Quand l’insouciance des chauffards tue les Sénégalais ! (Par Mass Massamba Ndao)

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Les « bus de la mort » ! Par ces termes, le Colonel Momar Guèye résumait la recrudescence des accidents de la route. Dans un coup de gueule, l’ancien forestier rappelait une célèbre maxime très souvent invoquée par ses pairs à chaque fois qu’il s’agissait de conscientiser les populations rurales sur la préservation de la nature : « fu daay tàak, nit a fa jaar » (il n’y a pas de feu de brousse sans la présence de l’homme). Un dicton wolof qui, selon lui, peut être transposé sur nos routes : « Fu nit faatoo ci tali, nit a fa diaar » (l’Homme est responsable de tout mort sur la route).

« Le bon sens est la chose au monde la mieux partagée ». Au Sénégal, cette belle citation de René Descartes ne semble point avoir de sens. Depuis quelques jours, circule sur les réseaux sociaux une vidéo montrant deux bus de transport interurbain, roulant côte à côte et à vive allure sur plusieurs centaines de mètres. Si l’image suscite tant d’indignation, c’est parce qu’elle est mise en ligne, quelques heures seulement après une série de drames survenus entre Koungheul, Dinguiraye, Thiadiaye et Dakar, emportant, au total 22 innocentes âmes.

« Bus-repetita », dirait-on. Ces faits relevant d’une indiscipline notoire rappellent le jeune camionneur qui était en train de déguster tranquillement son « mafé » au volant de son gros-porteur, en pleine circulation, ou encore son collègue, filmé en train de dormir sur l’autoroute à péage. Et les exemples sont nombreux.

Selon les chiffres officiels rendus publics en 2023, environ 700 personnes meurent dans des accidents de la route, chaque année au Sénégal, un pays de 18 millions d’habitants, et 90 % des accidents sont liés aux comportements humains. Ces données sont d’autant plus plausibles que même les dernières mesures prises dans ce sens peinent à être appliquées avec rigueur. Un laxisme de nos autorités donc qui, en sus de l’irresponsabilité de certains chauffeurs, nous ont fait perdre des êtres chers. Les tragédies de Sikilo (le bilan est entre temps passé de 41 à 70 morts), Sakal (19 morts), Ndioum (14 morts), entre autres, sont encore ancrées dans la mémoire collective.

On a beau accuser l’âne qui aurait traversé la route, le vent ou bien la pluie matinale, mais il faut le dire et le répéter : certains conducteurs jouent avec la vie des personnes qu’ils croisent ou transportent à bord. Chez nous, beaucoup de chauffards, insouciants, pensent souvent qu’une cigarette, un verre de café, de thé ou autre breuvage supposé tonifiant peut les aider à vaincre le sommeil et la fatigue. C’est ainsi qu’au volant de leurs guimbardes, ils affrontent sans science ni conscience les dangereuses contraintes qui sillonnent les voyages.

L’autre facteur, toujours lié à l’humain, c’est la vétusté du parc automobile. Si aujourd’hui des carcasses de véhicules sujettes à la direction du vent conduisent encore des hommes, on se demande où est la force publique ? Tout a donc changé depuis l’arrivée massive de ces vieux bus réformés et indésirables sur les routes européennes et qui, en dépit de leur état de délabrement avancé, débarquent au Port de Dakar et sont utilisés au Sénégal pour le transport public de voyageurs.

L’Etat, également dirigé par des humains, a failli dans ses prises de décision. Juin 2017, le ministre des Transports terrestres d’alors, Mansour Elimane Kane, déclarait à force de voix et de conviction : « Dans 6 mois, le permis à points sera effectif au Sénégal ». Pourtant, deux ans plus tôt, en novembre 2014, plus précisément, ce même ministre annonçait avec assurance que le Sénégal allait passer au permis à points à partir de 2015. A la tribune de l’Assemblée nationale, il indiquait, d’ailleurs, qu’« un comité de pilotage a été créé pour la mise en place du permis à points».

Ce fameux permis à points ne sera institué au Sénégal qu’avec l’adoption, début avril 2022, du projet de Loi portant Code de la route. Objectif : réduire « drastiquement » le nombre de conducteurs qui roulent sans respect des règles et le nombre « trop élevé de décès sur les routes », jurait le ministre des Infrastructures et des Transports terrestres, Mansour Faye. Mais toujours rien !

En attendant, l’hécatombe se poursuit et continue d’endeuiller des familles entières. Et nos routes se baignent de sang humain presque quotidiennement et sont jonchées de cadavres d’hommes, de femmes et de bétail sans berger.

Bonne arrivée au Sénégal !

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