Le Covid-19 a érodé la santé mentale, physique et financière de nombreuses Africaines

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Beaucoup d’entre elles sont davantage fragilisées à cause des répercussions du Covid-19.

Des femmes vendant de la banane braisée au bord de la route, à Abidjan (Côte d\'Ivoire), le 13 août 2019. 
Des femmes vendant de la banane braisée au bord de la route, à Abidjan (Côte d’Ivoire), le 13 août 2019.  (MAHMUT SERDAR ALAKUS / ANADOLU AGENCY)

Les conditions de vie des Africaines ont empiré avec le Covid-19 et son lot de conséquences. Si les décès sont plus fréquents chez les hommes, ce sont bien les femmes et les jeunes filles qui pâtissent le plus des mesures d’urgence prises par les Etats pour faire reculer la maladie. « Les femmes sont touchées de manière disproportionnée par les confinements », déclarait le 18 juin 2020 le Dr Matshidiso Moeti, directrice régionale de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) pour l’Afrique. A l’instar de l’épidémie à virus Ebola, leur santé, leur bien-être et leurs moyens de subsistance ont été largement affectés par la pandémie.

Patientes et soignantes

Selon l’OMS, dans la région Afrique, « les femmes représentent environ 40% des cas de Covid-19 ». Un chiffre qui « varie de 35% dans certains pays, à plus de 55% en Afrique du Sud ». Outre la maladie en elle-même, « l’accès aux services de santé sexuelle et reproductive » a été perturbé. Ainsi, au Zimbabwe, « le nombre de césariennes pratiquées a diminué de 42% entre janvier et avril 2020, par rapport à la même période en 2019 ».

De même, au Burundi, « les naissances avec des accoucheuses qualifiées sont passées de 30 826 en avril 2019 à 4 749 en avril 2020 », soit près de sept fois moins en l’espace d’une année. La multiplication des grossesses précoces est aussi source de préoccupation. « Les jeunes filles sont déscolarisées et deviennent des produits pour leur famille. Nous devons également nous inquiéter des grossesses précoces chez nos filles« a affirmé Vera Songwe, la secrétaire exécutive de la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA) lors d’une rencontre réunissant des ministres africains en charge des questions de genre et de la condition féminine à la mi-mai 2020, rapporte Afrique Renouveau.

La responsable onusienne a d’ailleurs cosigné une lettre ouverte qui appelle à placer « les femmes et leur leadership au cœur de la riposte » à la crise provoquée par le Covid-19. L’appel est également porté par Graça Machel, à la tête de la Graça Machel Trust, et Ngozi Okonjo-Iweala, l’actuelle présidente du conseil d’administration de Gavi, l’Alliance du vaccin.

La maladie pèse aussi sur les femmes qui se trouvent aux premières loges pour soigner les personnes infectées. En Afrique, la plupart des travailleurs de la santé sont des femmes, indique l’OMS. « 70% des infirmiers en Afrique sont des femmes », notait Vera Songwe, la secrétaire exécutive de la CEADes femmes qui, faute d’équipements adéquats, sont particulièrement exposées au Sars-Cov-2. Leurs organisations professionnelles ont organisé des grèves pour réclamer l’amélioration de leurs conditions de travail dans le cadre de cette pandémie.

Déscolarisation, stress et violences domestiques

Du stress au travail, mais aussi dans leur foyer. Selon une étude publiée mi-juin par l’ONG Oxfam, « 26% des femmes interrogées (dans le cadre d’une enquête internationale) dans les quartiers informels de Nairobi (au Kenya) ont déclaré qu’elles étaient physiquement mal en point, qu’elles n’avaient pas pu se reposer suffisamment ou qu’elles se sentaient stressées et anxieuses en raison de responsabilités accrues en matière de soins. »

A cela s’ajoutent, pour certaines, les violences domestiques, la maison étant l’endroit où les femmes ont le plus de probabilité de se faire tuer. Une Africaine risque ainsi trois fois plus qu’une Asiatique, deux fois plus qu’une Américaine et quatre fois plus qu’une Européenne d’être tuée par son partenaire intime ou un membre de sa famillle, selon l’édition 2019 du rapport annuel sur les homicides publié par l’Office des Nations unies contre les drogues et le crime (ONUDC).

L’Afrique du Sud est le pays qui enregistre l’un des plus forts taux de féminicides sur le continent. Le président sud-africain Cyril Ramaphosa a déclaré mi-juin, alors qu’il annonçait l’assouplissement des mesures de confinement, que son pays connaissait deux pandémies : celle du Covid-19 et celle des  » meurtres de femmes et d’enfants par les hommes de (son) pays ». La lutte contre les féminicides est désormais une priorité nationale.

Pour participer à la sensibilisation à ce phénomène encore tabou sur le continent africain, l’actrice nigériane Dorcas Shola Fapson avait réalisé en juin 2019 un court métrage en adaptant le célébre poème de Paulette Kelly sur les violences conjugales, I Got Flowers Today (1992). Son film est la funeste chronique du quotidien d’une femme violentée par son compagnon.

Au temps du Covid-19, les violences à l’encontre des femmes africaines se sont multipliées, au moment où beaucoup d’entre elles sont devenues plus dépendantes financièrement de leurs conjoints. Soit parce que trop occupées par le travail domestique pour avoir une activité rémunérée – c’est le cas de 42% de femmes des quartiers informels de Nairobi d’après Oxfam –, soit parce que les mesures de confinement les empêchaient d’exercer leur activité professionnelle.

Privées de ressources financières

D’après la Banque mondiale, les femmes constituent plus de 90% de la main d’œuvre du secteur informel en Afrique subsaharienne. Un secteur mis à mal par le Covid-19. De plus, elles représentent « 58% de la population des travailleurs indépendants du continent« . En outre, « les entreprises appartenant à des femmes sont particulièrement vulnérables aux chocs, car elles relèvent de manière disproportionnée du secteur informel et elles opèrent dans des secteurs moins rentables ».

« Même si les femmes d’Afrique orientale, centrale et occidentale sont principalement employées dans le secteur agricole, les vulnérabilités associées à leur emploi font d’elles les travailleurs pauvres », précise également Ahunna Eziakonwa, la directrice du bureau régional du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) pour l’Afrique, dans une tribune publiée dans Afrique RenouveauPlus largement, « cette pandémie frappe durement des secteurs où la majorité des femmes sont employées », indiquait Phumzile Mlambo-Ngcuka, directrice exécutive d’ONU Femmes, lors de la rencontre des ministres africains en charge du genre, en insistant sur le fait que les gouvernements et leurs partenaires devaient mettre en place des mécanismes de soutien.

Sa consœur du PNUD, Ahunna Eziakonwa, donne ainsi quelques recommandations en la matière. « Pour les femmes qui travaillent dans le secteur formel, généralement en Afrique du Nord et en Afrique australe, l’aide nécessite une attention particulière à la protection des emplois dans l’industrie manufacturière, le tourisme, l’hébergement et l’hôtellerie, préconise-t-elle. Pour aider les femmes à se remettre sur pied, il faut à la fois protéger les emplois et accroître les capacités d’adaptation », recommande-t-elle.

L’un des « cinq piliers » de la stratégie qu’elle suggère passe par une reconnaissance du secteur informel car, selon elle, la pandémie « a démontré que nous ne pouvons pas continuer à (le) traiter comme s’il n’existait pas ». La technologie a aussi un grand rôle à jouer dans l’autonomisation des Africaines.

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