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Lecture, débats d’idées, promotion de la pensée universelle, réception de résidents qui viennent du reste de l’Afrique et du monde, notamment de la Guyane, de la Guadeloupe, etc. C’est à cela que servait l’Alliance française de Ziguinchor Incendiée
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Il est des jours où tout peut basculer dans les minutes qui suivent. Il est également des scènes de chaos qui peuvent anéantir, en seulement quelques secondes, les investissements planifiés des décennies durant. L’Alliance française de Ziguinchor (Af), qui n’a pas résisté à la furie des jeunes manifestants, a été brûlée en 2023. Elle a été dévastée ! Près de deux ans après l’incendie, cet établissement se bat pour la restauration de son environnement d’antan afin de pouvoir y recevoir son monde habituel.
Lecture, débats d’idées, promotion de la pensée universelle, réception de résidents qui viennent du reste de l’Afrique et du monde, notamment de la Guyane, de la Guadeloupe, etc. C’est à cela que servait l’Alliance française de Ziguinchor. Mais, le 1er juin 2023, tout a basculé. Cet espace a été incendié lors des manifestations politico-judiciaires liées à l’affaire Ousmane Sonko. Cette nuit-là, des jeunes en colère ont lancé des cocktails Molotov dans ce site. Très vite, les flammes déciment tout sur leur passage. L’Alliance s’écroule. Il n’y reste plus rien. La bibliothèque, le matériel informatique, les six salles de cours, la salle de spectacle avec sa jauge de 500 places, l’espace campus France, la médiathèque, le bloc administratif, la salle dédiée aux séances d’incubation, le restaurant … Tout a été emporté par les flammes. Hélas ! Les 4300 m2 sont partis en fumée. La terre de l’Alliance se noircit et change de physionomie. Au lendemain de cet « acte criminel », toutes les activités ont été à l’arrêt. Plus de séance de lecture et de révision pour les élèves et les étudiants, pas d’endroit pour les manifestations culturelles et de productions audiovisuelles… Ce qui a résisté aux flammes, ce sont les arbres au sein desquels l’on contemple des oiseaux qui ne cessent de gazouiller. Ils maintiennent la flore intacte. En revanche, aucun bâtiment n’y est sorti de terre. Tout se fait dans des conteneurs qui servent de bureaux au personnel. À l’Alliance, il faut tout reprendre. Donc, tout est y urgence.
Directrice de l’Alliance française de Ziguinchor depuis septembre 2020, Nathalie Carratié-Faye a eu la malchance de tomber sur plusieurs épisodes malheureux.
« On ne tue pas la parole et la pensée »
D’abord, la Covid-19, ensuite la première manifestation de mars 2021, celle du 15 mai 2023 qui a vu brûler la maison des artistes et enfin les échauffourées de juin 2023 ayant occasionné le chaos. Elle évoque ces tragiques événements avec le cœur meurtri. « Aujourd’hui, nous sommes dans une grande difficulté », pleure Nathalie Carratié-Faye. Ces difficultés dont elle parle ont véritablement commencé le soir du 1er juin 2023. Les images ahurissantes de cet incendie ont très vite fait le tour de la toile. Qui pour arrêter les flammes cette nuit-là ? Personne !
Pour Mme Faye, c’est un dommage collatéral, mais également un « acte criminel » et odieux à la fois. « Tous ces événements ont rendu la programmation et la vie un peu difficiles au sein de l’Alliance. Pourtant, les gens manifestaient de l’autre côté. Ça partait dans tous les sens. Nous avons payé un lourd tribut lors de ces manifestations. Le 1er juin 2023, il n’y avait personne dans la rue. Il n’y avait pas de manifestation. Ce jour-là, des jeunes ont lancé des cocktails Molotov dans l’Alliance. Malheureusement, un des petits espaces contenait des bombonnes de gaz et ça a propulsé le feu », regrette la maîtresse des lieux.
Des jeunes qui arpentaient les rues de la capitale régionale du Sud ont profité des scènes de violence pour s’attaquer à l’Alliance française qui, pourtant, accueille les citoyens du Sénégal et du monde entier. Après cet épisode tragique, l’administration a décidé de s’organiser pour rouvrir les portes de l’Alliance au public. Une phase et une transition difficiles pour la directrice Nathalie Carratié-Faye et tout son personnel. Au mois de septembre 2023, l’Alliance reprend progressivement ses activités. Pour atteindre cet objectif, il a fallu la mobilisation de tous. « Dans un premier temps, nous avons, avec le soutien de tous, procédé au nettoyage de l’Alliance afin d’offrir au public un espace propre. Nous avions des produits inflammables à l’intérieur de l’Alliance et c’était dangereux. Nous nous sommes mobilisés. Parce que, pour nous, on ne tue pas la parole et on ne tue pas aussi la pensée », a-t-elle soutenu.
