Covid-19 : Bill Gates au coeur des théories du complot

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Bill GATES reste l'homme le plus riche
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Covid-19 : Bill Gates au coeur des théories du complot
Depuis le début de la pandémie, le fondateur de Microsoft est accusé de tous les maux. Et notamment d’être à l’origine du virus. Retour sur les principales accusations visant le milliardaire.
Question posée par Villeger le 18/05/2020
Bonjour,
Vous nous avez demandés si les vaccins développés par Bill Gates sont dangereux pour la santé. En cause, plusieurs articles qui circulent sur les réseaux sociaux depuis quelques semaines, accusant le milliardaire américain de tous les maux. CheckNews en profite pour faire le point sur les différentes (et nombreuses) théories du complot circulant à propos du fondateur de Microsoft.
La plupart d’entre elles sont résumées dans ce post accusant Bill Gates de «crimes contre l’humanité», cumulant plusieurs milliers de partages. Il renvoie vers un article plus long, étayant chacune des accusations en quelques lignes. Si certaines des affirmations s’appuient sur une part de vérité, l’interprétation qui en est faite (Bill Gates est responsable de l’épidémie de Covid-19) est fausse. Certaines ont été partagées dans le monde entier, notamment par la conservatrice trumpiste Candace Owens, ou l’antivaccins Robert Kennedy Jr. Regardons chaque affirmation une par une.
1/ «Bill Gates a financé et planifié la pandémie de Covid-19 dans un événement appelé EVENT201»
La fondation Gates a bien participé à l’organisation d’un événement en octobre 2019 à New York avec le Centre Johns Hopkins pour la sécurité sanitaire et le forum économique mondial. L’objectif : «Illustrer les domaines dans lesquels les partenariats publics/privés seront nécessaires pendant la réponse à une pandémie très grave, afin de diminuer les conséquences économiques et sociétales.»
Au début de l’épidémie, le centre Johns Hopkins a publié un communiqué démentant que cet événement ait un lien direct avec le Covid-19 : «Le centre pour la sécurité sanitaire n’a pas fait de prédiction pendant cet exercice. Le scénario se basait sur une pandémie fictive de coronavirus, mais ce n’était pas une prédiction. […] Les données que nous avons utilisées pour modéliser l’impact potentiel de ce virus fictif ne sont pas similaires à celles du nCoV-2019.» Pour rappel, le coronavirus est le nom générique d’une famille de virus à couronnes. «Les coronavirus forment une famille comptant un grand nombre de virus», explique l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), «qui peuvent provoquer des maladies très diverses chez l’homme, allant du rhume banal au Sras, et qui causent également un certain nombre de maladies chez l’animal».
2/«Bill Gates a financé le développement du virus Covid-19»
Pour étayer cet argument, le texte accompagnant la publication Facebook indique que «Bill Gates est un des principaux actionnaires et fondateurs de l’Institut Pirbright (UK) qui possède les brevets sur le virus». Ce «brevet» du virus alimente plusieurs théories conspirationnistes depuis le début de l’épidémie.
Si l’Institut Pirbright a bien déposé un brevet sur un coronavirus en 2015, celui-ci ne concernait pas le Covid-19 mais visait à chercher un remède contre la grippe aviaire, une autre forme de coronavirus. Déposer un brevet sur un virus ne signifie pas l’avoir créé. L’Inserm explique ainsi : «En recherche, la personne découvrant un virus, une molécule ou un gisement archéologique par exemple, est désignée comme son « inventeur ». La découverte elle est désignée comme « l’invention ». […] Les personnes désignées comme « inventeurs » du Sras-CoV1 responsable du Sras, sont les personnes qui l’ont découvert et décrit et non pas les personnes qui l’ont créé.» Citant le directeur scientifique de l’Institut-Pasteur Olivier Schwartz, CheckNews expliquait ainsi dans un article consacré à un autre brevet déposé sur un coronavirus (par l’Institut-Pasteur) : «On n’invente pas un virus. Et des brevets comme celui-ci, il y en a des centaines voire des milliers chaque année.»
Là encore, l’Institut Pirbright s’est expliqué en janvier : «L’Insitut Pirbright conduit des recherches sur le virus de la bronchite infectieuse, un coronavirus qui infecte la volaille. […] Il ne travaille pas actuellement avec des coronavirus humains.»
