PORTRAIT : Il était une fois Blaise Diagne, conté par Maurice Maillat

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Blaise DIAGNE en 1921
Blaise DIAGNE en 1921

Le nom de Blaise Diagne donné par l’ancien Président de la République au nouvel aéroport international, inauguré aujourd’hui à Dakar, fait grincer des dents. Ce jour important est l’occasion de mieux connaître cette personnalité contestée, à travers un article de Maurice Maillat, mis en ligne sur le site de l’AAMHIS. Il s’agit d’un nouveau chapitre du volumineux ouvrage « Gorée Phénix des Tropiques », écrit en 1978, que nous avons choisi de diffuser par épisodes sur le site de l’association.

Pour le touriste qui de nos jours visite Dakar, il va passer par une grande artère, l’avenue Blaise Diagne. Lorsqu’il passe devant le cimetière musulman, en dehors de celui-ci, près de l’entrée, une tombe entourée d’une enceinte et surmontée d’un buste, une plaque rappelle le souvenir de celui qui y repose pour l’éternité.

Comme il se doit, notre touriste va visiter l’ile de Gorée, la chaloupe qui va l’y amener s’appelle Blaise Diagne. Une fois débarqué, il va peu après passer devant un autre buste, celui de Blaise Diagne, l’enfant de l’île. Ces deux plaques indiquent qu’il fut député du Sénégal sous la IIIe République de 1914 à 1934, Haut-Commissaire de la République pour les Troupes Noires durant la première Guerre Mondiale et Sous-Secrétaire d’Etat aux Colonies en 1931.

Portrait de Blaise DIAGNE -   Ancien député de la République du Sénégal © Malick MBOW
Portrait de Blaise DIAGNE – Ancien député de la République du Sénégal © Malick MBOW

Enfant de Gorée, Blaise Diagne sera le premier député de race noire du Sénégal et certainement le plus grand homme politique qu’ait connu ce pays avant son indépendance : il ouvrira la voie aux Lamine Guèye et Senghor.

Il est né en l’île de Gorée le 13 octobre 1872 ; le centenaire de sa naissance sera célébré avec éclat au Sénégal en présence de ses enfants.

Son père Niokhor Diagne était domestique, sa mère se nommait Gnagna Preira. La famille Diagne était originaire du Walo, entre N’Gandj et Baralé, dans la région de Mpal.

C’est à l’école primaire de Gorée, alors tenue par les Frères de Ploërmel, que le jeune Blaise devait se faire remarquer par son intelligence et sa vivacité d’esprit.

L’un des principaux notables, Adolphe Crespin (un mulâtre), s’intéressa à lui et le fit envoyer à l’École des Arts et Métiers d’Aix en Provence mais, pour des motifs de santé, le jeune Blaise s’orienta vers les humanités. Il revint au Sénégal avant de les avoir terminées ; il continua au Lycée de Saint-Louis de brillantes études secondaires. Il devait passer avec succès le concours des Douanes et être admis dans ce corps, mais sa carrière se déroulera hors du Sénégal qu’il quittera en 1895. Il sera successivement en poste au Dahomey, au Gabon, à la Réunion, à Madagascar et en Guyane.

N’oublions pas qu’il a la peau noire et bien qu’administrativement il soit sur le même plan que ses collègues blancs, pour la plupart et pour beaucoup de ses chefs, il demeure un « nègre » ; aussi tout au long de sa carrière , il demeurera fidèle à lui-même et s’opposera à la discrimination sous toutes ses formes et à l’injustice.

Il sera noté comme fonctionnaire indiscipliné, ambitieux, revendiquant sans cesse une impossible assimilation. Sa carrière sera tumultueuse, il passera pour un empêcheur de tourner en rond.

Au Gabon, le Secrétaire Général du Gouverneur Général lui reprochera officiellement d’essayer, partout où il se trouve, à se poser en émancipateur de la race noire.

En Guyane en 1910, il compromet irrémédiablement sa carrière administrative, en se brouillant avec ses supérieurs hiérarchiques et administratifs, ceci après une période calme durant laquelle ses services seront hautement appréciés et lui vaudront de recevoir une distinction honorifique.

