C’est rare. Du jamais vu. Pour la première fois, Abdoulaye Sylla monte au front. Excédé par les attaques de toutes sortes, très souvent en dessous de la ceinture, l’homme d’affaires prospère qui a toujours fait le dos rond et laissé les gens médire sur son compte, a décidé de faire face. La goutte d’eau de trop ? : sa villa démolie par la Dscos la semaine dernière. A travers ses avocats, il compte mettre fin à la «campagne de diabolisation» dont il fait l’objet. Mes Demba Ciré Bathily, El Hadji Diouf, Assane Dioma Ndiaye, Baboucar Cissé, Alé Fall et Seny Ndione entendent non seulement se mettre en travers de la route de ses détracteurs, mais aussi mener la bataille judiciaire, pour faire respecter ses droits.
Ce qui a amené le ministre de l’Urbanisme à intervenir auprès de son collègue des Forces armées, pour qu’il instruise la Dscos de procéder à la destruction. Et les avocats de déplorer que les faits aient été relatés à l’opinion comme «une humiliation» de sa personne par la destruction de sa résidence. Mes Demba Ciré Bathily (coordonnateur du pool d’avocats) et Cie sont d’autant plus remontés que « les faits de défiance envers l’autorité rapportés sont inexacts ».
Et surtout que, insistent-ils, la Dscos a agi alors que le contentieux qui oppose leur mandant au syndic de la copropriété, est en instance d’être jugé contradictoirement et dans la plus grande sérénité par le Tribunal de grande instance de Mbour. « De tels faits sont d’une gravité extrême et ont lourdement préjudicié aux droits fondamentaux d’un citoyen qui a toujours accepté de se soumettre aux institutions et aux lois et règlements de son pays », soutient le pool d’avocats, qui entend « user de toutes les voies de droit appropriées afin que justice soit rétablie et que de tels actes ne se reproduisent plus au détriment des citoyens ».
Me El Hadji Diouf : «Abdoulaye Sylla est un patriote qui se bat pour le développement de son pays. On ne lui a jamais offert un seul mètre carré…»
Déjà, Me El Hadji Diouf a donné le ton. « Comment on peut dire à quelqu’un qui a sa maison, en titre foncier, qu’il n’a pas le droit de la refaire de manière à ce qu’elle soit plus belle ? Le syndic qui est à la Mangrove à Saly lui a dit qu’il n’a pas le droit de refaire ce qu’il a acheté, l’attrayant au tribunal », fustige-t-il. Non sans déplorer qu’après cela, ses détracteurs ont poussé le bouchon jusqu’à vouloir « le mettre en mal avec l’opinion, en soutenant qu’il fait du forcing, parce qu’il est proche du Président Macky Sall et de sa femme ».
Une présentation des faits qui, insiste Me Elhadj Diouf, est inexacte. «Ce n’est pas vrai ! Abdoulaye Sylla est un honnête citoyen, un patriote qui se bat chaque jour pour le développement de son pays. On ne lui a jamais offert un seul mètre carré dans le pays. Tout ce qu’il a, il l’a payé de sa propre poche. Tous les marchés qu’il a gagnés, il n’y a aucun gré à gré. C’est après appel d’offres qu’il soumissionne et gagne haut la main les marchés devant la concurrence. C’est pour ça qu’on le combat», explique Me Diouf. Qui avertit : « ces détracteurs nous trouveront sur leur chemin ».
Me Demba Ciré Bathily : «La destruction s’est faite en violation de la loi»
Me Demba Ciré Bathily abonde dans le même sens. « Notre mandant est un opérateur économique. On ne lui a rien offert. Ces marchés, ils les gagne en toute transparence, après des appels d’offres concurrentiels », soutient-il. Tout en trouvant « curieux, que la démolition soit entamée le 12 mai, alors que la sommation a été faite à leur client seulement la veille, 11 mai ». Et de regretter qu’on ait « voulu en faire une affaire d’Etat ».
Soulignant que « la destruction s’est faite en violation de la loi », Me Bathily trouve que si on reproche à leur client, une « construction sans autorisation », il ne peut s’agir normalement que de « contravention » et que le dossier doit aller au tribunal, mais en aucune manière la Dscos n’a le droit de démolir la maison dans ces conditions. Brandissant la loi, il indique que «la combinaison» des articles 85 alinéa 4 du Code de l’urbanisme et R378 permet de cerner les situations dans lesquelles la Dscos peut procéder à des destructions en dehors d’une décision du Tribunal.
