Lycée débaptisé à Thionville: «Rosa Parks n’appartient pas à l’histoire de France»

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La statue de Rosa Parks au musée national des droits civiques de Memphis. Wikimedia Commons CC

FIGAROVOX/ENTRETIEN – À Thionville, sur proposition des élèves et avec l’assentiment du Conseil régional (LR) du Grand Est, le lycée Colbert – Sophie Germain sera débaptisé pour prendre le nom de Rosa Parks. L’essayiste Paul-François Paoli regrette de voir ainsi effacée une figure française au profit d’une personnalité étrangère dont la lutte, pour respectable qu’elle soit, est très éloignée de notre histoire.

Paul-François Paoli est journaliste et essayiste. Il a récemment publié Aux sources du malaise identitaire français, valeurs, identité et instinct de collaboration (chez l’Artilleur).


FIGAROVOX.- Le lycée Colbert Sophie-Germain de Thionville sera débaptisé pour prendre le nom de l’activiste afro-américaine Rosa Parks. Quelle réaction cela vous inspire-t-il?

Paul-François PAOLI.- Ce n’est pas tant le fait de choisir un nom étranger qui est choquant dans cette affaire que de débaptiser une institution dont le nom, en l’occurrence celui de Colbert, est connu et respecté de l’ensemble de la classe politique, excepté une minorité d’activistes qui ont pris ce nom pour cible depuis des années à cause du fameux «Code Noir» édicté sous son gouvernement. D’une manière générale cette tendance à débaptiser est unilatérale idéologiquement, c’est pourquoi il faut être très circonspect dans cette affaire. Imagine-t-on demain débaptiser les rues Lénine qui existent dans certaines banlieues parce que celui-ci a créé en 1918 les premiers goulags en URSS? Imagine-t-on débaptiser les rues Maurice Thorez, déserteur de l’armée française en 1939 et qui fut déchu de sa nationalité pour trahison? Ou les rues Jacques Duclos, grand dirigeant du PCF dont Frédéric Charpier a montré dans un biographie récente (Jacques Duclos, chez Tallandier) qu’il a été toute sa vie un agent soviétique? Que diraient nos amis mélenchonistes et quelques autres? Débaptiser relève généralement de l’opération idéologique. Cela blesse des gens inutilement. Je ne suis pas opposé par principe au fait d’attribuer le nom de Rosa Parks à une rue ou à une institution mais pourquoi le faire aux dépens d’un personnage marquant de notre histoire? La ficelle idéologique est trop grosse pour passer inaperçue.

Connue pour le théorème d’arithmétique qui porte son nom, Sophie Germain n’était pourtant pas un personnage clivant. Doit-on y voir de la démagogie de la part des élus locaux?

C’est surtout complètement déplacé tout simplement parce que Rosa Parks n’appartient pas à notre passé collectif. La question de la ségrégation raciale ne s’est jamais posée en France. Elle concerne exclusivement l’histoire des États-Unis. Ceux qui exportent en France cette question, comme on vient de le voir avec l’affaire Traoré, prennent une très lourde responsabilité. Le PCF mélenchoniste qui essaie de survivre parce que les ouvriers français l’ont quitté vient de diffuser une grande fresque qui représente George Floyd et Adama Traoré comme si ces deux histoires avaient un lien.

Aux USA les Afro-Américains sont américains et souvent patriotes.

Or la question afro-américaine n’a rien à voir avec la question des minorités dites noires en France. Aux USA les Afro-Américains sont américains et souvent patriotes. Le problème est strictement racial ou ethnique. En France beaucoup de Franco-Africains ont la double nationalité. Ils peuvent être en porte-à-faux par rapport à la France qu’ils stigmatisent comme ancienne puissance coloniale alors même qu’ils réclament l’égalité des droits. Nous devons avoir le courage de remettre en cause la double nationalité et l’acquisition automatique de la nationalité par le droit du sol qui permet à des gens, une fois devenus «Français» de faire le procès de ce pays comme si nous étions leurs débiteurs.

Renommer les lycées constitue une étape supplémentaire dans l’effacement de la mémoire?

Ce qu’il y a de terrifiant dans cette histoire est le fait que les accusés et les victimes sont d’avance assignés à un rôle prédéterminé par les médias. Dans le monde manichéen des anti-racistes, la victime idéale est toujours noire ou d’origine africaine. Manque de chance, dans l’affaire Traoré certains des policiers qui ont interpellé la victime étaient Antillais. Et chacun peut constater que la police de rue en France est multiraciale. En réalité les anti-racistes ne sont jamais en mesure de prouver le racisme car le racisme est une notion rarement saisissable objectivement.

Ce qui définit un peuple ou une communauté c’est d’abord le sentiment de familiarité qu’il entretient avec son pays, ce ne sont pas des valeurs.

