
La violence faite aux femmes est justement dans cette manière de vouloir les confiner et les enfermer dans les représentations masculines.

Une tiktokeuse, vendeuse de produits cosmétiques, en ligne et au marché de Pikine, a été condamnée le 7 février dernier à 2 ans de prison dont six mois ferme, pour «mise en danger de la vie d’autrui, exercice illégal de la profession de pharmacien et administration de substances nuisibles à la santé publique». Elle proposait des suppositoires sous forme de boulettes qui avaient la capacité de transformer les candidates en Venus callipyges dotées d’une belle paire de fesses, galbées et charnues, à damner un saint.
Il est cependant interdit d’en rire puisque, dans le sillage des comprimés et autres sirops, tout est bon pour prendre du poids et développer de généreuses rondeurs conformes aux standards de beauté autochtones. Pour y arriver, elles se livrent à une course à la séduction qui n’est pas sans danger du fait de risques divers : problème cardiovasculaire, insuffisance hépatique, obésité, diabète, hypertension artérielle, etc. Tout cela pour plaire à leurs hommes au détriment de leur santé, empêtrées qu’elles, sont dans une sorte de relation marchande rythmée par une offre et une demande soumises aux critères de beauté masculine. La violence faite aux femmes est justement dans cette manière de vouloir les confiner et les enfermer dans les représentations masculines. Ainsi en est-il du fameux « Dieguene sopal waye buul woolou* » de Kocc Barma qui sous-entend que l’homme est préposé à toutes les audaces et la femme, à la soumission.
Au Sénégal mais comme partout ailleurs, ce rapport de domination perdure. En France, tout récemment la justice s’est saisie d’une affaire hors-norme opposant une femme, Gisèle Pellicot, plongée dans une soumission chimique par son mari Dominique Pellicot, pour la violer et la faire violer dix années durant à son domicile par des dizaines d’inconnus contactés sur Internet. Il a voulu a-t-il expliqué » soumettre une femme insoumise »
Cette femme de 74 ans, que son mari livrait à une cinquantaine d’inconnus après avoir anesthésié sa conscience est devenue une icône. Elle a estimé qu’elle n’avait pas à se cacher, ni à avoir honte encore moins à culpabiliser. La honte devant plutôt changer de camp, s’extirper du corps de la victime pour se dresser avec force et obliger le bourreau à rendre gorge. Pour ce faire, Gisèle Pellicot a tenu bon, droitement, debout, soutenue par ses deux fils et sa fille qui eux aussi ont fait face. Par son attitude empreinte de dignité et de courage, forçant ainsi l’admiration de l’opinion nationale et planétaire, elle a suscité une émotion mondiale comme en attestent les médias de tous les continents qui ont consacré des éléments à cette affaire
C’est dire que cette journée du 8 Mars doit nous faire réfléchir sur la condition des femmes et des hommes, sur l’égalité des droits et des devoirs. Surtout, lorsqu’une circulaire de service accorde aux employées femmes un réaménagement horaire en ce mois de Ramadan, en prenant toutefois le soin de préciser que c’est à titre exceptionnel et dérogatoire. Même à supposer que cette circulaire soit mue par une intention bienveillante, une telle mesure en dit long sur l’idée que l’on s’y fait du rapport hommes/femmes. Pour un pays qui a plutôt accompli d’énormes progrès dans sa volonté de lutter contre les inégalités entre hommes et femmes, vouloir confiner ces dernières dans un espace domestique perçu comme le lieu naturel de leur expression, qu’on le veuille ou non, fait désordre. Parce qu’elle revêt le visage d’une régression qui ne dit pas son nom, une telle mesure appelle par conséquent, à une vigilance soutenue pour que ne soient pas banalisés ces petits gestes qui se veulent empathiques ou sans grande signification, mais qui dans la réalité des faits sont discriminatoires puisqu’ils portent atteinte à l’égalité des droits entre les femmes et les femmes.
*Tombe amoureux, mais ne lui fait pas confiance