Jean PIRES Journaliste indépendant
Le regard neuf de Kalidou Kassé sur le monde en devenir
L’artiste plasticien sénégalais Kalidou Kassé célèbre ses quarante ans de vie artistique par une belle exposition intitulée « Gis Gis Bu Bess » au Musée des Civilisations Noires de Dakar.
L’événement a lieu du 27 novembre au 28 décembre. C’est le temps d’un bilan et d’une projection dans le futur pour celui qui est surnommé « le Pinceau du Sahel ». Inaugurée par le ministre de la culture Abdoulaye Diop, l’expo Gis Gis marque la relance des activités culturelles freinées par la terrible pandémie de la covid 19 et l’ouverture de la grande exposition d’art contemporain « Maintenant l’Afrique » organisée par le Musée des civilisations noires de Dakar, à l’occasion du deuxième anniversaire de son ouverture.
*Par Jean PIRES
Le monde de la culture s’est donné rendez-vous au Musée des Civilisations Noires le vendredi 27 novembre pour le vernissage de l’exposition « Gis Gis Bu Bess » de l’artiste peintre sénégalais Kalidou Kassé qui célèbre les 40 ans de vie artistique.
Le vernissage de l’exposition Gis Gis Bu Bess a été présidé par le ministre de la culture Abdoulaye Diop en présence de nombreuses personnalités du monde culturel et des milieux universitaires, des médias et de la politique.
En visitant la cinquantaine d’œuvres de cette exposition, on constate que la pandémie de la covid-19 n’a pas stoppé l’activité artistique, au contraire le confinement a été pour Kalidou l’occasion de se donner à fond dans son espace des « Ateliers du Sahel ».
Cet artiste très populaire au Sénégal et dont les œuvres sont également distinguées au plan international, propose des peintures, des tapisseries et une sculpture dans une nouvelle dynamique qu’il appelle « Gis gis bu bees », littéralement en langue ouolof « une nouvelle façon de voir ».
Le Pr Malick Ndiaye, Conservateur du Musée d’art africain Théodore Monod est le directeur artistique de cette exposition Gis Gis Bu Bess. Il analyse la démarche de l’artiste en évoquant la crise qui agit comme un moteur de l’histoire. « La pandémie a montré que le système mondial est précaire et nous oblige à reconsidérer les conséquences systémiques de nos modèles de vie et
Donner un visage à nos rêves
donner un visage à nos rêves… Gis Gis Bu Bess, avance-t-il, veut qu’à partir de l’expérience historique des formes artistiques émerge un nouveau futur. Il y a dans les nouvelles œuvres de Kalidou Kassé, une volonté d’articuler un regard frais sur le monde » soutient-il.
Artistes, collectionneurs, mécènes, galeristes et passionnés des arts plastiques sont venus nombreux apprécier le cru 2020 du « Pinceau du Sahel » Kalidou Kassé, ainsi désigné, il y quelques décennies par le maître de conférence et critique d’art, feu Iba Ndiaye Djadji.
En 40 années de pratique artistique, cet artiste a fait un parcours sans doute honorable au vu des expériences vécues au plan artistique et socio culturel.
Le célèbre homme au béret noir s’est illustré par sa palette aux couleurs chaudes, ses toiles vivantes traversées par des personnages aux vêtements colorés ou en ombres chinoises irradiés de soleil.
La nature reprend ses droits dans les toiles de Kalidou Kassé, mais l’artiste est également préoccupé par les thèmes de l’actualité sociale, le travail des femmes, l’économie populaire, les droits des enfants, l’opinion publique, l’Afrique et ses grands espaces. L’une des attractions de cette expo c’est la belle série « bleue » semi abstraite d’œuvres réalisées en acrylique sur papier « canson ».
Dans cette expo l’artiste consacre aussi une attention soutenue au métier à tisser traditionnel et au pagne, vêtement et objet culturel, souvent chargé de symbole et de signes. Dans une série d’acrylique sur toiles, Kalidou Kasssé s’ inspire de la dextérité et de la créativité de l’artisan. L’intérêt pour le pagne tissé n’est pas dû au hasard, chez l’artiste. Il retrouve à travers ce vêtement une réminiscence de l’environnement traditionnel du tissage et de la couture avec sa mère ainsi que ses années d’artiste cartonnier à la manufacture sénégalaise des arts décoratifs de Thiés.
Pinceau du Sahel et Tisserand de la toile
L’artiste justifie ainsi l’autre surnom de « tisserand de la toile » que lui avait attribué spontanément le philosophe, écrivain et homme de culture, le regretté Pr. Hamidou Dia.
Les thématiques de l’exposition Gis Gis Bu Bess ont souvent accompagné l’artiste sur plusieurs décennies telles « les portes de l’espoir et du futur », une transposition de la fameuse porte du « voyage sans retour » de la Maison des esclaves de Gorée. La maturité d’esprit et la maitrise technique apportent une aura à ce travail neuf. La touche du Pinceau du Sahel a fait des émules depuis l’époque de sa première galerie privée « les Artistes réunis », créée au Point E, dans les années 80, avec son compère et ami Paul Hann, actuellement installé aux Etats Unis.
En se rappelant des souvenirs 40 ans après l’entrée dans le monde des arts, on mesure la part d’extraordinaire de la destinée toute tracée de l’homme au béret noir. Le dicton africain énonce avec philosophie « la vie a de longues jambes ». Cela est encore vrai dans la belle détermination du petit élève de 7ans venu accueillir le président L.S.Senghor en visite aux Manufactures des arts. Comme il le voulait, il est devenu, une décennie après, un artiste cartonnier dans le même établissement et quelques années plus tard le très populaire Kalidou Kassé, le Pinceau du Sahel et Tisserand de la toile qui peut revendiquer une reconnaissance mondiale. Bravo et Bon anniversaire l’artiste.
Jean PIRES Journaliste indépendant