L’homme politique
Ses réflexions l’ont amené à s’orienter vers une autre voie dans laquelle il pourra mener un combat plus actif. Pour s’y engager, il obtient un congé administratif d’une certaine durée.

Dès son retour à Paris, il engage son combat politique ; par le moyen de conférences, d’articles dans divers organes, il s’attaque à des hommes déjà réputés, à son Gouverneur, à des journalistes.

Il s’aperçoit que la France n’est pas une abstraction illusoire mais bien un pays concret, géographiquement caractérisé et historiquement constitué, qu’il s’agit d’une France bien réelle, d’une République dont les idées généreuses de Liberté, d’Égalité et de Fraternité humaine ont surpris le monde et renversé des trônes.

La Révolution de 1789, une réalité, un événement historique dont les répercussions furent essentiellement européennes, mais que les idées philosophiques et sociales de cette Révolution n’ont pas bouleversé les structures de l’homme en tant que tel.

De ses constatations et de ses réflexions, Blaise Diagne va en tirer un certain ressentiment. Il conçoit alors la nécessité pour lui, de participer à l’édification d’une plus grande République, au-delà de la France de son époque. Une autre République qui serait faite de la France et de tout ce qui tenait d’elle et serait assez puissante pour faire s’épanouir et garantir les grandes idées de liberté et de fraternité.
Toute sa vie, Blaise Diagne sera un républicain et jamais autre chose.

Affecté en Guyane, il rejoint son poste, effectue sans histoire son séjour administratif et rentre en congé en France en 1913 ; il avait envisagé de passer un concours professionnel lui donnant accès à un grade plus élevé, mais y renonce.

Après mûres réflexions, il veut donner à son combat émancipateur les dimensions nécessaires et indispensables à son succès. Il se tourne alors vers lui-même, vers ses parents, ses amis du pays. Le 30 janvier 1914 il embarque à Marseille pour le Sénégal.

À son arrivée à Dakar où sa renommée l’a précédé, il n’a aucune peine à se faire reconnaître par la communauté Lébou (n’oublions pas que sa mère y appartient), il bénéficie de la sympathie d’une partie de ses chefs et de sa jeunesse ; le Grand Seerigne de Dakar lui donne sa bénédiction et lui accorde son patronage. Galandou Diouf (qui lui succédera comme député du Sénégal en 1934) et Mbaye Mody sont à ses côtés.

Jusqu’alors, c’était l’élément mulâtre qui tenait le haut du pavé, on avait dit que le rôle mulâtre ne pouvait qu’être prépondérant, le Noir n’étant pas intéressé par la politique, préférant s’adonner au commerce et à la traite (des arachides à cette époque).

Cela était vrai au début du siècle, mais en 1914, la tendance avait changé ; les Noirs s’intéressaient à la politique et on trouvait déjà au Conseil Général des hommes distingués tels Galandou Diouf, Bakar Waly, Ahmed Khoury Sene dit Ahmed Fall.

Au Sénégal d’alors, il existe déjà des familles intellectuelles francophones et arabophones.
Parmi les arabophones, on peut citer El Hadj Madior Cissé, Bou El Mogdad (dont le souvenir est perpétué par des voies portant son nom ainsi que par le dernier paquebot fluvial flottant encore sur le fleuve Sénégal), El Hadj Malick Sy (fondateur de la confrérie des Tidjanes), Seerigne Amadou Bamba (fondateur de la confrérie des Mourides).

Chez les francophones, on note déjà quelques hauts fonctionnaires : Abdoulaye Seck, Directeur des PTT du Sénégal, Doudou Mbaye, administrateur des Colonies, Ibnou Diop, cadre technique.

En 1914, le mythe du mulâtre installé dans le pays comme un être à part, essayant de survivre en tant qu’espèce humaine singulière, est déjà périmé. Les mulâtres ont perdu leur unité, ils se perdent dans la discorde et perdent aussi les situations acquises ; au Conseil Général, un métis Justin Devès a pris la présidence sur le mulâtre Théodore Carpot, frère du député d’alors.

