Par Serigne Saliou DIAGNE – saliou.diagne@lequotidien.sn
Une cérémonie a été tenue hier par le gouvernement sénégalais
pour le lancement officiel de la campagne de Amadou Hott pour
la présidence de la Banque africaine de développement (Bad). Ce
lancement a mobilisé l’actuel ministre de l’Economie, la cheffe de
notre diplomatie, entre autres personnalités, pour témoigner du
soutien de l’Etat à la candidature de M. Hott pour succéder au Dr
Akinwumi Adesina. Une telle démarche est à saluer et à encourager
pour que toutes les chances soient données à la candidature
de Amadou Hott afin de la couronner de succès en mai 2025.
Le Sénégal, comme dans sa tradition diplomatique, a toujours eu
à encourager les candidatures de ses enfants aux positions internationales.
Il y a un savoir-faire éprouvé de nos compatriotes et
des compétences reconnues par leurs pairs dans tous les domaines.
Il est donc logique, lorsque des Sénégalais concourent à certaines
positions, de mettre en place toutes les chances de leur
côté en appuyant leurs candidatures du mieux. Les présidents
qui se sont succédé à la tête de ce pays, de Senghor à Sall, en passant
par Diouf et Wade, ont essayé d’encourager du mieux les
carrières de compatriotes à l’international en leur apportant le
soutien nécessaire. Mabouba Diagne à la Bidc, feu Jacques Diouf
à la Fao, Me Sidiki Kaba à l’assemblée des Etats parties au Statut
de Rome, on pourrait se perdre sur les multiples candidatures
appuyées au fil des ans par notre Etat.
Le Président Faye, occupant en ce moment le Palais de l’avenue
Senghor (ex-Roume), perpétue cet esprit. C’est en septembre
2024 que le chef de l’Etat, au fait de la candidature de Amadou
Hott à la présidence de la Banque africaine de développement
(Bad), procédera à une interpellation formelle de différents partenaires
du Sénégal pour souligner un endossement de la candidature
de l’ancien ministre de l’Economie et du plan sous le
magistère de Macky Sall, tout en louant les mérites du candidat
sénégalais. Une confusion aurait pu se créer avec des articles de
presse qui, dans la foulée de sa démission du poste d’envoyé spécial
de la Bad, mettaient en toile de fond une non-approbation de
la candidature du Sénégalais par l’actuelle présidence de la Bad
et une volonté sournoise de l’actuel pouvoir sénégalais de lui
savonner la planche. Ces articles paraissaient plus d’une dizaine
de jours après que le Président Faye s’est activé à prendre les
introductions nécessaires pour endosser au plus haut niveau la
candidature de Hott. On peut être opposé sur des postures idéologiques,
mais on ne peut travestir des faits, d’autant plus qu’au
moment de cette cabale, un courrier du Président Faye à
l’Administration Biden, saluant la candidature de Hott, était
sous notre nez. On verra que cette cabale se dégonflera par la
suite et une logique sera établie d’accompagner cette candidature
du mieux. Franchement, il serait ridicule, pour un Sénégalais
aspirant à une position aussi importante, qu’on veuille freiner
son élan et ne pas l’encourager à se battre de son mieux. Au-delà
du prestige diplomatique, c’est une vision et une certaine idée de
l’Afrique qu’un président sénégalais à la Bad pourrait aider à
porter, en contribuant davantage à élaborer de bons agendas
pour le continent en matière d’infrastructures, d’accès à l’énergie,
de promotion de l’entrepreneuriat, de développement des
initiatives d’affaires et de soutien financier aux Etats.
La Bad est une institution-pivot dans le financement du développement
en Afrique et dans l’accompagnement de nos Etats. Elle
opère sur un modèle hybride en mixant fonds propres et ressources
externes, permettant à nos Etats de réaliser de grands projets
au service de notre population. Sans l’implication de la Bad, des
projets majeurs qui font la fierté de tout Sénégalais, notamment
le Train express régional (Ter) et le Pôle urbain de Diamniadio,
ne sortiraient pas de terre. Les défis pour la nouvelle présidence
de la Bad seront nombreux, et il sera intéressant de connaître les
axes de gouvernance que proposera l’ancien patron du Fonsis au
Conseil des gouverneurs de cette organisation. Parmi ces défis,
on peut citer, sans nous tromper, la lutte contre la pauvreté, la
diversification économique des Etats et la gestion du changement
climatique, avec des attentes immenses des actionnaires
africains ainsi que des partenaires internationaux, détenant 40%
du capital. Il faut beaucoup de tact, un sens de la négociation et
des logiques concertées pour mener à bien les missions prochaines
de la Bad, et sans chauvinisme, on peut dire que notre compatriote
Amadou Hott a la tête et le pedigree pour cet emploi.
Avec six candidatures de taille qui risqueront de disperser les
votes, en fonction des intérêts, le Sénégal devra mettre toutes les
chances du côté de Amadou Hott en fédérant notamment les
Etats de notre sous-région autour d’une candidature consensuelle.
Le bloc d’Afrique australe se fissure déjà, avec l’Afrique du
Sud faisant cavalier seul pour soutenir la candidature de
Madame Swazi Tshabalala, alors qu’il y a quelques mois, on s’accordait
tous à dire que la puissante Communauté de développement
de l’Afrique australe (Sadc), en matière de vote et pour le
poids de leurs économies, s’alignait toute derrière la candidature
du Zambien Samuel Maimbo. Les cartes se rebattent pour la
course à la présidence de la Bad et rien n’est encore joué. Le
Sénégal a des diplomates chevronnés qui auront accompagné les
candidatures internationales de compatriotes à différentes
instances de toutes leurs forces. Ils sauront saisir la balle au
rebond et créer des fenêtres d’opportunités pour un ralliement
autour de Amadou Hott. Les mots du Doyen du corps diplomatique
établi au Sénégal, l’ambassadeur Jean Koe Tonga, jugeant
qu’il n’y a pas de meilleure candidature, devront imprégner toutes
les démarches que notre pays entreprendra dans cette campagne.
De façon pratique, le Sénégal et Amadou Hott devront battre
campagne auprès d’un peu plus de 80 pays membres de la Bad.
L’élection du président est faite par le Conseil des gouverneurs
de cette institution, qui a la particularité d’être constitué des
représentants des 81 pays membres. Ceux-ci sont représentés
par leurs ministères des Finances et du plan ou des gouverneurs
de banques centrales ou de suppléants désignés. Pour une élection,
je crois fermement qu’il faut récupérer tous les votes possibles
et fédérer du mieux autour d’une candidature qui saura
pérenniser la dynamique innovante connue au sein de la Bad
sous les mandats du Dr Adesina. Il y a largement le temps, d’ici
au 21 février 2025, date à laquelle sera arrêtée et publiée la liste
définitive des candidats, la possibilité de rassembler autour de la
candidature sénégalaise. Le travail se poursuivra jusqu’à l’élection
du 29 mai 2025.
On peut dire sans se tromper que le Président Bassirou Diomaye
Faye vient d’avoir son premier grand challenge sur la scène
internationale, d’autant plus que plusieurs candidatures à des
positions internationales sous les présidents Wade et Sall ne se
sont pas soldées par des succès. Osons espérer que tout sera fait
pour qu’un fils du Sénégal puisse arriver à une station où il pourra
chaque jour appuyer et assister des millions d’Africains en
oeuvrant efficacement pour le développement du continent, à
travers des projets structurants et des initiatives novatrices.