Les choses bougent. À notre passage à l’Alliance française de Ziguinchor, la semaine dernière, nous y avons trouvé des étudiants de l’Ufr Santé de l’Université Assane Seck de Ziguinchor. Cette après-midi-là, Ibrahima Koné et ses camarades se sont donné rendez-vous dans cet espace pour une réunion préparatoire de leurs journées de consultations gratuites et de don de sang. Pour ce jeune futur médecin, l’Af est un cadre agréable qui a besoin d’être refait.
1,3 milliard de FCfa nécessaire
Détruire ce qui a été construit peut aller très vite. Mais, la reconstruction peut durer une éternité. Pour tout refaire afin de permettre à l’Alliance française de Ziguinchor de retrouver son visage d’antan, il faut mobiliser un budget colossal. D’après la responsable des lieux, l’enveloppe financière tourne autour de 2 millions d’euros, environ 1 milliard 300 millions de FCfa.
Selon Mme Faye, cet investissement vaut le coût. « Cette Alliance est au service des Sénégalais. Ce sont les enfants qui viennent ici pour apprendre. Nous allons tout refaire avec du bioclimatique parce qu’on pratique l’inclusion des personnes vivant avec un handicap. Nous sommes très actifs », déclare Nathalie Carratié-Faye. Pour sa part, le président du Conseil d’administration de l’Af de Ziguinchor, Upahotep Kajor Mendy, indique que la structure qu’il a l’honneur de diriger travaille aux côtés de la Direction pour la reconstruction de l’Af de Ziguinchor qui, soutient-il, va prendre en compte les préoccupations environnementales. Dans le nouveau projet de reconstruction, M. Mendy estime que le patrimoine architectural de la Casamance sera jalousement conservé. « L’Af de Ziguinchor se situe à quelques mètres du lycée Djignabo et beaucoup d’élèves venaient passer du temps dans ce cadre qui appartient à tous les Ziguinchorois et à toutes les populations. L’Af est une institution encrée dans notre patrimoine. Les gens viennent de façon spontanée. Nous sommes là pour combattre la pensée unique », poursuit Upahotep Kajor Mendy.
Dans cette volonté de reconstruire l’Af de Ziguinchor, le président du Conseil d’administration invite les Ziguinchorois et toutes les bonnes volontés à se joindre à eux afin de rendre « plus beau et attrayant cet espace ». De plus, il rappelle que le dîner de gala est une « belle occasion pour réussir le projet de reconstruction ».
Dans cette phase de reconstruction, le ministère français des Affaires étrangères a promis de venir en aide à l’Alliance française de Ziguinchor. Outre ce soutien, le Premier ministre Ousmane Sonko, dit-on, a adressé une correspondance à Mme l’Ambassadrice de France au Sénégal pour lui faire savoir que le gouvernement va apporter son assistance à l’Alliance française de Ziguinchor afin de l’aider à réussir le projet de réhabilitation. « Nous sommes plutôt positifs. Cette maison devient de plus en plus très dynamique. Il y a des étudiants de l’Ufr Santé et des élèves du lycée Djignabo qui passent le plus clair de leur temps au sein de l’Alliance. Nous avons de vraies difficultés de travail. Moi, je n’ai pas de bureau, idem pour le reste de l’équipe. Donc, le besoin est pressant », indique Nathalie Carratié-Faye, invitant les uns et les autres à croire en eux « parce qu’au sein de l’Alliance, nous, nous croyons en nous ».
Un dîner spectacle pour se relancer
Dans une dynamique de recherche de fonds devant servir à la reconstruction totale de l’Alliance française de Ziguinchor, la directrice et son équipe ont concocté plusieurs stratégies. Outre la collecte déjà faite à Dakar, un dîner a été organisé le 15 février 2025 dans les jardins de l’Alliance française de Ziguinchor. Faire de l’Alliance française de Ziguinchor une institution aussi belle qu’une jeune fille. C’est la volonté de la Direction et du Conseil d’administration de cet établissement qui combattent la pensée unique et figée. À l’Alliance, le personnel n’a jamais baissé les bras et tout le monde est maintenu à son poste. Cette énergie intense et cet élan du cœur ont permis de maintenir cette maison du peuple qui, à tout prix, veut se relever ! Mais, ça sera avec l’appui de tous !