La situation politique au Sénégal était assez confuse, les Européens rêvent de reconquérir le siège de député ; divisés, les mulâtres se combattent ; la communauté des jeunes Noirs évolués marque sa cohésion et sa volonté d’existence.

Blaise Diagne, député du Sénégal
Les élections législatives ont lieu en mai 1914. Blaise Diagne soutenu par ses amis Galandou Diouf, Mbaye Mody, Jules Sergent, d’Oboxy, présente sa candidature.

Le deuxième tour a lieu le 10 mai. Blaise Diagne obtient 2 424 voix contre 2 249 à Heimburger (Européen) sur 5 231 votants ; François Carpot, candidat sortant, n’en obtient que 472.
Il sera réélu 4 fois :
– 30/11/19 : avec 7 444 voix contre 1 252 à Carpot sur 8 867 votants
– 11/05/24 : avec 6 133 voix contre 1 891 à Paul Deferre sur 8 193 votants
– 22/04/28 : avec 5 175 voix contre 4396 à Galandou Diouf sur 9 911 votants
– 1/05/32 : avec 7 250 voix contre 3 850 à Galandou Diouf sur 12 031 votants

De 1914 à 1934 soit pendant 20 années, il sera sans discontinuer, l’élu du Sénégal. Avant 1914, la politique locale du Sénégal était menée par une coalition de Français de la métropole et de métis.
À l’horizon politique, il n’y avait que trois personnes susceptible de l’emporter :
– François Carpot, qui n’avait aucun rapport personnel avec le peuple, alors qu’il aurait eu besoin de la plupart des Africains pour se maintenir.
– Justin Devès, maire de Saint-Louis, disputait à la famille Carpot la direction de la politique locale : bien que le plus capable de toutes les familles métisses, il était davantage porté à consolider son propre pouvoir plutôt qu’à aider ceux qu’il représentait.
– Galandou Diouf, bien qu’intelligent et ouvert, manquait d’audace et d’expérience pour se présenter aux élections législatives ; il lui faudra attendre la disparition de Blaise Diagne pour obtenir sa chance.

Comme on l’a vu plus haut, Blaise Diagne devait l’emporter en raison de l’expérience qu’il avait acquise par son travail et ses études de la gestion administrative et du droit politique, son habileté dans les débats et les discussions.

Son succès prouvait que l’assimilation politique pouvait exister pour un Africain qui présentait sa candidature et qu’il pouvait conquérir un poste aussi prestigieux que celui de député. Cette élection marquait aussi l’entrée dans la politique de l’Afrique moderne et constituait une étape dans l’histoire du nationalisme africain.

Avant son accession à la députation, c’est le Conseil Général qui constituait la force dominante de la politique locale, le rôle du député était certes important, mais jusqu’alors, l’élu du Sénégal n’était qu’un personnage lointain, que l’on ne voyait que fort rarement sur place.

Blaise Diagne va retirer l’initiative au Conseil Général ; il fait de la députation, le centre du pouvoir politique dans les affaires du gouvernement local, les tout-puissants gouverneurs généraux de l’AOF et lieutenant-gouverneurs du Sénégal vont désormais devoir compter avec lui, car il n’hésitera pas au besoin à entrer en lutte avec eux et leur administration. En 1921, le Conseil Général disparait, remplacé par le Conseil Colonial.

De plus, Blaise Diagne va exercer une grande influence sur les nominations et les congédiements de Gouverneurs ; malheur à ceux qui ne sauront pas s’entendre avec lui et devenir ses amis. ; C’est sur son intervention que le gouverneur Martial Merlin sera relevé de son poste mais c’est grâce à lui que les lieutenant-gouverneurs Levecque et Beurnier seront nommés au Sénégal ainsi que les gouverneurs généraux Carde et Van Vollenhoven.