Il s’agit, note-il : d’abord de « constructions édifiées sur un terrain occupé sans droit ni titre quelle que soit son importance ». Dans le cas d’Abdoulaye Sylla, « il s’agit d’un titre foncier ». La Dscos peut démolir aussi les « constructions entreprises sans autorisation si les travaux ne dépassent pas le niveau de mur de clôture ou si le bâtiment ne dépasse pas une hauteur de 2 mètres ». Et Me Bathily de souligner que « ce n’est également pas le cas (de son client) puisque les constructions dépassent le mur de clôture et dépassent également la hauteur de deux mètres ». Mais il trouve qu’il y a « plus grave », car dans le cas, « il ne s’agit même pas d’une construction à proprement parler mais d’une modification sur des constructions existantes ».
«La Dscos s’est rendue coupable de voies de fait, de violation de domicile, de destruction de biens appartenant à autrui et d’abus d’autorité…»
Fort de tout cela, Me Bathily affirme qu’en dehors de ces cas, qui ne concernent pas son client, « une destruction ne peut être effectuée que dans le cadre prévue à l’article 85 alinéa 3, c’est-à-dire sur une décision rendue par le Tribunal ». Dès lors, il soutient que la Dscos a procédé à la destruction des constructions édifiées sur la villa de Abdoulaye Sylla « en violation de la loi » et « s’est donc rendue coupable de voies de fait, de violation de domicile, de destruction de biens appartenant à autrui et d’abus d’autorité, sous réserve des autres infractions qui pourront être articulés…».
Pour lui, la Dscos pouvait tout au plus, en conformité avec l’article R376, ordonner l’arrêt des travaux à charge de saisir le Tribunal. Décidés à faire respecter les droits de leur mandant, Me Bathily et ses confrères, après avoir établi « le caractère illégal des opérations effectuées par la gendarmerie », entend déposer une plainte visant les infractions commises et dirigées contre toutes les personnes de près ou de loin, mêlées à cette démolition.
En dehors de la Dscos, les avocats d’Abdoulaye Sylla dénoncent « le caractère erroné des prétentions du syndic ». En effet, pour eux, « les propriétaires ont la libre disposition des parties privatives (internes) de leur propriété ».
Me Seyni Ndione : «Il est reproché à Monsieur Sylla d’avoir construit un mur de clôture et réalisé des baies vitrées sur la terrasse, d’avoir construit un abri pour voiture et des toilettes extérieures…»
Faisant la genèse de l’affaire, Me Seyni Ndione rappelle que c’est par acte notarié des 25 janvier et 7 février 2019, que la Sci Yallis Immo représentée par M. Sylla, a acheté à Mohamed Moctar Chleuh, le lot n°01 au prix de 300 millions F Cfa. Le 19 décembre 2018, note-t-il, le syndic signifie à la Sci Yallis Immo, un acte de dénonciation-sommation d’avoir à cesser les travaux de réaménagement. Il est reproché à Monsieur Sylla d’avoir construit un mur de clôture et réalisé des baies vitrées sur la terrasse, d’avoir construit un abri pour voiture et des toilettes extérieures. Aussi, par l’acte de dénonciation-sommation, il est demandé à Abdoulaye Sylla de se conformer à l’architecture initiale de la villa, en démolissant les adjonctions réalisées notamment, citées plus haut.
Abdoulaye Sylla a porté plainte depuis le 19 mars 2019 contre le chef de la Dscos
Le 14 mars 2019, la Dscos remet à Baba Mbow, garde du corps de M. Sylla, une sommation d’arrêt des travaux motivée par le défaut de présentation de documents administratifs. Le lendemain 15 mars 2019 vers 12 heures, les agents de la Dscos ont interrompu les travaux, enlevé la grande partie des matériaux et arrêté des ouvriers trouvés dans la villa.
