Analyse
À 47 ans, Zhao Lijian, nouveau porte-parole du ministère chinois des affaires étrangères, incarne une nouvelle génération de diplomates chinois 2.0, très actif sur les réseaux sociaux. Loin de la discrétion d’antan, ces jeunes diplomates rivalisent de nationalisme et d’agressivité, au risque de décrédibiliser la parole officielle chinoise.
- Dorian Malovic,
- le 01/04/2020
« Cela pourrait être l’armée américaine qui a amené cette épidémie à Wuhan. Soyez transparents ! Rendez vos données publiques ! Les États-Unis nous doivent une explication ! » a tweeté le 13 mars dernier Zhao Lijian, 47 ans, tout juste nommé au poste de porte-parole du ministère chinois des affaires étrangères à Pékin.
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Lijian Zhao s’appuie sur le fait que se sont tenu à Wuhan (épicentre de l’épidémie de Covid-19), à la fin du mois d’octobre 2019, les Jeux mondiaux militaires, auxquels une délégation américaine avait pris part. Ce qui n’a pas manqué de nourrir des théories sur l’importation de l’épidémie en Chine.
La diplomatie chinoise se révèle aujourd’hui très agressive et provocatrice
Autant dire que ce tweet accusateur n’est pas passé inaperçu dans la blogosphère. En pleine pandémie du coronavirus, qui a fait, à ce jour, près de 40 000 morts dans le monde, la parole chinoise se révèle plus agressive que jamais. Jusqu’à ces dernières années plutôt discrète, la diplomatie héritière du premier ministre chinois des affaires étrangères Zhou Enlai – qui prônait un « profil bas pendant que nous renforçons notre puissance » – se révèle aujourd’hui provocatrice à l’égard des pays la critiquant.
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En poste au Pakistan avant de revenir à Pékin, Zhao Lijian s’était déjà fait remarquer l’été dernier lors d’une joute homérique entre lui et Susan Rice, conseillère à la sécurité nationale de l’ancien président Obama. Ils s’accusaient mutuellement « d’ignorant » et de « honte ». Des termes très peu diplomatiques, encouragés par le leader Xi Jinping lui-même. Dans un mémo écrit de sa main adressé à tous ses diplomates, il leur a demandé de faire preuve de « combativité » dans la guerre économique et diplomatique à laquelle se livrent les États-Unis et la Chine.
Les « nouveaux faucons » chinois réorientent la diplomatie chinoise
« C’est la première fois depuis 1949 que les «nouveaux faucons» ont le pouvoir de réorienter la politique diplomatique chinoise », a expliqué à l’agence Reuters Qin Xiaoying, ancien directeur du Département international de la propagande du Parti communiste chinois, aujourd’hui chercheur à la China Foundation de Pékin. Face aux multiples critiques internationales sur la répression chinoise au Tibet, au Xinjiang ou à Hong Kong, la diplomatie chinoise est sur le pied de guerre pour « protéger avec détermination » la souveraineté nationale et la sécurité. « Nous n’attaquerons pas sauf si nous sommes attaqués », a réagi un officiel des affaires étrangères, reprenant un vieux slogan de Mao, « mais si nous sommes attaqués, il ne fait aucun doute que nous contre-attaquerons ».
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Une telle rhétorique guerrière répond de toute évidence à la « diplomatie des tweets » de Donald Trump qui ne se prive pas d’accuser la Chine de tous les maux depuis des mois. En parlant sans cesse du « virus chinois » dans ses discours ou ses tweets, le président américain ne fait que nourrir la colère chinoise en pleine épidémie de coronavirus. Pékin utilise du coup tous les stratagèmes possibles pour faire oublier les origines de la pandémie et met à contribution son large réseau diplomatique dans le monde pour se défendre. Ainsi plusieurs dizaines de diplomates chinois ont eu ordre d’ouvrir un compte Twitter ou Facebook (bien que ces réseaux soient totalement interdits en Chine) et parmi les ambassadeurs chinois déjà virulents en Afrique du Sud, au Pérou, à Londres en Suède et en France, Zhao Lijian fait figure de « faucon numéro un ».
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« Ces diplomates n’affrontent pas le monde en termes très diplomatiques mais ils visent à satisfaire l’opinion publique chinoise, souligne encore Qin Xiaoying. Ce n’est pas de la diplomatie. C’est très dangereux ». De fait, il n’est pas certain que cette nouvelle stratégie soit très productive aux yeux de l’opinion publique internationale. D’ailleurs Zhao Lijian n’est plus actif sur son compte Twitter depuis plusieurs jours et on ne le voit plus au briefing quotidien du ministère des affaires étrangères.