Les trois phases principales de la carrière de Blaise Diagne

Sa carrière peut être divisée en trois périodes principales :
– 1° période de 1892 à 1914
Il est alors fonctionnaire des Douanes et sert dans diverses colonies, pour lui, c’est une période de radicalisme ; il s’attache alors à souligner toute insulte, tout manque d’égards ou de tendance anti-raciale de la part de l’administration coloniale, d’où ses démêlées avec ses chefs et ses collègues.
Durant ses congés en métropole, il rencontre volontiers des socialistes.
– 2° période de 1914 à 1923
Pendant la guerre, il est nommé Haut Commissaire de la République pour les Troupes
Noires ; ce point sera développé plus bas.
Il est devenu politicien, il organise son parti, lequel devient une menace pour l’empire colonial français ; entre 1919 et 1921, les journaux de la métropole le traitent de séparatiste, prêt à remplacer les Français par des Sénégalais pour s’emparer du Sénégal, tout le monde le craint alors, car il a assez de pouvoir pour l’utiliser en vue d’une réforme ou d’une restructuration du système colonial français.
En 1919, il présidera à Paris, la première Conférence Panafricaine.
– 3° période de 1923 à 1934
Il s’engage à coopérer avec les commerçants de Bordeaux qui ont de puissants intérêts au Sénégal et en fait, dominent sa vie économique, au lieu de s’opposer ouvertement à eux, comme il l’avait fait depuis 1914.
Ce revirement politique est diversement apprécié : pour beaucoup d’Africains, surtout parmi les jeunes tant au Sénégal qu’en France, il est considéré, comme vendu au commerce de Bordeaux et devenu un collaborateur du régime colonial et non plus le défenseur des Africains.

Il est difficile d’évaluer les raisons de cette décision. Il semble toutefois qu’en acceptant de collaborer avec l’administration au lieu de la combattre, il croit davantage pouvoir aider le Sénégal. Son ennemi acharné, le gouverneur général Martial Merlin est – sur ses instances – relevé de ses fonctions et remplacé par son ami Jules Carde.

Blaise Diagne croit que la collaboration sera plus fructueuse que son opposition de naguère, il va en faire la pierre de touche de sa politique pendant ses dix dernières années. Cette attitude nouvelle va le mener aux fonctions de président de la Commission des Colonies et au Sous-Secrétariat d’État aux Colonies dans le ministère Laval de 1931.

Cette nouvelle orientation de sa politique devait être critiquée, surtout en France où de jeunes intellectuels nationalistes tels Lamine Guèye, Léopold Senghor, Toualou Quenum, Caran Kouyaté et d’autres qui y poursuivent leurs études, l’accusent de se fondre dans un régime colonial oppressif (notons en passant l’évolution qui fut celle de Lamine Guèye et de Léopold Senghor, ce qu’ils furent sur le plan politique originel et ce qu’ils devinrent).

Cette troisième période est celle de ses plus grandes contributions dans l’histoire récente du Sénégal. Son combat dans la bataille de l’arachide pour obtenir de la France la préférence de l’arachide sénégalaise contre celle du Coromandel, va devenir la base et la création de l’économie moderne du Sénégal pour les 30 années suivantes.

Seul député noir alors de toute l’Afrique occidentale, puisque le Sénégal est le seul des territoires de la fédération de l’AOF à avoir des autochtones qui sont citoyens ; il estime que sa position doit aider les autres Colonies françaises d’Afrique et il s’y emploie.

Il lutte pour obtenir de meilleures conditions en faveur des soldats africains de 1914-18 ; après la guerre, son bureau centralise dans son domaine, tout ce qui concerne les anciens combattants de l’AOF et de l’AEF et après 1919, ceux du Togo et du Cameroun, lorsque ces derniers territoires passent sous le contrôle de la France.

Les actions les plus importantes en faveur de l’Afrique ont été :
– Agir comme député non seulement pour le Sénégal, mais pour toute l’Afrique noire et essayer de protéger les intérêts de tous les Africains.
– Essayer d’étendre les institutions politiques du Sénégal à toute l’Afrique noire (un député par territoire), ce qui ne sera obtenu que sous la IVe République.

