Depuis près d’une trentaine d’années, la promotion et le développement de l’agriculture biologique, un mode de production qui permet de fournir des produits agricoles sains, parce que sans utilisation de produits chimiques de synthèse, mobilise des acteurs.
Au cours d’une foire des produits biologiques, tenue sur la promenade des Thiessois, Doudou Diop, président de la Fédération nationale pour l’agriculture biologique (Fenab), a fait un plaidoyer de ce mode de production auprès du public. Selon lui, les produits de l’agriculture biologique préservent les ressources naturelles, la biodiversité, l’environnement et la santé animale. Pour donner confiance aux consommateurs sur l’authenticité des produits biologiques mis sur le marché et assurer la traçabilité ; il soutient que la certification des produits biologiques est devenue une priorité. Cependant, face au coût jugé exorbitant de la certification à l’international, la Fenab a travaillé à une alternative. « Nous avons pu mettre en place un système participatif de garantie pour la certification des produits Bio Sénégal suite à un cahier de charges partagé par tous les acteurs allant du producteur en passant par le commerçant intermédiaire jusqu’au distributeur », a-t-il confié. Doudou Diop estime que la prise de conscience des dangers de l’utilisation grandissante des pesticides par les consommateurs, est un atout pour l’agriculture biologique. « Elle constitue une opportunité intéressante pour une filière biologique locale en sus de celle destinée à l’exportation », a-t-il dit.
Sur une période de trois ans, 500 producteurs des Niayes, répartis dans 12 organisations, s’adonnent à l’agriculture biologique en attendant une évaluation et une extension dans toutes les zones d’intervention de la Fenab. Le président Doudou Diop a déclaré que ce type d’agriculture constitue un moyen de lutte contre la pauvreté par l’amélioration des revenus des petits producteurs, en les aidant à vendre leurs produits de qualité à juste prix. « Avec le Spg, les producteurs peuvent davantage gagner la confiance du consommateur pour que ce dernier achète le produit biologique à juste prix », a-t-il indiqué.
Un projet de société
Avec ce mode de production, Ibrahima Seck, coordinateur de la Fédération nationale pour l’agriculture biologique (Fenab) rappelle qu’il permet la séquestration du carbone et s’ajoute à la lutte contre les changements climatiques. « C’est une agriculture qui dépasse la production agro-sylvo-pastorale et halieutique. Mieux, c’est un projet de société », a-t-il soutenu. En ce sens qu’elle charrie une part de notre identité culturelle, de notre spiritualité que nos ancêtres nous ont légués, a-t-il ajouté. Ce projet social qu’il défend, a pour objet l’épanouissement des populations sur les plans social, culturel, économique et politique.
Selon lui, ce mode d’agriculture privilégie d’abord une dimension familiale, ensuite communautaire et en fin nationale pour construire un mouvement autonome fort qui va porter l’agriculture biologique dans la politique agricole de l’État. « Pour les pourfendeurs de l’agriculture biologique écologique, ils posent le problème des faibles productions de cette forme d’agriculture par rapport à l’agriculture conventionnelle », a-t-il noté. Pour le coordinateur de la Fenab, c’est cette forme de production saine qu’il faudrait promouvoir. Il soutient que l’agriculture biologique et écologique peut bel et bien couvrir les besoins alimentaires du pays. Au-delà des quantités produites par parcelle, Ibrahima Seck affirme qu’il faut tenir compte du fait que l’agriculture biologique vise surtout à améliorer les conditions de vie des populations plutôt que la recherche effrénée de profit au détriment de la santé et d’un environnement sécurisé.
