Paris Match |
L’Union européenne va décider jeudi de placer Ankara sous surveillance jusqu’au mois de juin pour marquer sa désapprobation face à la détérioration des droits et des libertés en Turquie malgré les promesses du président Recep Tayyip Erdogan.
L’Union européenne va décider jeudi de placer Ankara sous surveillance jusqu’au mois de juin pour marquer sa désapprobation face à la détérioration des droits et des libertés en Turquie malgré les promesses du président Recep Tayyip Erdogan. Les Européens souhaitent normaliser les relations avec la Turquie après une année de tensions. Mais ils vont opter pour une démarche « progressive, conditionnelle et réversible », a annoncé le président du Conseil européen Charles Michel dans sa lettre d’invitation au sommet européen.
En raison d’une nouvelle vague de contaminations par le Covid-19, la réunion de jeudi et vendredi est prévue en visioconférence, une formule qui ne permet pas les débats. La discussion sur la Russie a pour cette raison été annulée et transformée « en point d’information ». Charles Michel fera part de ses derniers contacts avec le président Vladimir Poutine qui a dénoncé la position « conflictuelle » de l’UE à l’égard de Moscou. Et les décisions vis-à-vis de la Turquie ont été différées au mois de juin, a expliqué un diplomate européen. La seconde journée du sommet, vendredi, sera brève, a-t-il précisé. La participation du président américain Joe Biden au sommet devrait cependant permettre de délivrer un message commun de fermeté à l’adresse du président turc.
L’UE en « position d’attente »
« Ce n’est un secret pour personne que nous avons des différends avec la Turquie », a affirmé le secrétaire d’Etat Antony Blinken lors de ses entretiens mardi et mercredi à l’Otan. Mais les Américains comme les Européens refusent de couper les ponts avec Ankara. « La Turquie est un allié de longue date et apprécié, que nous avons un grand intérêt à garder ancré à l’Otan », a rappelé Antony Blinken. Le chef du gouvernement italien Mario Draghi a résumé la position européenne en insistant sur « l’importance d’éviter les initiatives qui divisent et la nécessité de respecter les droits de l’homme ».
La décision du président turc de quitter la convention d’Istanbul contre les violences sexistes, au lendemain d’un entretien avec Charles Michel et la présidente de la Commission Ursula von der Leyen, a été vécue comme un camouflet. Les dernières décisions des autorités turques « ajoutent aux préoccupations de l’UE concernant le recul des droits fondamentaux et sapent la crédibilité de l’engagement en faveur des réformes », a averti le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell.
Les Européens ne font pas confiance au président turc, car il ne respecte pas ses engagements, et ils voient beaucoup d’opportunisme dans sa volonté affichée d’apaisement, soulignent des diplomates. « Nous observons une absence de signaux négatifs depuis le début de l’année, mais personne n’est naïf, car plusieurs facteurs expliquent ce comportement: le changement de président aux Etats-Unis, la fragilité de l’économie turque et les conséquences des possibles sanctions européennes », a expliqué un diplomate européen à l’AFP. « Le bilan est en demi-teinte. On ne peut pas dire que la Turquie facilite à l’Union européenne l’engagement dans le fameux agenda positif dont on a parlé. Nous sommes en position d’attente », a commenté un autre diplomate de haut rang.
Le projet de déclarations pour le sommet a été discuté jusqu’au dernier moment pour trouver un consensus, car Chypre et la Grèce ont jugé qu’il comportait « beaucoup trop de carottes et pas assez de bâton », a raconté un diplomate. Il risque de décevoir le président Erdogan, qui a dit « attendre des résultats concrets » en réponse à son souhait de normalisation des relations avec l’UE. « Une vigilance accrue va être observée pendant les prochains mois afin de déterminer en juin si les conditions sont réunies pour renouer », a expliqué le diplomate. « Si un recul est constaté, l’UE saura défendre ses intérêts. Les instruments sont prêts », a-t-il assuré. Le rapport de Josep Borrell cite plusieurs options, dont des sanctions pour le secteur du tourisme.