Le projet devait échouer devant la Chambre, mais l’idée sera reprise 20 ans plus tard par le général de Gaulle, l’Afrique sera alors non seulement dotée de parlementaires, mais aussi de conseillers municipaux, de conseillers généraux et d’Assemblées dans toutes les Colonies.

En tant que député français, Blaise Diagne a créé un précédent dont profiteront tous les Africains francophones qui seront plus tard élus députés, Galandou Diouf, Lamine Guèye, Léopold Senghor ; ayant acquis plus de maturité, ils resteront marqués par l’exemple de Blaise Diagne et l’ascendant qu’il exerçait à la Chambre des Députés.

La politique suivie par la France qui, entre 1945 et 1960, envoie de nombreux députés africains à Paris, est la conséquence directe du mouvement initié par Blaise Diagne.

Blaise Diagne Haut-Commissaire pour les Troupes Noires
Ce côté de son action suscite encore des controverses, à l’époque sa politique en ce qui concerne l’envoi de troupes noires en Europe durant la guerre devait l’opposer à Van Vollenhoven, le Gouverneur Général de l’A.O.F. Pour celui-ci, la guerre en Europe n’était pas l’affaire des Africains, il n’y avait donc pas lieu de recruter d’autres soldats.

Le Gouvernement venait de nommer Blaise Diagne, Haut Commissaire de la République, pour superviser et favoriser le recrutement de troupes noires à envoyer en renfort sur les divers fronts de lutte et entre autres, sur les théâtres d’opérations extérieurs : Turquie, Grèce, Levant.

Le gouvernement comptait sur son ascendant et son influence pour favoriser les choses, car certaines façons de procéder avaient entraîné des révoltes de régions entières, notamment au Soudan, en Haute-Volta, révoltes qu’il fallu réprimer et avaient de plus immobilisé des troupes qui auraient été plus utiles ailleurs.

Il y avait eu d’ailleurs des graves fautes de la part tant de l’Administration locale que des autorités militaires.

Pour Blaise Diagne, l’application des méthodes qu’il préconisait devait permettre le recrutement souhaité et davantage d’Africains répondraient à l’appel de la France, l’Histoire donnera raison à Blaise Diagne sur ce point. Mais beaucoup d’Africains sollicités se posaient des questions, notamment les « sujets » non originaires et non citoyens : Pourquoi se battre pour des libertés et des droits que le régime colonial ne nous donne même pas. On comprend pourquoi un Français se bat, pour sa Patrie, son toit et tous ses droits politiques ; mais pourquoi nous, qui ne sommes que des « sujets » ?

La réponse de Blaise Diagne : Dans ce cas c’est le patriotisme qui doit servir de guide. La France a beaucoup donné à l’Afrique et elle est en danger. Pour lui et d’autres Sénégalais, la France se devait en échange du sang versé, leur donner cette nationalité française, alors reconnue seulement à quelques- uns.

Quelques considérations sur l’œuvre de Blaise Diagne
À ses débuts au Sénégal, Blaise Diagne n’était qu’une figure politique purement locale ; à la fin de sa carrière, il occupait une position importante. Pour l’Afrique, l’Europe et le monde, il était alors l’homme noir le plus puissant de la décennie après 1920. Plusieurs choses devaient lui donner cette renommée internationale.

– Son succès pour le recrutement des troupes noires (Clémenceau lui avait donné la Légion d’honneur pour la réussite de sa mission mais il la refusa).
– Son importance dans la politique intérieure française, par la place qu’il tenait à la Chambre. Pendant cinq ans, il sera président de la Commission des Colonies, puis Secrétaire d’État aux Colonies en 1931.
– Sa contribution à l’organisation du 1er Congrès Panafricain de 1919, dont il devait assumer la présidence ainsi que celle du 2e Congrès en 1921 ; mais inquiet des positions extrêmes prises, ils s’en désintéressera après 1921 (ce qui entre en corrélation avec sa politique d’accords avec le Commerce Bordelais).

Il ne fut jamais un théoricien politique, le « diagnisme » politique et partisan n’exista pas, il n’a jamais voulu indiquer une ligne d’idéologie politique. Il s’intéressait aux questions du jour et son opinion se formait sur chacune en fonction de ses réflexions.

