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L’utilisation de micro-algues pour purifier des eaux grises et en retirer de l’énergie plus des composés organiques d’intérêt est une piste prometteuse de l’économie circulaire. Batiactufait le point avec Christine Grimault, la directrice générale adjointe d’Ennesys, entreprise française qui travaille sur des systèmes combinant digesteur bactérien et photobioréacteur algal.
Les micro-algues ont été testées pour capturer du gaz carbonique à la sortie de cheminées de cimenteries. Mais ce n’est pas la piste suivie par Ennesys, société qui s’inscrit dans une logique d’économie circulaire où les déchets organiques deviennent des ressources à valoriser dans des bassins de culture spécifiques. Christine Grimault, qui revient d’Abou Dhabi où une installation est en fonctionnement depuis une dizaine de mois, nous explique : « Nous avons fait 5 ans de R&D : le système tubulaire fonctionne parfaitement. Le modèle installé dans des haras privés aux Emirats Arabes Unis permet d’épurer les eaux du nettoyage des écuries et de traiter les déchets organiques du site pour produire des fertilisants à haute valeur ajoutée« . En plein désert, l’installation Freewaterbox permet ainsi de diminuer les consommations d’eau, d’améliorer les rendements de cultures et même d’obtenir (un peu) d’énergie.
Eau sale + déchets + cocktail algues/bactéries = eau propre + biogaz + engrais
Mais comment fonctionne l’installation ? Les eaux grises sont tout d’abord filtrées par une membrane. Une partie est orientée vers un digesteur bactérien où sont ajoutés des déchets organiques. Outre la production de biogaz et de compost, le système produit un liquide confié cette fois à des micro-algues qui s’en nourriront et qui seront régulièrement récoltées. Pour 50 mètres cubes d’eau sale introduits et 500 kg de déchets, le système sépare 49 m3 d’eau purifiée, 150 m3 de biogaz (énergie), 80 kg de compost (solide) et 600 litres de biostimulant algal (liquide).
La directrice adjointe nous précise : « On produit de l’eau propre mais qui n’est pas considérée comme potable. Il est toutefois possible d’irriguer et d’arroser des cultures avec. D’autre part, on récupère de l’énergie capable d’autoalimenter le système, notamment ses pompes de relevage et de circulation. Enfin, on obtient deux types de fertilisants : du compost 100 % organique, très riche, et un biostimulant algal capable d’améliorer le rendement des cultures de +45 à +55 %« . De quoi faire pousser de la canne à sucre dans le désert.
Une dizaine de souches d’algues ont été sélectionnées pour leur résistance face aux températures extrêmes (entre -7 °C et +45 °C), leur capacité de fixation rapide (azote, potassium, phosphate, métaux lourds, CO2…) et leur potentiel de croissance. Christine Grimault nous explique : « Nous visons de nombreux marchés : celui des cultures maraîchères, fruitières et céréalières, mais également l’élevage et l’agroalimentaire au sens large (fabriques de boissons, brasseries, laiteries, conserveries, etc.). Celui des hôtels et villages de vacances en sites isolés, typiquement sur une île. Ainsi que les campus universitaires et les éco-quartiers« .
Le système Freewaterbox a notamment été choisi pour équiper le futur campus Mohammed VI de Laâyoune au Maroc, dans un projet conçu par Anthony Béchu. A La Défense, c’est la « Cité de l’Innovation, de la Culture et de l’Entreprenariat » d’Heinrich von Sponeck qui sera équipée d’une solution en façade, toutefois dépourvue de l’aspect production de biogaz.
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Ennesys : et sur les façades ?
La réglementation autour des installations de méthanisation urbaine est en effet trop contraignante (éloignement obligatoire de 50 mètres alentours) pour pouvoir équiper des bâtiments en ville. « Le temps de retour sur investissement sera donc rallongé : de 3 ans pour un système complet, il passe à 7 ans si l’on se passe de la phase de dégradation anaérobie« , confie la directrice adjointe. Une situation qu’elle espère faire évoluer grâce à la nouvelle équipe gouvernementale : « On réclame de pouvoir faire de la biovalorisation des déchets. Il faudrait assouplir des réglementations par rapport à la méthanisation urbaine, pas plus dangereuse que de stocker deux bouteilles de Butagaz, et par rapport à la réutilisation de l’eau.
Aujourd’hui, en France, il est par exemple nécessaire de demander une dérogation pour utiliser l’eau de pluie dans une chasse d’eau !« . Ennesys devrait pouvoir s’appuyer sur sa participation au réseau Vivapolis, autrefois coordonnée par Michèle Pappalardo, la directrice de cabinet du ministre de la Transition écologique et solidaire, et sur son partenariat avec la Fondation Hulot, noué en mars 2015. De nouveaux projets pourraient ainsi voir le jour, sur une ZAC à Nanterre notamment, ou à Marne-Europe. La startup avait même été reçue à Bercy par un certain… Emmanuel Macron, qui souhaitait mettre en avant l’innovation lors des Journées du Patrimoine.
La société continue de travailler sur d’autres formes de photobioréacteurs, plans et non plus tubulaires, afin de pouvoir intégrer des panneaux en façade, apportant même une certaine isolation thermique à l’ensemble. Elle a notamment un projet dans les cartons avec Manuelle Gautrand. Deux ans de travaux seraient encore nécessaires, selon Christine Grimault, qui voit d’un bon œil tous les développements faits dans le domaine de l’utilisation des micro-algues, comme chez X-TU ou Fermentalg. Sur le concept de colonne Morris dépolluante, en revanche, son équipe se montre plus réservée sur la capacité du phytoplancton à fixer suffisamment de CO2 pour avoir un impact réel.
source : Bati Actu