Olivier Kamitatu : « Joseph Kabila cherche à décréter l’état d’urgence en RDC »

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Porte-parole de l’opposant Moïse Katumbi, l’ancien ministre congolais Olivier Kamitatu voit une « main noire du régime de Kinshasa » derrière les violences à répétition observées récemment dans la capitale et plusieurs autres villes de la RDC. Le but de cette main, selon lui : décréter l’état d’urgence.

Moïse Katumbi - Homme d'affaire et opposant politique  congolais
Moïse Katumbi – Homme d’affaire et opposant politique congolais

L’état d’urgence en RDC, fantasme ou réalité ? Côté Majorité présidentielle (MP), on tente de rassurer. « Pour l’instant, la question ne se pose pas », répètent plusieurs proches du président Joseph Kabila. Mais, côté opposition, on craint de plus en plus l’instauration de cet état de crise, qui permettrait au régime en place à Kinshasa de repousser sine die les échéances électorales au nom de la sécurité. Et on voit dans la série de violences répétées dans le pays, dont la nouvelle attaque de la prison de Makala le 7 août, une stratégie déployée pour maintenir Kabila au pouvoir.

Un point de vue partagé par nombre d’opposants congolais dont Olivier Kamitatu, l’une des figures du regroupement politique G7 et ancien président de l’Assemblée nationale. Également porte-parole de Moïse Katumbi et ancien ministre, Olivier Kamitatu a soutenu lundi 7 août, dans une vidéo relayée sur les réseaux sociaux, que la stratégie de Joseph Kabila consistait en effet à « imposer l’état d’urgence au prix du sang des innocents ».

Jeune Afrique : Vous accusez le président Joseph Kabila de « faire régner le chaos dans le pays afin d’instaurer l’état d’urgence ». Avez-vous des preuves de l’implication du chef de l’État dans la série de violences observée récemment en RDC ?

Olivier Kamitatu : Chaque fois que l’opposition annonce une manifestation, le pouvoir répond par un sur-déploiement militaire à travers la capitale et les autres villes du pays. Il y a toujours une volonté manifeste de brimer le droit de manifester, de s’exprimer. Aujourd’hui par exemple, le régime de Kinshasa a restreint l’utilisation des réseaux sociaux parce que nous avons appelé à des journées « villes mortes » les 8 et 9 août à travers le pays. Pourtant, ce lundi, nous avons vu des policiers très coopératifs, en train d’encadrer les adeptes de Bundu dia Kongo (BDK) alors que le guide spirituel de cette secte annonçait un mouvement de violences. On comprend tout de suite qu’il y a une main noire derrière ces manifestations.

Il en est de même dans le Kasaï, avec le déploiement des Bana Mura dont personne n’ignore la complicité avec le régime. Cette région est aujourd’hui incontrôlable à cause de la flambée de violence qui a été créée. Car la stratégie du régime de Kabila consiste en effet à mettre en place les conditions du chaos dans le pays pour pouvoir, à tout moment, décréter l’état d’urgence. Cela lui permettrait de repousser les échéances électorales.

Kabila profite de ces situations de violence pour les retourner en sa faveur

Insinuez-vous que le président Kabila est derrière les agissements des miliciens Kamuina Nsapu au Kasaï ou des adeptes de BDK, auteurs présumés de récentes attaques à Kinshasa ?

Je ne dirais pas que Joseph Kabila est derrière ces récentes attaques, mais il a l’intelligence de profiter de ces situations de violence pour les retourner en sa faveur, en créant les conditions de la répression sauvage. Depuis un an, des dizaines de milliers de Congolais sont morts du fait de cette répression. Il appartient aux enquêtes des Nations unies d’établir les liens entre celle-ci et le régime de Kinshasa.

Des journées « villes mortes », comme celles annoncées les 8 et 9 août, suffiront-elles pour obtenir le départ de Kabila ?

Une journée « ville morte » n’est ni chômée ni payée. Il s’agit d’un sacrifice pour chaque famille congolaise. Elle est massivement suivie à travers le pays, malgré la répression, parce que c’est aussi le sentiment d’une cohésion nationale contre un régime qui est vomi par les Congolais. De gré ou de force, Joseph Kabila quittera le pouvoir.

Quand je parle de « force », il n’agit nullement de violence mais de force pacifique, de détermination de la part d’une majorité de Congolais. Quatre-vingt millions de personnes, qui ont assez souffert à cause d’une famille ayant fait main basse sur les richesses de la RDC et désireuse de conserver le pouvoir à tout prix.

Votre ancien allié du Rassemblement Joseph Olenghankoy, aujourd’hui président du CNSA, estime que « l’ascenseur du succès de l’opération ville morte est hors d’usage ». Que lui répondez-vous ?

Joseph Olenghankoy n’a aucune leçon à donner à personne, surtout pas dans les conditions dans lesquelles il a quitté l’opposition pour rallier un pouvoir qui est manifestement à bout de course.

Nous exigeons de la Ceni la publication du calendrier électoral

La tenue des élections au plus tard en décembre 2017 devient hypothétique. Que va-t-il se passer ?

Il est clair que Joseph Kabila et ses partisans veulent garder le pouvoir. Et les éléments des scandales financiers qui émaillent le pays constituent aujourd’hui le mobile du crime. Mais, sur les bases de la non-violence, nous allons continuer à mobiliser les Congolais de l’extérieur et de l’intérieur du pays. Nous exigeons de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) la publication du calendrier électoral qui fixe les échéances jusqu’à décembre 2017, conformément à l’accord de la Saint-Sylvestre et à la Constitution.

En attendant, malgré la lettre du bureau de Haut-commissariat aux droits de l’Homme et le rapport des évêques adressé au président Kabila, Moïse Katumbi, candidat à la présidentielle, ne peut toujours pas rentrer au pays en homme libre. Ses chances de briguer la magistrature suprême en RDC sont-elles toujours intactes ?

Moïse Katumbi est un citoyen congolais qui est victime d’une « mascarade judiciaire » comme l’ont rappelé les évêques. Il rentrera dans son pays pour se présenter devant le peuple congolais. Aujourd’hui il n’est nul besoin d’avoir un nouveau martyr en RDC. Nous en avons déjà bien assez de tous nos amis qui sont enfermés dans les geôles de Joseph Kabila : Jean-Claude Muyambo, Franck Diongo, Huit Mulongo et autres activistes arrêtés à Lubumbashi et ailleurs.

Autrement dit, pour l’instant, les conditions d’un retour de votre champion au pays ne sont pas encore garanties…

À quoi servirait-il que Moïse Katumbi aille en prison aujourd’hui, alors que nous sommes en train de mobiliser tous les Congolais contre une dictature ? Je n’ai qu’une certitude : Katumbi ne va pas livrer sa tête au régime de Kabila, qui est sanguinaire, fait fi de la justice, instrumentalise les institutions et crée le chaos.

Il est utile à notre combat que Moïse Katumbi puisse être libre de ses mouvements. Il rentrera en homme libre dans son pays tel que les Nations unies l’ont demandé, tel que les évêques l’ont proposé. Il faut savoir raison garder : le pouvoir ne pourra s’entêter indéfiniment dans une posture de défi face à la justice, à la communauté internationale.

source : Jeune Afrique

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