Donald Trump a terminé ce mardi 14 novembre une tournée marathon en Asie de 12 jours, du Japon aux Philippines en passant par la Corée, le Vietnam et bien sûr la Chine. Une tournée très attendue par les partenaires des Etats-Unis dans la région, entre autre en raison des tensions avec la Corée du Nord. Mais Donald Trump, accueilli en grande pompe à chacune de ses étapes, a répété que sa priorité restait les Etats-Unis. Et les questions demeurent sur l’impact réel de cette tournée asiatique.
De Tokyo à Manille en passant par Séoul, Pékin et Hanoï, Donald Trump a été reçu avec les honneurs, tapis rouge « comme personne n’en a jamais vu », galas et mises en scène soignées. Si tout au long de ces douze jours de voyage, le président américain n’a pas manqué de complimenter ses hôtes pour leur accueil, c’est néanmoins la notion d’« America First », « l’Amérique d’abord », qui a prévalu à chaque étape.
« Cette tournée a montré une fois de plus la versatilité du président, souligne Philip Golub, professeur de relations internationales à l’Université américaine de Paris. Il a exalté les vertus de ses interlocuteurs, et en même temps, il a réaffirmé ses positions nationalistes. America First a irrigué la totalité de ses interventions. »
Une versatilité que pointe aussi Jean-François Di Meglio, président du centre de recherche Asia Centre : « Dans un premier temps il était en parfaite ligne avec le président chinois sur les questions internationales. Et dès qu’il est arrivé à Danang, il a répété que l’Amérique passait avant toutes les autres conversations qu’il pouvait avoir avec ses interlocuteurs. »
Les deux chercheurs attribuent cette position à la politique extérieure de Donald Trump, qui consiste notamment à favoriser le bilatéralisme plutôt que le multilatéralisme. Les Etats-Unis privilégient désormais les alliances pays par pays, au cas par cas, plutôt que les accords multilatéraux contraignants. Trump a d’ailleurs réaffirmé le retrait des Etats-Unis du Partenariat transpacifique.
Dossier nord-coréen
Un désengagement qui se retrouve notamment sur le dossier nord-coréen, pourtant un des enjeux majeurs de cette tournée. « On a l’impression que l’attitude de Donald Trump dans la crise nord-coréenne, c’est de déléguer une grande part de responsabilité à la Chine et non plus de jouer un rôle prépondérant dans la résolution de la crise », note Jean-François Di Meglio, président du centre de recherche Asia Centre. « Il souhaite que la Chine s’implique. »
Mais pour Philip Golub, spécialiste des Etats-Unis, cela va plus loin. Donald Trump utilise avec Pékin une diplomatie « coercitive ». « Il veut forcer la Chine à suivre la volonté américaine, en la poussant notamment à imposer un embargo à Pyongyang. » Mais cette stratégie de pression, dans un mélange de menaces de sanctions et de promesses en retour, « marche assez mal » selon le chercheur. Jusque là, Pékin s’en tient à sa position et aucune avancée concrète n’a été annoncée sur la question.
Des alliés peu rassurés
Or, que ce soit sur le dossier nord-coréen ou sur celui de la mer de Chine méridionale, les partenaires des Etats-Unis dans la région s’attendaient à ce que le chef de l’Etat américain les rassure quant à son soutien. En vain. « Sur un plan politique il a des alliés et il ne les a pas rassurés. Il n’a pas rassuré les Japonais, il n’a surtout pas rassuré les Sud-Coréens. Et quant à Taïwan, plus personne n’en parle » analyse Jean-François Di Meglio.
Face à une Chine dont l’influence ne cesse de croître, les nouveaux partenaires ou les alliés historiques des Etats-Unis auraient voulu plus d’interventionnisme américain dans la région. Avec Donald Trump, c’est le contraire qui se dessine et une alternative à la puissance chinoise qui s’éloigne.
Mais au-delà de ça, « Donald Trump est en train de déconstruire les alliances historiques, mais sans pour autant poser de nouvelle architecture pour leur succéder », s’inquiète Philip Golub, de l’Université américaine de Paris.
« La faillite de la pensée stratégique »
La visite de Trump en Asie n’est même pas une réussite commerciale, selon l’enseignant. Car si le président américain a mis en avant une moisson de contrats pour un montant de 250 milliards de dollars, reste à les concrétiser. Mais surtout, la majorité d’entre eux sont des « contrats déjà en cours » ou prévus de longue date, rappelle Philip Golub. Et rien qui puisse corriger les déséquilibres de la balance commerciale américaine.
« Il n’y a pas eu d’avancées nouvelles et on ne voit pas en quoi cette tournée va changer quoi que ce soit », estime Philip Golub. Selon lui, le principal enseignement de ce voyage de douze jours en Asie, est la confirmation d’un triste constat : « la seule cohérence diplomatique de Donald Trump, c’est celle de mettre l’intérêt des Etats-Unis avant tout. Sans pensée stratégique. En fait, c’est même la faillite de la pensée stratégique. »