Des produits mieux conservés dans des conditions naturelles
Appuyés par l’Ong suisse Heks/Eper afin que les produits de ce type d’agriculture soient distingués, les producteurs estiment que les choses sont en bonne voie. Sur ce point, les responsables de la Fenab ajoutent qu’au-delà des qualités nutritives des produits biologiques, leur durée de conservation dans des conditions naturelles est sans commune mesure. Ayant choisi l’approche chaîne de valeur, les promoteurs de l’agriculture biologique ont fini de mobiliser tous les intervenants de la filière fruits et légumes tels les producteurs, les commerçants intermédiaires, détaillants, grossistes, restaurateurs et consommateurs pour défendre le mode de production du label « Bio Sénégal ». Une marque portée par un contrôle de qualité, une participation des consommateurs et des autres acteurs au processus de certification. « Cette politique va contribuer à mettre sur le marché des produits sains, de sauvegarder l’écosystème et de préserver les hommes et les animaux domestiques de la consommation involontaire de produits chimiques ; source de beaucoup de maladies », a-t-il soutenu. D’où l’utilité de la tenue de la foire biologique qui est à sa quatrième édition.
Relever le défi de la vente
Face à la grande offensive des grandes sociétés internationales de distribution qui se positionnent sur le marché sénégalais, Djibril Thiam, directeur exécutif d’Agribio Service alerte. « 60 à 70 % des maladies sont d’origine alimentaire allant du système de production, des conditions du transport et de vente des produits », fait-il remarquer. Selon lui, avant que ce phénomène devienne une question de santé publique, les populations doivent être sensibilisées sur le consommer local bio. « C’est tout le sens qu’il faut donner au lancement du label Nat-Bi pour marquer la participation de tout en chacun de sa conception et à sa vulgarisation auprès du public de consommateurs», a affirmé Djibril Thiam.
Pour gagner ce pari, il prône l’approche axée sur la demande en regroupant les opportunités de ventes, d’achat de semences ou d’intrants biologiques mais aussi de disposer de nombreux points d’accès pour le public aux produits agro-alimentaires biologiques de qualité à des prix équitables, justes. « En restant sur cet ancrage local où la traçabilité des produits estampillés Nat-Bi est assuré, cela va nous aider à limiter les risques de crise alimentaire », a-t-il renchéri.
Poursuivant ses explications sur le label Nat-Bi, Djibril Thiam indique que l’objectif est de pousser chaque acteur à contribuer, en fonction de ses possibilités, comme le colibri, cet oiseau bio-marqueur dont la particularité est de toujours chercher à être utile à la nature. Dans cette quête de soutien au commerce équitable des produits agricoles au Sénégal, des stratégies comme la vente à domicile, la démultiplication des boutiques, véritables liens sociologiques au Sénégal, sont prévues. Présentement, le profit des petits producteurs dont 45 à 60 % de la valeur ajoutée de leurs produits agricoles sont captés par les intermédiaires, demeure encore faible. « Dans ce combat économique contre les chaînes de distribution étrangères, outre la solidarité pour une préférence locale, une structuration pertinente des prix par rapport au pouvoir d’achat des ménages sénégalais doit être intégrée », a-t-il indiqué. Car, les spécialistes indiquent que, si la chaîne de valeurs des produits biologiques est maîtrisée, le producteur pourra capter 10 % des bénéfices par filière, tout en étant compétitif sur le marché intérieur.
Outre le label « Bio Sénégal » qui garantit les produits dans la zone des Niayes où évolue la Fédération nationale pour l’agriculture biologique (Fenab), le label « Nat-Bi » porté par Agribio Service organise des producteurs à Thiès,
Diourbel, Kaffrine, Kolda. « Par cette labellisation communautaire à moindre coût, les produits agricoles, forestiers non ligneux, avicoles et de l’élevage des petits ruminants et bovins, la mise à échelle de l’agro-écologie et de l’agriculture biologique au Sénégal est bien lancée », a soutenu Samba Bâ, président du conseil d’administration de l’Ong Agrécol Afrique. Pour lui, par ce système de production naturelle garantie, il s’agit de veiller sur sa santé à partir de son alimentation.
source : Le Soleil