Le mode opératoire est toujours le même. D’abord, une petite main, un collecteur recruté via le réseau social Snapchat, se rend dans une pharmacie n’importe où en France pour récupérer une boite d’un médicament anticancéreux prescrit sur ordonnance falsifiée. un médicament qui peut valoir très cher, jusqu’à 7.000 euros la boite, comme pour ce faux patient entré dans la pharmacie bordelaise de Pierre à la mi-janvier : « il avait entre 25 et 30 ans. Il était tranquille, il avait juste une canne, rien d’exceptionnel », décrit le pharmacien.
Repéré grâce au dossier pharmaceutique
« Je lui ai demandé si c’était la première fois qu’il avait ce traitement. Il m’a répondu oui et grâce à certains outils que nous avons, comme le dossier pharmaceutique, j’ai pu voir que les semaines précédentes, il avait déjà eu plusieurs délivrances de ce même traitement. Pour faire une vérification, j’ai appelé l’hôpital et ils m’ont dit qu’il y avait des falsifications sur ces ordonnances-là et c’était une fausse. C’était une ordonnance envoyée par mail », poursuit le pharmacien. « Sur des médicaments qui coutent aussi chers, ce sont des choses assez rares ». Le professionnel a donc prévenu la police qui a arrêté le collecteur. Mais d’après un enquêteur, ces dénonciations sont assez rares. Beaucoup d’officines ferment les yeux et délivrent les médicaments sans vérifier.
Des boîtes qui peuvent coûter jusqu’à 14.000 euros
Après avoir été collectées, les boîtes, qui peuvent aller jusqu’à 14.000 euros l’unité, sont récupérées par des rabatteurs, contre 300 euros environ. Elles sont ensuite revendues bien moins chères que leur prix d’origine et exportées illégalement à l’étranger, en Egypte par exemple. Pour l’assurance maladie, le préjudice est colossal et se chiffre en millions d’euros, selon le colonel Ludovic Erhart de l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (OCLAESP).
« La France est visée car nous avons la chance d’avoir un très bon système de santé : notre chaîne de médicaments est fiable et on peut se les faire prescrire quasiment gratuitement. Ce phénomène touche aussi le Liban, soit des pays qui peuvent fournir des médicaments à leur population et qui vont ensuite être spoliés pour des pays qui ont moins les moyens de fournir une protection à leur population », explique-t-il.
Des groupes criminels très organisés
Pour le moment, une filière majeure a déjà été identifiée et démantelée par les forces de l’ordre la semaine dernière. 15 personnes ont été arrêtées et 400.000 euros de médicaments ont été saisis. La filière exportait vers l’Egypte. Globalement, ce sont des groupes criminels très organisés, souvent basés en région parisienne et dont les têtes de réseaux et les intermédiaires sont déjà connus de la justice notamment pour d’autres types de trafics, mais qui se sont tournés vers celui-ci, parce qu’il est beaucoup plus lucratif.