Le 19 mars 2019, Abdoulaye Sylla dépose auprès du Procureur près le Tribunal de Grande instance de Mbour, une plainte contre le lieutenant-colonel Saboury Ndiaye, chef de la Dscos de la Brigade de Mbour, l’adjudant Abibou Ndiaye du même service et contre toute autre personne indiquée par l’enquête, pour violation de domicile, voies de fait, abus d’autorité et saisie et enlèvement illégal de matériaux de construction.
Depuis lors, note Me Seyni Ndione, la procédure pénale est encore en cours. D’ailleurs, révèle-t-il, M Sylla a déjà été entendu par le commandant de la Brigade territoriale de Saly Portudal, à qui l’enquête a été confiée.
Mbaye THIANDOUM, Les Echos
« Libération » révèle que la Dscos a effectuée, hier, une descente musclée au «Village mangrove» de Saly. Objectif : raser les constructions et modifications irrégulières sur l’architecture initiale de la villa. En effet, il ressort du document que l’intéressé a, d’une part, augmenté la superficie de la villa avec des aménagements non autorisés et, d’autre part, construit deux étages supplémentaires qualifiés de « sévères troubles au voisinage ».
Le verdict de Karim Fofana est sans appel : «toutes ces modifications violent les dispositions combinées du décret numéro 2009-1450 du 30 décembre 2009 portant partie réglementaire du Code de l’urbanisme et de l’article 11 du règlement de copropriété de la résidence qui dispose qu’ «aucun propriétaire ne peut édifier sur les parties privatives, des constructions qui affectent les parties communes ou la destination de la résidence telle que prévue dans le règlement de copropriété sauf autorisation expresse du syndic, ni établir un objet sur un lot qui serait un obstacle au droit de vue d’un copropriétaire. Malgré les sommations du syndic et du chef de service départemental, monsieur Sylla poursuit ses travaux au mépris de toutes les normes urbanistiques ».
« Pis, cette situation illégale est la cause du désordre noté dans la zone où certains voisins de celui-ci, estimant être victimes d’une rupture d’égalité de traitement, veulent entreprendre des travaux en méconnaissance des injonctions du service départemental de l’Urbanisme », poursuit Karim Fofana à l’attention de son collègue. « Au regard de ce qui précède, je vous saurais gré des dispositions qu’il vous plaira de faire prendre pour que la Direction de la surveillance et du contrôle de l’occupation du sol (Dscos) puisse procéder à la démolition de toutes les constructions édifiées sur le site en violation de la réglementation », assène-t-il.
« Libération » révèle que la Dscos, qui a débarqué avec tout un escadron de la gendarmerie, venu en renfort, avait convoqué le patron d’Ecotra qui n’a pas déféré à leur convocation. La descente de la Dscos n’est pas inaperçue puisqu’il y avait, sur place, un important dispositif prêt à faire face surtout que, dans une lettre adressée le 5 mai à sa tutelle, son patron écrivait, comme le révélait « L’As », que « la situation pourrait dégénérer à tout moment », indexant des nervis qu’aurait recruté Abdoulaye Sylla.
Pour en arriver là, il faut signaler que le ministre de l’Urbanisme en personne est monté au créneau afin de mettre son collègue des Forces armées devant ses responsabilités. Déjà que le Président Macky Sall avait été outré qu’on recueille son avis sur cette affaire, alors que des constructions irrégulières étaient démolies tous les jours. « Pourquoi demander mon autorisation pour faire respecter la loi, si quelqu’un est dans l’illégalité ? », avait-il lancé dans tous ses états, après avoir pris connaissance du dossier.
En effet, par courrier en date du 6 mai 2020, dont « Libération » a pris connaissance, le ministre de l’Urbanisme, du Logement et de l’Hygiène publique, n’avait pas mâché ses mots en s’adressant à Me Sidiki Kaba.« Il m’a été donné de constater dans le rapport que le chef du service départemental de l’Urbanisme de Mbour m’a transmis, que monsieur Abdoulaye Sylla, propriétaire de la villa numéro 1 dans la résidence dénommée «Village Mangrove », à Saly Portudal, a entrepris des travaux de construction et de modification irrégulières sur l’architecture initiale de la villa. En effet, il ressort du document que l’intéressé a, d’une part, augmenté la superficie de la villa avec des aménagements non autorisés et, d’autre part, construit deux étages supplémentaires, qualifiés de sévères troubles au voisinage »