En début de semaine, l’Allemagne recensait 6 012 cas confirmés, dont 13 morts. La France comptabilisait dans le même temps 6 633 contaminations avérées pour 148 morts.
L’Allemagne a-t-elle trouvé la solution miracle face à l’épidémie de coronavirus Covid-19 ? Ces dernières semaines, vous avez été très nombreux à nous interroger dans le direct de franceinfo sur le faible taux de mortalité allemand, en comparaison à celui des autres pays touchés par le virus.
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Lundi 16 mars, l’Allemagne recensait ainsi 6 012 cas confirmés, dont 13 morts (soit un taux de mortalité 0,2%), selon l’Institut Robert Koch, l’établissement allemand responsable du contrôle et de la lutte contre les maladies au niveau fédéral. La France comptabilisait dans le même temps 6 633 cas confirmés, dont 148 morts (soit un taux de mortalité de 2,2%), selon Santé publique France. Et l’Italie indiquait de son côté avoir comptabilisé 27 980 cas pour 2 158 morts (soit 7,7% de mortalité).
A quoi est dû le miracle allemand ? « J’aimerais pouvoir répondre à cette question, je me la pose depuis le début de l’épidémie », assure Thomas Schulz, médecin à l’institut de virologie de Hanovre (Allemagne), interrogé par franceinfo. « La question est posée très régulièrement aux médecins de l’Institut Robert Koch. Ils disent systématiquement qu’en grande partie, c’est un peu un mystère », confirme Laurent Desbonnets, le correspondant de France Télévisions en Allemagne. A défaut d’une réponse certaine, voici néanmoins quatre pistes avancées par les experts.
L’Allemagne a fait beaucoup de tests très tôt
« Depuis le début [de l’épidémie], nous avons systématiquement demandé à nos médecins de tester les gens », indiquait le docteur Lothar H. Wieler, président de l’Institut Robert Koch, lors de la conférence de presse quotidienne de l’organisation le 11 mars, cité par Euronews. Le pays dispose en effet d’une capacité de dépistage massive évaluée « par les autorités allemandes à 12 000 tests par jour » grâce à un « maillage territorial important de laboratoires », souligne Laurent Desbonnets. Des « drive » ont même été mis en place dans le pays, comme en Corée du Sud ou aux Etats-Unis, afin de tester rapidement de très nombreuses personnes, relève le New York Post.
Contrairement à la France, qui face à la hausse du nombre de cas suspects, a dû progressivement réserver les tests aux patients présentant des symptômes avancés, il est pour l’instant toujours possible d’être testé en Allemagne sur demande de son médecin généraliste, explique Thomas Schulz. Il faut pour cela avoir des symptômes après avoir été en contact avec un cas confirmé, avoir des symptômes et revenir d’une zone à risques ou d’une zone dans laquelle des cas positifs ont été détectés sans être classée zone à risques ou bien être atteint d’une pneumonie sans que l’on puisse l’expliquer, précise le site de l’Institut Robert Koch.
Cette large batterie de tests a permis aux autorités sanitaires allemandes de « bien examiner les débuts de l’épidémie », afin d’en limiter la propagation, selon Lothar H. Wieler. Comme en France, les malades détectés ne présentant pas de symptômes graves sont systématiquement placés en confinement chez eux pour une durée de 14 jours.
La mortalité dans les autres pays est surévaluée
Seconde explication, qui découle de la première : « Comme l’Allemagne teste davantage de personnes, y compris certaines qui ne sont pas tant malades, cela nous donne une meilleure compréhension du taux de mortalité », avance Thomas Schulz.
Au contraire, la France ne dispose que d’une capacité de 2 500 tests par jour, a indiqué à franceinfo la Direction générale de la santé, mardi 17 mars. Et seuls 70 laboratoires sont en capacité de traiter ces tests, a-t-elle précisé à 20 Minutes. Les autorités sanitaires ont donc progressivement réservé les tests aux patients présentant des symptômes avancés.
Résultat : la France recense seulement les cas graves, dont les morts, elle ne comptabilise pas le nombre exact de personnes infectées, bien plus élevé. L’écart entre les cas réellement infectés et les cas recensés est donc beaucoup plus important en France qu’en Allemagne. Ce qui augmente mathématiquement le taux de mortalité français, calculé en ramenant le nombre de décès au nombre total de cas recensés.
L’Allemagne a plus de places en soins intensifs
Autre explication possible : l’Allemagne est l’un des pays d’Europe les mieux dotés en nombre de lits hospitaliers, particulièrement en soins intensifs. Le pays disposait ainsi en 2017 de 601,5 lits en soins intensifs pour 100 000 habitants, soit beaucoup plus que la France (309 lits pour 100 000 habitants) et l’Italie (262,5 lits pour 100 000 habitants), selon des données d’Eurostat.
Mais il n’est pas certain que cette explication ait pesé dans les premières semaines de l’épidémie. Les hôpitaux français ont en effet mobilisé de nombreux lits d’autres services pour faire face à la hausse des cas. A la Pitié Salpêtrière, le service d’infectiologie et de réanimation est ainsi passé de « 7 lits dédiés » à « 56 lits », plus « 15 lits » à un étage différent, rapporte Europe 1. De sorte que, jusqu’à présent, les hôpitaux français ne sont pas arrivés à saturation, même s’ils s’y préparent, note Le Monde. Exception faite du Haut-Rhin, où les capacités de réanimation sont déjà « saturées », et du Bas-Rhin, où elles sont « très largement occupées », a affirmé mardi 16 mars la préfète du Grand Est, Josiane Chevalier, sur France Inter.
L’épidémie outre-Rhin est moins avancée
« Il est probable que dans les prochains jours, l’Allemagne connaisse une vague de nouveaux cas et que le taux de mortalité grimpe », met néanmoins en garde Thomas Schulz, qui estime que le pays à « deux semaines de retard sur l’Italie », contre huit jours en France. Or, l’évolution du nombre de morts est exponentielle au fur et à mesure de la progression de l’épidémie. « Si vous imaginez l’épidémie comme une courbe (…) certains pays sont tout simplement plus avancés » dans la progression de l’épidémie, estimait également le 11 mars dernier Lothar H. Wieler, le président de l’Institut Robert Koch.
Pour tenter de prévenir un scénario à l’italienne, l’Allemagne a elle aussi mis en place ces derniers jours des mesures drastiques : la population est appelée à « rester à la maison » et à renoncer aux vacances dans le pays et à l’étranger. Les frontières avec cinq pays – dont la France – ont également été fermées, tout comme les écoles. Mais malgré ces précautions, rien ne garantit donc que l’Allemagne conserve son taux de mortalité très bas, surtout compte tenu de sa population, l‘une des plus âgées d’Europe.