Le président américain a « une grande variété dans les manières de faire campagne, il peut continuer à animer l’opinion à distance », assure Elisa Chelle, professeure de science politique à l’université de Paris-Nanterre.
Ce que beaucoup redoutaient au sein de l’équipe du président américain a fini par se produire : Donald Trump, qui a longtemps minimisé la dangerosité du coronavirus, a annoncé dans la nuit de jeudi à vendredi 2 octobre avoir contracté le Covid-19. « Ce soir, la Première dame et moi-même avons été testés positifs au Covid-19 », a tweeté le milliardaire républicain, âgé de 74 ans.
Il a précisé que Melania Trump et lui entamaient « immédiatement » leur « quarantaine ». Donald Trump se retrouve ainsi contraint de suspendre sa campagne, alors même qu’il était déjà en difficulté face au démocrate Joe Biden. Quels scénarios s’offrent désormais au président américain ? Que se passera-t-il si la maladie évolue vers une forme grave ? Pourra-t-il continuer à faire campagne ? Et même à gouverner ? Franceinfo a passé en revue les différents scénarios possibles, à un mois de l’élection présidentielle.
1Sa maladie est bénigne
C’est l’option qui apparaît la plus probable à l’heure actuelle. Son médecin a indiqué que le président devrait pouvoir continuer à exercer ses fonctions normalement : il est donc prévu qu’il reste à la Maison Blanche pendant sa « convalescence ». « Le président et la Première dame vont tous les deux bien à cette heure », a précisé le médecin Sean Conley dans un bref courrier rendu public par l’exécutif américain.
« On sait que Donald Trump a été dépisté parce qu’il est cas contact. Il n’a donc pas été hospitalisé pour problèmes respiratoires, à la suite de quoi on aurait découvert son infection. Il peut donc tout à fait avoir une forme asymptomatique », explique à franceinfo Elisa Chelle, professeur de science politique à l’université Paris-Nanterre et autrice de Comprendre la politique de santé aux États-Unis.
Ses meetings de campagne sont toutefois suspendus. Peu après le tweet du président annonçant le résultat de son test, la Maison Blanche a ainsi annoncé l’annulation d’un déplacement en Floride prévu vendredi. Les apparitions de Donald Trump lors des rassemblements dans le Wisconsin samedi et en Arizona lundi semblent également annulés, indique le New York Times (article en anglais). Quant au prochain débat avec Joe Biden, prévu pour le 15 octobre à Miami (Floride), il est pour l’instant en suspens. « Vous pouvez compter sur le fait que le président continuera à exercer ses fonctions sans interruption pendant sa convalescence, et je vous tiendrai informés de toute évolution future », a assuré son médecin.
ll a énormément de ‘followers’ sur Twitter et sur les réseaux sociaux. Ses clips télévisés continuent à tourner en boucle. Il y a une grande variété dans les manières de faire campagne, surtout en cette période. Il peut continuer à animer l’opinion à distance.à franceinfo
Dans une note de recherches (en anglais) publiée début juillet et relayée par CNBC, John Hudak, du centre de recherche américain Brookings, a décrit certains des scénarios imaginés pour « protéger le président, l’intégrité de la fonction et la continuité du gouvernement » en cas de test positif au Covid-19. Il explique que le fait qu’il soit positif ne justifierait pas une action d’urgence. Au contraire, Donald Trump « serait probablement en mesure de poursuivre ses activités quotidiennes et de gérer le bureau sans être dérangé ou avec des difficultés mineures ».
Donald Trump n’a en tout cas pas infecté Joe Biden au moment de leur débat commun, mardi 29 septembre : le candidat démocrate de 77 ans a effectué un test qui s’est avéré négatif, a indiqué son médecin vendredi.
2L’état de santé de Donald Trump s’aggrave
C’est une autre possibilité à prendre au sérieux. Le Premier ministre britannique, Boris Johnson, s’est ainsi retrouvé en hospitalisé en soins intensifs, début avril. « L’exemple de la Grande-Bretagne montre que, même dans un pays doté d’un système politique bien organisé, la maladie soudaine d’un dirigeant peut être profondément perturbante. Lorsque Boris Johnson a contracté le virus en mars, le gouvernement s’est retrouvé à la dérive pendant plusieurs jours alors que Johnson continuait à lutter contre la pandémie dans le pays, via des appels de Zoom depuis sa chambre en isolement dans sa résidence de Downing Street », rappelle le New York Times (article en anglais).