Une personne peut manifester des affects racistes sans l’être vraiment et inversement une personne qui a des tendances «racistes» et qui n’en a pas à l’aune d’une idéologie aussi élastique et protéiforme que l’antiracisme, peut très bien cacher ou maquiller une forme d’aversion pour telle communauté prise dans son ensemble. Pour débattre du racisme il faut d’abord en définir la notion. Le racisme est l’affirmation d’une suprématie naturelle et originelle d’un groupe humain que l’on définit par sa «race». Or en France cette vision suprémaciste qui a longtemps existé dans le monde anglo-saxon ne s’est jamais imposée. Le peuple français est pour l’essentiel issu d’un métissage d’européens, il n’a jamais été une «race». En exportant en France la lutte des races les anti-racistes trahissent donc leur propre culture. Ce qu’il y a d’étonnant chez beaucoup d’entre eux est ce cocktail d’ignorance et de bons sentiments humanitaires. Rien n’est plus dangereux en politique que les sentiments dont l’enfer; comme chacun sait, est pavé. Nietzsche écrivait à juste titre: «Les semi ignares sont les plus dangereux». Les idéologues de la culpabilité historique incriminent depuis des années l’histoire de ce pays comme s’il existait une histoire innocente. Ils ne se rendent même pas compte qu’ils sont les clones d’une vision ahistorique et américaine du monde avec ses gentils et ses méchants, ses bons et ses mauvais. Quant à Mélenchon qui flatte ces mouvements il est dans une contradiction intenable. Alors même qu’il se veut le héros de l’Universalisme républicain il soutient des mouvements identitaires qui le subvertissent! Il est temps d’entamer une réflexion sérieuse sur cette question de l’Universalisme républicain. Un peuple selon moi existe indépendamment de ses valeurs ou n’existe pas. Un peuple n’est pas un parti ou une association c’est un groupe humain qui n’est pas définissable à partir d’une idée mais relève d’une anthropologie et d’une histoire ainsi que d’une géographie. Il faut déshistoriciser et désidéologiser cette question de l’identité. Ce qui définit un peuple ou une communauté c’est d’abord le sentiment de familiarité qu’il entretient avec son pays, ce ne sont pas des valeurs. En France entre 1940 et 1944 les Français ont tout été: pétainistes, gaullistes, résistantialistes ou collabos et pour beaucoup indifférents et neutres, ils n’en ont pas moins continué d’être Français. Personne ne demande aux Italiens, aux Japonais ou aux Russes quelles sont leurs valeurs; il n’ y a qu’aux Français qu’on demande cela. Le fait est que beaucoup de gens issus de nos anciennes colonies n’ont pas de familiarité avec ce pays. Leur relation est tissée d’ambivalence et d’hostilité.

Sommes-nous ingrats à l’égard des personnages de notre histoire? Et l’Éducation nationale a-t-elle failli quelque part?

La haine de soi est un des symptômes les plus flagrants du déclin de l’Occident. Et dans le cadre de cette haine de soi toute «victime» dès lors qu’elle est d’origine africaine devient emblématique. La France a cessé d’être chrétienne comme l’a écrit l’historien Guillaume Cuchet mais elle ne cesse pas d’être coupable. La notion de Pêché personnel a disparu mais nous sommes tous les héritiers d’une culpabilité historique! Et les victimes imaginaires de cette faute collective sont les nouveaux héros. Un délinquant comme Adama Traoré devient un héros dans la vision du monde déviante des néomoralistes.

Les pédago-démagogues de l’Éducation nationale portent la responsabilité d’avoir alimenté le culte délétère de la victime.

Dans Avec les Kurdes ce que les avoir abandonnés dit de nous, Patrice Franceschi écrit que: «Dans les temps stoïciens on plaignait les victimes mais on ne les admirait pas. De nos jours la victime, être passif, a globalement remplacé le héros, être actif. Si les combattantes kurdes n’ont jamais trouvé de véritables soutiens auprès des organisations féministes européennes, c’est qu’elles ont refusé d’endosser l’habit de victime…» Voilà qui en dit long sur ce que nous sommes devenus! Quant aux pédago-démagogues qui ont sévi des années durant dans l’Éducation nationale, ils portent la responsabilité d’avoir alimenté le culte délétère de la victime. Entre les deux guerres l’école française enseignait aux élèves Africains que leurs ancêtres étaient les Gaulois. C’est dire si le roman national n’était pas raciste mais naïf et à certains égards absurdes! La vulgarisation des thèses de Bourdieu a joué un rôle essentiel. Les «dominants» et les «dominés» ont remplacé les profs et les élèves. À partir des années 80 l’idéologie de la culpabilité historique a pris le pouvoir. L’assimilation républicaine, fondée implicitement sur le devoir de ressemblance, a laissé la place au droit à la dissemblance. Ce discours fut porté par SOS Racisme et François Mitterand: «Tous égaux, tous différents» comme le clamera la publicité. Et aujourd’hui les enseignants sont parmi les premières victimes de la violence et de l’incivilité dans certaines banlieues. Qui veut enseigner dans les Quartiers Nord de Marseille? Ou en Seine St Denis? À certains égards la faillite éducative française n’est que l’expression emblématique de la faillite nationale.

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