3/ «Bill Gates a institué la corruption et la prise de contrôle des agences de santé et leurs administrateurs»
Parmi ses œuvres philanthropiques, le milliardaire a effectué des donations à l’OMS, à l’Unicef et plusieurs institutions de développement de la santé. Est-ce à dire qu’il a institutionnalisé «la corruption» de ces agences ? On arrive au cœur de ce que reprochent les conspirationnistes à Bill Gates. Ce dernier est un fervent défenseur des vaccins depuis des années, et s’est opposé à Donald Trump à plusieurs reprises. Il a d’ailleurs vertement critiqué la décision du président américain d’arrêter de financer l’OMS. Comme l’explique le New York Times dans un article publié à ce sujet : «Gates est le dernier individu en date – avec le Dr Anthony Fauci, l’expert américain des maladies infectieuses – à être pris au piège par une vague de commentateurs de droite qui a dénigré tous ceux qui s’opposent à Trump sur le virus.» S’appuyant sur une étude de l’entreprise d’analyse des médias Zignal Labs, le quotidien américain affirme que «la désinformation à propos de Gates est le mensonge le plus répandu sur le coronavirus. On compte plus de 16 000 publications sur Facebook sur Gates et le virus cette année, qui ont été « likées » près de 900 000 fois. Sur Youtube, les 10 vidéos les plus populaires sur Gates en mars et avril ont été vues près de cinq millions de fois». Ce qui fait de lui, selon un professeur d’éthique numérique cité par le quotidien, «un épouvantail abstrait».
A partir de là, les accusations contre Bill Gates ne portent pas directement sur le coronavirus, mais s’appuient sur les nombreux dons de sa fondation pour financer des recherches sur les vaccins pour l’accuser d’avoir effectué des expériences controversées sur certaines populations. La plupart de ces affirmations circulent depuis des années et sont largement reprises par les antivaccins.
4/ «Bill Gates a provoqué le génocide, la paralysie et le handicap de milliers d’enfants»
De nombreuses publications reprennent cette affirmation des «antivaccins». Parmi leurs arguments, le financement par Bill Gates d’un vaccin sur la malaria développé par GSK «qui a tué 151 enfants africains et causé des paralysies, des spasmes et des convulsions sur des milliers d’autres», un autre sur la méningite en Afrique en 2002 et un dernier en Inde qui aurait «paralysé 490 00  enfants».
Le premier vaccin est une référence à un vaccin candidat pour combattre la malaria, qui a été testé en phase 3 dans sept pays africains de mars 2009 à janvier 2011, financé par une bourse de la fondation Bill et Melinda Gates. Les résultats de l’étude ont été publiés dans cet article. On y lit que 15 460 enfants ont été inclus dans l’étude. 151 enfants sont morts au cours de l’étude. Mais, en regardant les résultats détaillés dans ces tableaux (pages 53-55), on s’aperçoit que leurs décès ne sont pas forcément liés au vaccin. Une dizaine d’enfants est par exemple morte des suites du VIH, une dizaine de malnutrition et d’autres en se noyant. Quant aux accusations de paralysie et de convulsions, l’étude note que tous les enfants qui ont eu des convulsions (environ 500, et non des milliers) en ont guéri, et il n’est pas fait mention de paralysie. Dans le détail, 17 enfants sur plus de 15 000 ont connu au moins un événement indésirable grave qui pouvait être lié à l’étude sur le vaccin.
Le second vaccin est accusé d’avoir paralysé une cinquantaine d’enfants depuis une dizaine d’années. Si l’information est ressortie récemment à la faveur du coronavirus, elle a en fait été publiée pour la première fois sur un blog antivaccins en 2013. L’auteure s’appuie sur une coupure de presse d’un journal local affirmant qu’en 2002, au Tchad, 50 enfants d’une sous-préfecture ont été paralysés après une campagne de vaccination contre la méningite menée sur 500 enfants. Le vaccin a été développé grâce à une bourse de la fondation Gates. Dans l’article d’origine, les médecins ne font pas le lien entre cette paralysie et les effets secondaires du vaccin habituellement constatés. On ne retrouve cette information sur 50 enfants paralysés dans aucune étude. Depuis, le vaccin a été développé à grande échelle. Selon une étude publiée dans le Lancet, les cas de méningite ont diminué de 94 % en 2012 dans les régions où il a été testé. Selon l’Institut-Pasteur, ce vaccin a été administré à des millions de personnes.
Enfin, le troisième vaccin fait lui aussi l’objet d’une campagne de désinformation depuis le début de l’épidémie. Nos confrères américains de Politifact se sont penchés sur la question : l’affirmation vient de l’antivaccin Robert Kennedy Jr., mais aucune étude n’étaye ces données sur la soi-disant paralysie de 490 000 enfants. Surtout, l’OMS se félicitait en 2019 que, grâce aux campagnes de vaccinations, la région d’Asie du Sud-Est ait éradiqué la polio depuis plusieurs années.