Bien que Donald Trump ait accès aux meilleurs médecins, son âge, 74 ans, et son obésité (bien que modérée) le placent dans des catégories des personnes ayant des risques de contracter des symptômes graves de Covid-19. « Il court un risque beaucoup plus élevé de mourir s’il développe une mauvaise pneumonie », explique le docteur Barry Dixon, médecin de soins intensifs à l’hôpital St Vincent de Melbourne (Australie) dans le Guardian (article en anglais). Il faudra selon lui attendre la deuxième semaine de la maladie pour en savoir plus sur l’évolution de l’état du président américain. « Nous avons tendance à voir des gens avec des symptômes très légers pendant la première semaine, c’est typique, et pendant la deuxième semaine, les gens développent généralement une pneumonie ou non », explique ainsi Barry Dixon. « Sa détérioration peut alors être rapide, c’est ce que nous avons vu avec Boris Johnson », ajoute le médecin.
Les réactions des patients varient considérablement, mais les traitements en cas de détresse respiratoire comprennent l’utilisation d’un respirateur. « Un patient sous respirateur ne peut pas s’exprimer en raison de l’insertion du tube par les cordes vocales et on lui administre un certain niveau de sédation, allant d’une sédation minimale à une sédation profonde », explique John Hudak dans sa note. « Pendant cette période, les capacités cognitives du patient sont affectées a minima voire complètement absentes. Des thérapies de sédation plus intensives, y compris la paralysie induite par les médicaments, peuvent être utilisées », ajoute le chercheur.
Donald Trump serait alors en incapacité de gouverner et il reviendrait à son vice-président – en l’occurrence Mike Pence – d’assurer son intérim. C’est ce qui est prévu par le 25e amendement de la Constitution américaine, ratifié en 1967. Donald Trump devrait alors mettre par écrit cette délégation de pouvoir dans une lettre adressée au président du Sénat et au speaker de la Chambre des représentants. Cette situation s’est déjà produite pour Ronald Reagan, qui a invoqué cet amendement pendant huit heures en 1985, lors d’une procédure médicale et en 2002 et 2007, lorsque George W. Bush a eu recours à des anesthésies pour des coloscopies.
Lorsque le 25e amendement est invoqué, le vice-président devient « président par intérim » jusqu’à ce que le président notifie à la Chambre et au Sénat qu’il est à nouveau en mesure d’exercer ses fonctions.
3Donald Trump meurt du coronavirus
C’est l’hypothèse la plus dramatique et la moins probable. Si Donald Trump venait à mourir du Covid-19 avant la fin de son mandat, son vice-président, Mike Pence, prêterait serment et deviendrait président des Etats-Unis. « Cela s’est déjà vu au moment de la mort de Kennedy [en 1963]. C’est son vice-président par intérim, Lyndon B. Johnson, qui avait pris les commandes, jusqu’aux élections suivantes », rappelle Elisa Chelle. La chercheuse tient toutefois à relativiser : « Toutes les hypothèses sont possibles, y compris celle de la mort de Trump, mais il serait prématuré de prédire le pire dès maintenant. » En tout cas, il faudrait alors faire réélire un candidat. Les 168 membres du Comité national républicain procéderaient à un vote.
Dans ce contexte, un report des élections pourrait-il être envisagé ?« Peut-être, selon Elisa Chelle, mais cette option serait très discutée. Il faudrait un vote aux Congrès. Ce serait un sujet constitutionnel, très compliqué à mettre en place. » Pour Jean-Eric Branaa, maître de conférences et politologue spécialiste des Etats-Unis, cette hypothèse est absolument impossible. « L’élection est fixée par une loi du Congrès comme ayant lieu le premier mardi après le début du mois de novembre, soit pour 2020, le 3 novembre. Rien ne changera cette date. Même si Donald Trump venait à mourir, il y aurait une élection ce jour-là », assure-t-il à 20 Minutes.