Blaise Diagne peut porter à son crédit l’assimilation politique obtenue par les Sénégalais (des communes) ; il avait engagé le combat pour l’extension des droits politiques au reste du pays, mais il n’avait pu résoudre le problème de l’assimilation culturelle ; avant tout, il était d’abord intéressé par l’égalité politique plutôt que par celui de l’assimilation qui avait été en réalité, le guide de sa vie. Il avait montré aux autres Africains le chemin qui 40 ans plus tard, les conduirait à l’égalité.

Quelques précisions sur le rôle parlementaire de Blaise Diagne
Dans l’administration des Douanes, il devait atteindre le grade de Contrôleur hors-cadre ; en sus de ses fonctions administratives, il sera amené en Guyane à faire partie de la Commission Municipale de Cayenne ; à Tamatave il fera fonction de juge au Tribunal criminel.

Il a épousé à Paris en 1909, une Européenne dont il aura trois enfants.

En sus de son mandat de député, il sera également – et jusqu’à sa mort – maire de Dakar. Si son élection en 1914 n’a lieu qu’au second tour, il sera par contre, aux élections suivantes, réélu chaque fois au premier tour.

À la Chambre, son premier soin sera de réclamer la création à Dakar de lycées, d’une École Normale, d’une École de Médecine, ce qui sera réalisé après la guerre. Il aura moins de succès pour la création de nouvelles communes de plein exercice qu’il réclame également.

Au Palais Bourbon, il est inscrit au groupe des Républicains socialistes qu’il quittera en 1918 pour celui des non-inscrits. Il sera membre des commissions du Commerce et de l’Industrie, des Pensions civiles et militaires, des Douanes.

La guerre venue, par le biais des obligations militaires, il va se battre pour faire obtenir des droits politiques aux Africains. En mai 1915, il dépose un projet de loi avec demande de discussion immédiate, tendant à soumettre aux obligations militaires les Sénégalais des communes de plein exercice (Saint-Louis, Gorée, Rufisque et Dakar dont les habitants sont citoyens français, électeurs et éligibles). Jusqu’alors les « originaires » des quatre- communes n’étaient pas soumis aux obligations militaires.

Son texte est adopté, il dépose alors une proposition de loi tendant à soumettre également aux obligations militaires, les descendants des originaires des Communes de plein exercice. À la suite des dispositions relatives aux obligations militaires des originaires, 7 000 d’entre eux seront mobilisés en 1916 et 6 000 partiront pour le front français où ils seront versés dans les régiments d’Infanterie et d’Artillerie coloniale. 1 200 originaires n’en reviendront pas « Morts pour la Patrie », leur sang mêlé à celui des Français de France.

Blaise Diagne va également déposer un projet de loi autorisant les Indigènes et les « sujets » français des Colonies à contracter des engagements volontaires dans les corps français des Armées métropolitaines et coloniales ainsi que dans l’Armée de mer. (1916). Il est rapporteur du projet de loi créant l’emploi d’adjudant indigène pour les militaires indigènes servant dans les unités de tirailleurs et de spahis (1916).

En 1917, il dépose un projet de loi tendant à créer une grande Commission permanente des Colonies et Protectorats (elle sera créée durant la législature suivante). Il interviendra également fréquemment dans les débats où il se montre particulièrement préoccupé du sort des militaires venus des Colonies et envoyés sur le front.

Le 27 novembre 1916, au début du troisième hiver de la guerre, il demande d’interpeller le gouvernement sur les conditions d’emploi en hiver des militaires d’origine coloniale dans les Armées en campagne, en France et en Orient. Satisfait des assurances reçues du ministre de la Guerre, il retire son interpellation : les troupes noires seront en effet retirées du front pendant la période d’hiver et dirigées vers des camps dans le midi de la France, entre autres à Fréjus et Rivesaltes. Pendant toute la durée de la guerre, il reste très attentif au sort des troupes noires qui trouvèrent en lui, aussi bien du point de vue matériel que moral, un défenseur convaincu et habile.

