LA SOUVERAINETÉ NE SE DÉCRÈTE PAS !

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Par Abdoulaye THIAM
Léopold Sédar SENGHOR © Malick MBOW
Léopold Sédar SENGHOR © Malick MBOW

Panique au Sénégal ! Après 65 ans d’existence, le pays de Léopold Sédar Senghor qui avait un produit intérieur brut (PIB) supérieur à la Corée du Sud, au moment de son accession à la souveraineté internationale, peine encore à décoller,

Abdoulaye THIAM  |   Publication 17/02/2025

Panique au Sénégal ! Après 65 ans d’existence, le pays de Léopold Sédar Senghor qui avait un produit intérieur brut (PIB) supérieur à la Corée du Sud, au moment de son accession à la souveraineté internationale, peine encore à décoller, parce que tout simplement, il n’est autosuffisant dans aucun domaine.

Pour autant, personne ne pouvait imager que la fermeture d’une simple agence américaine, fut-elle, l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID), allait créer une telle onde de choc dans un pays où les dirigeants chantent urbi et orbi la souveraineté, l’indépendance et tutu quanti. Or, tout ça n’est que verbeux (ou verbiage ?) Des discours creux, sans aucun fondement que l’administration Trump vient de mettre à nu. D’un seul trait de plume, il a démontré notre vulnérabilité déjà éprouvée par la covid19.

En témoigne, l’alerte du ministre de l’Education nationale. «Nous, au niveau du ministère de l’Éducation nationale, nous le subissons directement. C’est un impact extrêmement lourd sur un aspect important des activités du ministère, à savoir les langues nationales et leur importance pour la performance scolaire de nos élèves », a déclaré Moustapha Guirassy en marge de la réunion du comité de pilotage du Projet d’Amélioration des Performances du Système Educatif (PAPSE). Il ne s’agit là, ni plus, ni moins que d’un aveu d’échec de plusieurs programmes d’éducation de notre pays.

Conscient de la gravité de la situation, le ministre ajoute : « Cette décision nous interpelle tous, car elle pose la question de la souveraineté de l’État du Sénégal. Il est primordial de repenser le financement de nos activités et de ne plus dépendre excessivement de partenaires extérieurs ».

Certes ! Mais si c’est au 21ème siècle qu’un pays qui se veut souverain estime qu’il ne doit plus « dépendre excessivement des partenariats extérieurs », il y a de quoi vraiment s’inquiéter. Surtout, quand il s’agit de ses enfants. Donc, de son présent et surtout de son futur. Aucun pays au monde n’arrime l’éducation de ses enfants aux desiderata des partenaires étrangers.

Aucun pays ne devrait non plus aliéner sa sécurité interne et externe. A moins qu’une certaine géostratégie l’exige. C’est le cas aujourd’hui avec la Corée du Sud qui tient à la présence des Etats-Unis sur son sol pour parer aux humeurs changeantes du Pyongyang et de son leader Kim Jong-un mais aussi de l’hégémonie chinoise dans la région.

Il en est de même du Japon qui est contraint de négocier avec Washington. D’où le déplacement de Shigeru Ishiba (c’est qui ?) à la Maison Blanche pour s’entretenir avec la nouvelle administration Trump. Si ce sont les accords commerciaux qui ont été exprimés devant les médias, il ne fait l’ombre d’aucun doute que l’alliance stratégique a été abordée. Pour rappel, en 2023, Washington avait annoncé le déploiement d’ici à 2025 d’une force de réaction rapide des Marines dans l’île japonaise d’Okinawa. Le chef de la diplomatie américaine d’alors, Antony Blinken l’avait justifié « face aux inquiétudes croissantes vis-à-vis de la Chine et des tensions autour de Taïwan et de la Corée du Nord ». Que dire des alliances contre-nature entre Washington et Ryad ou encore Le Caire ? Nous fermons les yeux sur les aspects relatifs aux Droits de l’Homme et à la démocratie en contrepartie, vous restez un allié sur d’Israël. Tel semble être leur gentleman-agrément.

C’est dire que la souveraineté ne se décrète. Elle se construit. Petit à petit. Elle doit d’abord être alimentaire. Sur ce plan, le Sénégal n’y arrive toujours pas. Du plan REVA (Retour vers l’agriculture) au Programme national d’autosuffisance en riz (PNAR) en passant par le GOANA (Grande Offensive Agricole pour la Nourriture et l’Abondance), des milliards investis n’ont pas pu mettre un terme à la dépendance de notre pays au riz en provenance des pays asiatiques.

