Le nouveau coronavirus est en train de se répandre comme une trainée de poudre aux États-Unis. Les projections du nombre de morts liés à la crise sont effrayantes. Donald Trump a-t-il trop tardé à agir ?
Les États-Unis subissent actuellement de plein fouet la pandémie du nouveau coronavirus. Selon les derniers chiffres disponibles ce 2 avril, 216 722 personnes sont désormais contaminées, et 5 116 ont perdu la vie dont 884 en 24h. Mais l’avenir est encore plus inquiétant. Selon des projections établies par la Maison Blanche et confirmées par le docteur Deborah Birx, le Covid-19 risque de causer entre 100 00 et 240 000 dans le pays si les mesures de distanciation sociales sont respectées. Un chiffre qui pourrait être multiplié par 10 si rien n’est fait pour endiguer l’épidémie.
Le docteur Birx confirme la projection de la @WhiteHouse. Entre 100.000 et 240.000 morts aux . Si le pays suit les consignes de distanciation sociale. + s’il ne les suit pas…
Plusieurs raisons peuvent expliquer que le pays ait à payer un si lourd tribu, à commencer par sa structure. Les États-Unis comptent 327 millions d’habitants, et “la population se concentre dans les grandes villes, qui sont des foyers de diffusion”, décrit Elisa Chelle, professeure de sciences politiques à l’université Paris Nanterre et auteure Comprendre la politique de santé aux États-Unis, “avoir beaucoup de grandes villes est un vecteur d’accélération de la propagation”.
Le problème d’abord minimisé
Autre problème, “les décisions politiques ont un peu tardé”, poursuit la spécialiste, “cette temporalité a conduit à une situation explosive, comme en Italie et, dans une moindre mesure, en France”. Donald Trump, comme de nombreux autres chefs d’État, a mis du temps à réagir.
“Il a très vite minimisé le problème”, rappelle de son côté Jean-Éric Branaa, maître de conférences à l’université Paris 2 et auteur de Rien ne sera plus comme avant – L’Amérique au temps du coronavirus, qui sortira le 10 avril aux éditions VA.
Mais il faut dire que l’actualité était, au début de l’année, très importante de l’autre côté de l’Atlantique. “Le procès en destitution du président, la préparation de la prochaine présidentielle avec les Primaires démocrates, la paix avec les Talibans…”, énumère le spécialiste. Sans oublier que Donald Trump, contrairement à d’autres homologues, “n’était pas armé pour se rendre compte de la gravité de la situation : c’est quelqu’un qui ne fait pas confiance à la science ni à son entourage”. S’il a pris du temps à l’allumage, il est loin d’être le seul. “Le retard a, par exemple, été bien plus grand au Royaume-Uni”, poursuit Jean-Éric Branaa.
Un discours à la traine
Donald Trump a finalement pris conscience de la situation mi-mars, surtout lorsque son électorat a commencé à mettre en doute sa parole et à craindre vraiment le nouveau coronavirus. S’il n’a d’abord pas modifié son discours, il est en revanche passé à l’action en fermant les frontières, en mettant en place des points presse réguliers, en nommant Mike Pence à la tête d’une Task Force dédiée à la lutte contre le coronavirus, en déclarant l’état d’urgence et en débloquant un plan d’aide de plus de 2 000 milliards de dollars, du jamais-vu.
Ce n’est qu’à la toute fin du mois de mars que Donald Trump a abandonné l’idée d’un retour à la normale à Pâques, pour parler des “semaines difficiles” qui attendaient son pays.
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Les États-Unis ont dépassé les 100 000 cas officiellement déclarés, vendredi.
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L’étape qu’il ne veut pas franchir
Mais il reste une étape que le président républicain n’a pas franchie, et qui est pourtant “attendue par la population” : utiliser les pouvoirs fédéraux pour instaurer un confinement nationale. D’ordinaire, “les questions sanitaires dépendent des États”, nous précise Jean-Éric Branaa. Mais dans les cas exceptionnels – attentat, catastrophe naturelle ou pandémie – le gouvernement reprend la main.
Or, pour l’instant, Donald Trump refuse de le faire. La charge revient donc aux gouverneurs, dont ce n’est pas la mission initiale. De quoi créer des tensions, notamment avec les leaders des États les plus peuplés – et les plus touchés par la maladie – que sont New York, Washington, le Michigan et la Californie. “Il se trouve qu’en plus, ces quatre gouverneurs sont démocrates, mais il ne s’agit pas là d’une question de parti politique. Ils se retournent simplement contre le président en lui rappelant que c’est son travail”, décrit le maître de conférences.
Les gouverneurs se sont donc retrouvé à devoir prendre eux-mêmes des mesures “privatives de libertés, dans un pays qui met cette notion tout en haut de sa Constitution”, rappelle-t-il. Elles ont, pour autant, été bien accueillies par les habitants “parce qu’ils ont peur”, mais le refus d’agir de Donald Trump à l’échelle fédérale est “vraiment la principale carence”, estime le spécialiste.
Seule une série de recommandations a été diffusées le 31 mai par la Maison Blanche, pour “ralentir” l’épidémie.
Si Donald Trump est pour l’instant frileux à l’idée d’un confinement nationale, c’est tout simplement parce qu’il “applique un programme conservateur”, dont l’idée est que l’intervention du gouvernement soit “la plus limitée possible”, analyse Jean-Éric Branaa. Malgré ses réticences, au vu des chiffres de contamination et de morts annoncé, il risque de pas avoir le choix dans les prochains jours.