Citation du jour : Babacar Mbaye DIOP Ancien SG de la Biennale de Dakar « La Biennale de Dakar «
La Biennale de Dakar est placée sous l’égide du ministère chargé de la culture de la République du Sénégal. Depuis la première édition en 1992, avec une interruption en 1994 pour des motifs budgétaires, et une deuxième interruption en 2020 pour cause de Covid 19, la Biennale, encore appelée «Dak’Art », la plus grande manifestation artistique en Afrique, rassemble tous les deux ans une sélection des «meilleurs» artistes africains et de la diaspora.
À moins d’un mois de l’ouverture de la 15e édition, je ne comprends pas le silence de l’État sénégalais. Avec tout ce que cela demande comme organisation et travail, le report est inévitable. Il est vrai que les autorités sortantes ont laissé le Ministère dans une « situation inextricable et malveillante », mais les autorités actuelles doivent communiquer. Si elle est reportée, ce sera à quelle date ? Une annulation sera une catastrophe. Il y a déjà beaucoup d’engagements.
Le changement de régime n’est pas une excuse pour un report ou une annulation d’un événement aussi important. En 2000, il y a eu un changement de régime et la biennale a eu lieu. En 2012, il y a eu un changement de régime et la biennale a eu lieu.
Je me demande si les autorités actuelles mesurent réellement l’importance de cet évènement en termes de diplomatie culturelle et d’attractivité économique. Car au-delà des enjeux artistiques, il y a des enjeux socio-économiques, parce que nous recevons beaucoup de touristes, des gens qui sont logés à l’hôtel, qui mangent dans nos restaurants, qui prennent nos taxis. Les organisateurs des expositions Off (plus de 400 !) louent des espaces, engagent des techniciens, achètent tout un matériel de scénographie. Il y a une activité économique importante.
La Biennale de Dakar, c’est aussi plus de 350.000 visiteurs, dont près de 50.000 proviennent de l’étranger, un budget de près d’un milliard (1 625 022 dollars US), plus de 10 000 professionnels, et plus de 3000 créateurs (dans le IN et le OFF).
J’étais toujours persuadé qu’un jour viendra où les autorités étatiques ne lui donneront aucune importance. L’histoire me donne raison. Puisqu’elles veulent rationaliser nos institutions, c’est peut-être le moment de changer le statut de la Biennale ; de ne plus la rattacher au Ministère chargé de la Culture et d’en faire une Fondation ou une Association. La pérennité de cette manifestation viendra de son changement de statut. Mais il ne faut pas confondre autonomie et indépendance. Dans tous les cas, la Biennale aura besoin de l’État sénégalais de soutien financier et matériel. Mais elle bénéficiera surtout de financements de bailleurs privés.
Babacar Mbaye DIOP
Ancien SG de la Biennale de Dakar