Pourtant, ce ne sont pas les surfaces arables qui manquent au Sénégal.

D’après des chiffres du ministère de l’Agriculture, ils sont estimés à 3,4Mha dont 2,5Mha sont emblavés en moyenne par an. Les ressources en eau sont assez importantes avec 35Md de m3 constitué majoritairement d’eau de surface (31Md de m3) avec les fleuves Sénégal, Gambie, Casamance et Kayanga et aussi d’eau souterraines. Nonobstant toutes ses ressources, l’agriculture sénégalaise continue à dépendre à 95% des aléas climatiques. Et pourtant l’objectif du PRACAS était l’autosuffisance en riz en 2017. Une arlésienne !

Que dire de l’élevage ? Pour un cheptel estimé à plus 15,4millions de têtes au total et une zone sylvo- pastorale dans le Ranérou-Ferlo, le Sénégal reste toutefois dépendant en grande partie, pour sa consommation de viande, des approvisionnements en provenance de la Mauritanie, du Mali et du Tchad et, pour sa consommation de produits laitiers, des importations de poudre de lait en provenance d’Europe principalement.

ENCORE ET TOUJOURS DES ABRIS PROVISOIRES

Sur le plan de l’éducation, près de 5000 abris provisoires faisant office de salles de classe ont été répertoriés sur l’ensemble du territoire national, selon des chiffres fournis par la Direction de la formation et de la communication au ministère de l’Éducation nationale en 2023.

Tout récemment le ministre Moustapha Guirassy a soutenu que le taux de scolarisation est 19% au préscolaire, 81,9% pour l’élémentaire 51% pour le moyen et 33% pour le secondaire.

Si nos tout-petits sont le parent pauvre de notre système éducatif, quid alors du taux élevé de l’échec au baccalauréat qui est de 48% aussi bien en 2022 qu’en 2023, selon toujours les chiffres du département de l’éducation nationale ?

Quant à l’université, plusieurs parents la surnomment « garage ». Autrement dit, c’est une perte de temps. Grèves cycliques, enseignements au rabais, un système LMD qui déboussole plus d’un. Sans occulter la fuite des cerveaux que certains professeurs préfèrent surnommer « mobilité des cerveaux »

Les mêmes tares se retrouvent au niveau de la santé où il est fréquent de voir à la Une des journaux, des « hôpitaux plus malades que les patients » à cause d’un manque criant de moyens, d’équipements, d’infrastructures. Sans occulter un accueil qui amplifie la douleur des patients à cause d’un manque d’empathie.

Si le Sénégal peine à garantir à ses enfants une éducation digne de ce nom, à leur dispenser des soins adéquats, comment peut-il faire rêver sa jeunesse. Une jeunesse aujourd’hui désœuvrée qui peine à voir le bout du tunnel préférant se suicider dans l’océan via des pirogues de fortune que d’assister un horizon de plus en plus sombre. Sans issue. Une impasse totale.

Last but not least, le Sénégal dispose des frontières poreuses dont il est quasi impossible de contrôler les mouvements. Sans vouloir jouer les oiseaux de mauvais augure, nous n’avons pas les moyens de contrer une quelconque offensive jihadiste qui a fini par mettre sens dessus-dessous une bonne partie des pays de la sous-région. Beaucoup de Sénégalais se souviennent de l’incendie de l’immeuble Tamaro en 2009 avec à l’intérieur, Karim Wade, alors président du Conseil de surveillance de l’Anoci. Nos vaillants sapeurs-pompiers avaient été dépassés par le feu. Il a fallu recourir aux forces françaises du Cap-Vert, au nombre de 32 avec quatre fourgons.

Notre pays est resté l’un des rares alliés de la France depuis les indépendances en 1960. Mais le vent de souverainistes qui souffle sur le continent a renvoyé l’ancienne métropole accusée, à tort ou à raison de plomber notre envol, au même titre que tous les partenaires étrangers. Reste maintenant à savoir si au-delà des 162 employés envoyés au chômage, nous serons capables de disposer de nous-mêmes. Comme les quatre dragons ou encore les pays du Brics. En moment, on pourrait bomber le torse en brandissant notre souveraineté en guise de réponse définitive à ce vieux qui aurait demandé « à quand la fin de l’indépendance ?».

 

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