Le 16 janvier 1918, désigné par Clémenceau, il prend la tête d’une mission en Afrique pour le recrutement des soldats indigènes avec le titre de Commissaire de la République dans l’Ouest africain. Le gouvernement marquait ainsi sa volonté d’intensifier le recrutement en Afrique.

Hostile à cette poilitique soutenue par Blaise Diagne, le gouverneur général de l’A.O.F. Van Vollenhoven demande à être relevé de ses fonctions. Envoyé sur sa demande sur le front, il y sera tué à la tête de son bataillon.

Le 11 octobre 1918, Blaise Diagne est nommé par Clémenceau, Commissaire général chargé du contrôle des militaires français d’origine coloniale et des militaires et travailleurs indigènes dépendants du ministre des Colonies originaires d’Afrique.

Il va retrouver cette fonction entre 1920 et 1921 dans les Cabinets Millerand, Leygues et Briand, étant chargé jusqu’au 2 octobre 1921, de l’enquête sur le comportement des Troupes Noires en occupation dans la Ruhr.

Aux élections législatives générales de 1919, il est élu le 30 novembre sous l’étiquette de candidat Républicain socialiste indépendant avec 7444 voix contre 1252 à Carpot candidat Démocrate sur 8 867 votants. Il devient membre de la Commission de l’Algérie.

À son actif, un dépôt de projet de loi concernant les pensions attribuées aux originaires des Communes de plein exercice du Sénégal, et un autre modifiant certians articles du Code civil en faveur des pupilles de la Nation.

Chargé de rapporter divers projets de lois concernant les colonies, il prend part à de nombreux débats, notamment ceux ayant trait aux problèmes militaires. Ses interventions sont très remarquées, lors de la discussion d’une interpellation sur les injustices et les crimes commis aux Colonies au préjudice des indigènes.

Réélu le 11 mai 1924 par 6 133 voix contre 1 891 à Paul Deferre, avocat à Dakar (père de Gaston Deferre, maire de Marseille et homme politique socialiste) sur 8193 votants. Ils’inscrit au groupe Républicain Social et Socialiste et devient président de la Commission de l’Algérie, des Colonies et Protectorats et, pour finir, membre de la Commission de l’Armée.

Il dépose deux projets de loi, invitant le gouvernement à augmenter le nombre des médecins des Troupes Coloniales et d’adapter leur statut à leur lourde tâche.

Il prend part à plusieurs discussions ayant pour objet des problèmes militaires et coloniaux. Le 22 avril 1924, il est réélu par 5 175 voix contre 4 396 à Galandou Diouf, Indépendant (l’un de ses anciens lieutenants qui lui succèdera en 1934) sur 9 911 votants.

Il participe aux travaux de la Commission de l’Algérie, des Colonies et protectorats et à celle du suffrage universel.

Il intervient dans plusieurs débats sur des problèmes financiers intéressant les Colonies et fait partie de la délégation du gouvernement français à la Conférence du B.I.T. sur le travail forcé, à Genève en 1930.
Du 26 janvier 1931 au 19 février 1932, il est Sous-Secrétaire d’État aux Colonies au sein de trois Cabinets présidés par Pierre Laval, avec Paul Reynaud comme ministre des Colonies. C’est la première fois qu’un ressortissant d’Afrique noire accède à des fonctions ministérielles.

Il intervient dans la discussion du projet de loi portant fixation du budjet de l’exercice 1931-1932 et dans plusieurs projets de loi concernant le régime douanier colonial.

Toujours réélu au premier tour, le 1er mai 1932 par 7 250 voix contre 3 875 à Galandou Diouf sur 12 031 votes exprimés. Inscrit cette fois au Groupe des Indépendants, il devient membre des Commissions des Colonies et de la Marine marchande.