5/ «Bill Gates a stérilisé des millions de femmes et de jeunes filles non-consentantes en Inde et en Afrique»
Deux exemples étayent ces affirmations dans la publication qui accompagne le post Facebook. Une campagne de vaccination contre le papillomavirus menée sur 23 000 jeunes filles en Inde, et qui aurait causé la mort de sept d’entre elles et la «stérilisation chimique» de femmes au Kenya. Campagnes, là encore, menées grâce à des financements de Bill Gates.
Dans d’autres publications, cette première affirmation est parfois complétée par une accusation selon laquelle Bill Gates serait poursuivi en Inde pour ces faits. C’est faux. Comme le montre un fact-check de Reuters, la fondation Gates n’est pas poursuivie pour ces faits. Une plainte a été déposée mais elle ne vise pas la fondation Gates. Une étude contre le papillomavirus (responsable du cancer du col de l’utérus) menée sur 23 000 jeunes filles indiennes a bien été interrompue en 2010 par les autorités indiennes, celles-ci ont ensuite affirmé après enquête que la mort de sept jeunes filles n’était pas liée au vaccin. L’une d’entre elle s’est noyée, une de la malaria autre est morte d’une piqure de serpents et deux autres se sont suicidées en ingérant des pesticides, comme l’explique cet article de Science. La mort des deux dernières est moins certaines, mais les autorités ont jugé «improbables» que cela soit lié au vaccin. L’étude n’a pas été jugée illégale, mais un comité parlementaire indien a relevé plusieurs irrégularités. Des conclusions contestées par les auteurs de l’étude.
La seconde rumeur, sur la stérilisation forcée de femmes au Kenya, circule depuis plusieurs années. Elle a déjà été vérifiée par Snopes en 2014, Africa Check en 2016 et 2019. Le site de fact-checking africain affirmait alors : «Cette affirmation sur la stérilisation a plus de vingt ans et a été démentie à plusieurs reprises par l’OMS et d’autres institutions.» La rumeur s’appuie sur des problèmes de méthodes utilisés pour vérifier si le vaccin était efficace, mais aucun élément ne prouve que ces vaccins ont en fait stérilisé des femmes. L’OMS a en effet certifié que les vaccins accusés de stériliser des femmes kényanes étaient sûrs.
6/ «Bill Gates a utilisé des humains au lieu d’animaux comme cobayes»
«Bill Gates a financé une expérience à l’Université Johns-Hopkins qui visait à infecter des centaines de Guatémaltèques avec des maladies sexuellement transmissibles (MST) dans un but de tester des médicaments et des vaccins», détaille la publication. Ce qui est impossible. De 1946 à 1948, une étude américaine a été menée au Guatemala, notamment pour tester l’efficacité de la pénicilline sur la syphillis et d’autres infections sexuellement transmissibles. Des centaines de Guatémaltèques se sont vus injecter de force des maladies, pour tester ensuite l’efficacité de la molécule. Le scandale a été révélé en 2010. En 2015, le Guardian rapportait qu’une plainte était déposée contre l’école de médecine Johns Hopkins de Baltimore (ainsi que la fondation Rockfeller) pour avoir eu «une influence substantielle» sur la commission du programme de recherche, puisqu’elle était majoritaire dans les jurys approuvant les financements fédéraux. «Johns Hopkins n’est pas à l’initiative de cette étude, ne l’a pas financée, pas dirigée», avait rétorqué l’université.
Bill Gates, né en 1955, ne peut de toute façon pas être responsable pour cette étude.
7/ Bill Gates a financé et modifié génétiquement nos aliments avec des OGM
Bill Gates est en effet un fervent défenseur des OGM, qu’il voit comme un moyen de mettre fin à la malnutrition. Ses positions sur le sujet lui sont reprochées, comme on peut le voir dans cet article. Mais cela n’a rien à voir avec le coronavirus.
8/ «Abus des droits humains par l’utilisation des technologies de surveillance»
Ses détracteurs reprochent au milliardaire de vouloir «pucer» la population. En France, cette théorie a notamment été relayée par Juliette Binoche. En réalité, cela fait référence à l’invention de nanoparticules injectables sous la peau, invisibles à l’œil nu et fluorescentes. Selon Le Monde, cette technologie pourrait «un jour servir à confirmer que la personne a bien été vaccinée». Ce qui éviterait les problèmes de carnets de vaccinations inexistants ou perdus.
Le chercheur à l’origine de cette technologie a expliqué au site américain Factcheck.org qu’il n’y «a aucune possibilité de tracer les mouvements de quelqu’un. Cette technologie est seulement capable de fournir des données très limitées de façon locale. Ces marques exigent d’être lues à une distance de moins de 30 cm».
La Fondation Gates a aussi confirmé au site américain que cette recherche n’a aucun lien avec le coronavirus.
Cordialement,

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