son baccalauréat en 1956. Un résultat excellent qui ouvre les portes du Lycée Louis Le Grand de Paris à ce jeune féru d’électronique et de physique-chimie en septembre 1957.
Conscience révolutionnaire Dans cette école préparatoire aux concours des grandes écoles, il obtient le premier prix de Maths Sup. Pourtant, il renonce à son ambition d’entrer dans les grandes écoles et se concentre sur les études supérieures en Mathématiques qu’il poursuit à la Sorbonne. Il y obtient sa maîtrise en 1961 et, onze ans plus tard, il sera agrégé en Mathématiques. Dans ce contexte de revendication indépendantiste et de guerre de libération, Magatte Thiam prend conscience qu’il y a un combat à mener pour l’Afrique. L’assassinat de Patrice Lumumba en 1961 marque une étape importante dans sa vie. Il participe à la marche qu’organise la Fédération des étudiants africains de France (Feanf), dirigée à l’époque par le sénégalais Amady Aly Dieng. Le sentiment de frustration qui l’habite après cette injustice le pousse à adhérer, quelques semaines après, au Parti africain pour l’indépendance. C’est le début de la clandestinité. De 1962 à 1963, il dirige la Feanf et rencontre Amath Dansokho, alors dirigeant de l’Union générale des étudiants de l’Afrique de l’Ouest (Ugeao). Une amitié est née. En 1966, il rentre au pays et plonge en plein dans la clandestinité, défiant ainsi le régime de Senghor. Des années plus tard, des divergences sur la manière d’engager la lutte au sein du Pai créent une scission. Mahjmout Diop est reconnu comme Secrétaire général du parti en 1974, mais Magatte Thiam et ses amis ne baissent pas les bras. Ils continuent le combat. En 1980, Abdou Diouf ordonne la libéralisation du champ politique. Le Parti de l’indépendance et du travail est créé. Trente ans plus tard, il succède à son ami Amath Dansokho, un homme politique connu pour ses déclarations fracassantes et sa fermeté. Des caractères qui tranchent nettement d’avec le tempérament de Magatte Thiam. A la question de savoir s’il va adopter une posture provocatrice conforme à celle de son prédécesseur, il répond en souriant : « il n’y aura pas de clones de Dansokho. Si déjà on dit que c’est un provocateur, ça donnerait une densité de provocation qui, à la longue, ne sera plus tolérée. Dans ce que Dansokho dit, au-delà de ce caractère radical, l’importance c’est que c’est fondé et qu’il est constant à l’assumer. Autrement, on aurait dissout le Pit ».
« Un militant dévoué » Engagement, fidélité et constance sont les trois termes utilisés pour définir le professeur Thiam. Selon Talla Sylla, le président de l’Alliance Jëf-Jël, Magatte Thiam a toujours été engagé. « C’est un homme de consensus d’une très grande intelligence. Très articulé. J’ai eu l’occasion de me rendre compte de ses qualités au cours de réunions extrêmement difficiles qu’il a fortement contribué à gérer. Il est d’un grand apport au sein de Bennoo. Jeune militant du Pai, je le côtoyais. Il a toujours joué un grand rôle dans tous les grands regroupements de l’opposition », témoigne Talla Sylla. Le journaliste et chercheur en Sciences politiques à l’Ucad, Barka Bâ, qui prépare un livre sur l’histoire de la Gauche sénégalaise, pense que le nouveau Secrétaire général du Pit est le prototype du militant dévoué à sa cause, un professionnel de la politique qui sacrifie tout aux idéaux du parti. « C’est une sorte de moine soldat au service du Grand Soir. Il a toujours été l’une des têtes pensantes du Pit avec un discours extrêmement articulé et logique, ce qui n’étonne pas pour un mathématicien de sa trempe. Malgré la défaite du Communisme et l’effondrement du Mur de Berlin, c’est quelqu’un qui est resté fidèle à l’idéal de justice sociale. Autant Amath Dansokho, malgré sa combativité, était quelque peu handicapé par son peu d’éloquence, autant Magatte Thiam est un très habile rhétoricien, aussi à l’aise avec le français que le wolof », témoigne le chercheur en Science politique. Avec ses nouvelles charges de Secrétaire général du Pit, le professeur Magatte Thiam est assurément en terrain connu