LE CRI D’ALARME DE MOUSSA FAKI

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Moussa Faki Mahamat©Malick MBOW

Dans un courrier adressé aux chefs d’État africains, son président dénonce une paralysie généralisée. De la dépendance financière à l’inefficacité du Conseil de paix et de sécurité, il pointe les failles béantes de l’institution

Publication 26/01/2025

(SenePlus) – Dans un document exclusif obtenu par Jeune Afrique, le président sortant de la Commission de l’Union africaine (UA), Moussa Faki Mahamat, dresse un bilan sans concession de l’organisation panafricaine. Cette missive de trois pages, datée du 30 septembre et intitulée « Questions urgentes à résoudre », met en lumière les défis majeurs auxquels fait face l’institution à l’aube de son vingtième anniversaire.

Le constat est particulièrement sévère concernant le Conseil de paix et de sécurité (CPS), pilier censé garantir la stabilité du continent. Comme le souligne Faki Mahamat dans sa lettre, « le CPS a vu ses décisions et communiqués se succéder sans effets significatifs sur le réel politique et sur le terrain ». Plus grave encore, il dénonce ouvertement que « les textes de base de l’Organisation ont été violés », remettant ainsi en question l’efficacité du dispositif actuel face aux changements anticonstitutionnels.

La dépendance financière de l’UA constitue un autre point critique abordé dans ce document. Le président de la Commission qualifie cette situation « d’insoutenable », expliquant qu’elle limite considérablement la marge de manœuvre de l’organisation, « restreignant toute velléité, si peu ambitieuse soit-elle, de la part de l’UA ».

La Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) n’échappe pas non plus aux critiques. Faki Mahamat s’inquiète particulièrement de « la conception de partenariats stratégiques conduits sans aucun rôle significatif de l’UA, marginalisée devant la bilatéralisation des intérêts en jeu ». Il pointe également du doigt « les déficiences patentes des chaînes de solidarité africaines » face aux menaces terroristes et aux catastrophes naturelles.

Selon Jeune Afrique, cette initiative du président sortant n’a pas suscité l’écho espéré au sein de l’institution. Un diplomate en poste à Addis-Abeba, cité par le magazine, va jusqu’à qualifier ce document de « pavé lancé dans la mare des chefs d’État et de gouvernement » et y voit surtout « l’aveu d’impuissance et de faiblesse de sa présidence ».

Alors que l’UA vient d’intégrer le G20 en 2024, et que Moussa Faki Mahamat s’apprête à quitter ses fonctions le 15 février prochain, son appel à une « réflexion active » et à l’organisation d’une « retraite spéciale » pour aborder ces questions cruciales reste pour l’instant lettre morte. Les réunions proposées ont été systématiquement repoussées, illustrant paradoxalement l’immobilisme dénoncé dans sa missive.

Dans ce contexte tendu, certains au sein de l’institution semblent pressés de « tourner la page Faki », selon une expression qui circule dans les couloirs de l’UA, rapporte Jeune Afrique. Le président sortant conclut néanmoins sa lettre sur une note diplomatique, remerciant les dirigeants africains pour « leur confiance et leur soutien » et souhaitant « un plein succès » à son successeur.

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