Il dépose un projet de loi portant révision des tarifs douaniers applicables sur les graines et fruits oléagineux (1932) et participe aux discussions de divers projets de loi sur le même objet (1933).
Il meurt au cours de ce dernier mandat à Cambo-les-Bains le 11 mai 1934, âgé de 62 ans.
Fernand Buisson, Président de la Chambre des Députés devait prononcer son éloge lors de la séance du 15 mai 1934 ; en voici un extrait :
« Il parlait notre langue avec un art que beaucoup ici même lui enviaient, il avait 42 ans quand en 1914, il devint l’élu de ses concitoyens du Sénégal, berceau disait-il de la France Africaine, son action s’est poursiuivie pendant 20 ans, malgré bien des difficultés, bien des obstacles, à travers la guerre, à travers la crise qui a durement frappé l’économie africaine.

Sa curiosité servie par une intelligence singulièrement vive, s’élargissait sans cesse. Tant de dons expliquent que Diagne ait été nommé Sous-Secrétaire d’État. Pour la première fois, un représentant indigène de nos possessions lointaines faisait partie du Gouvernement de ce pays. L’Histoire retiendra cet événement chargé de sens. »

Blaise Diagne et la franc-maçonnerie
On ne peut passer sous silence cet aspect de sa vie ; n’oublions pas qu’à cette époque, rares étaient les hommes politiques, ainsi que les fonctionnaires qui n’en faisaient pas partie.

Il sera initié le 21 septembre 1899 à la Loge l’Amitié du Grand Orient, à Saint-Denis de la Réunion : compagnon le 25 juin 1900 et maître le 27 février 1901.

En 1906, il fait partie de la Loge l’Indépendance Malgache du Grand Orient à Tamatave, puis en 1907, de France Australe à Tananarive.

En 1911, à Cayenne, il appartient à la Loge Guyane Républicaine, puis en 1922, c’est à Paris, à la Loge Pythagore Orient et Paris où il accède au grade de vénérable ; en 1926, il est membre du Conseil Philosophique de l’Etoile polaire.

Depuis le 27 septembre 1922, il est membre de l’Ordre du Grand Orient de France ; c’est le premier franc-maçon de couleur qui y accède.

Galandou Diouf, successeur de Blaise Diagne :
Blaise Diagne avait ouvert la voie : après lui et jusqu’en 1960, ce seront toujours des Africains noirs qui représenteront le Sénégal à la Chambre des Députés puis ensuite à l’Assemblée Nationale.

Galandou Diouf qui succèdera à Blaise Diagne, est né à Saint-Louis le 14 septembre 1875, il devait décéder à Cannes en 1941 ; cet ancien combattant de la guerre de 14-18 est – entre autres – mort du chagrin que lui avait causé la défaite de la France en 1940.

Sa profession : cultivateur. Il s’en vantera devant ses collègues de la Chambre en déclant : « Je ne suis qu’un paysan, un paysan noir« .

Lors de son élection, il était maire de Rufisque et le demeura ensuite ; s’étant présenté contre Blaise Diagne lors des législatives de 1928 et de 1932, on sait qu’il avait été battu.
Aux partielles de 1934, pour remplacer le député décédé, il obtint le 29 juillet 6 132 voix contre 4 543 à Lamine Guèye sur 10 804 électeurs.

Il sera réélu le 26 avril 1936 par 8 323 voix contre 5 280 à Lamine Guèye sur 13 839 au 1er tour de scrutin ; la plupart des électeurs européens avaient voté pour lui, notamment les anciens combattants. Inscrit au Groupe des Indépendants de gauche, il sera membre des Commissions de l’Algérie, des Colonies et Protectorats et de l’Intérieur.

Il interviendra dans les discussions sur la protection de l’arachide (1934), le budget des Colonies (1935), le projet de loi tendant à assurer la citoyenneté française pour tous les sujets français d’A.O.F. et d’A.E.F. titulaires à titre militaire de la Légion d’honneur, de la Médaille militaire ou de la Croix de guerre, ainsi qu’aux pensionnés de guerre (1936). Il rédige le rapport sur la proposition de loi tendant au relèvement de la femme indigène en A.O.F. et A.E.F. (1939)

En 1940, lors du vote sur le projet de loi constitutionnelle instaurant le régime deVichy, il se fait excuser et n’y prend pas part.

Maurice Maillat

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