Régionales: l’effondrement de la stratégie Marine Le Pen

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Portrait de Marine LE PEN - Secrétaire générale du Front National © Malick MBOW
Portrait de Marine LE PEN – Secrétaire générale du Front National © Malick MBOW

EDITO – A un an de la présidentielle, Marine Le Pen avait tout misé sur la dédiabolisation du Rassemblement national pour ces élections régionales. Stratégie -critiquée jusqu’au sein de son propre parti- qui n’a pas clairement pas convaincu. Le RN ne ravit aucune région. Un sacré raté.

Marine Le Pen lors de son discours à l'issue du second tour des régionales le 27 juin 2021.

Marine Le Pen lors de son discours à l’issue du second tour des régionales le 27 juin 2021.

GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP

Comme à l’accoutumée, Le Pen Jean-Marie s’est montré d’une rare sévérité avec Le Pen Marine. D’une voix certes chevrotante, le vieux leader d’extrême-droite n’a pas manqué une si bonne occasion –les mauvais résultats du Rassemblement national lors de ces élections régionales– pour bastonner sa progéniture. Les déchirements chez les Le Pen s’exhibent toujours sur la place publique, une sorte de tradition familiale. Mais revenons aux explications du « patriarche » Le Pen quant aux raisons de l’échec patent de son camp, l’extrême-droite. Ce serait, selon lui, la conséquence d’un choix politique, idéologique et historique… erroné! La normalisation, la dédiabolisation, le lissage, la construction plus ou moins minutieuse d’une stature et d’un statut présidentiels indispensables pour s’emparer (dans les urnes) de l’Élysée: autant d’erreurs, autant d’impasses stratégiques, s’emportent Jean-Marie Le Pen ainsi que quelques personnages influents dans l’appareil d’extrême-droite. L’avocat et député Gilbert Collard, mal en cour auprès de la cheffe du RN, en a appelé au retour d’un parti « mal élevé ». Il n’est pas le seul.

Deux récentes prises de position assumées par Marine Le Pen provoquent encore des remous au sein du parti, mais aussi parmi des sympathisants et des électeurs: à toute occasion, elle distingue désormais la religion Islam -elle n’a rien « contre »- de l’Islamisme politique et djihadiste- qu’il s’agit « d’éradiquer ». La plupart des responsables politiques, de droite comme de gauche, s’obligent depuis longtemps déjà à cette différenciation. Cette position « raisonnable » est fortement contestée dans les rangs de l’extrême-droite. Ils sont nombreux à refuser ce partage. Ensuite, la présidente du RN n’a pas hésité à rappeler que, tôt ou tard, il sera nécessaire de rembourser la dette Covid. Indignation immédiate car elle s’alignait ainsi sur les « européistes », les libéraux et les technos de Bercy- l’horreur! Après que Marine Le Pen a confirmé la nécessité pour la France de rester dans l’euro, cela fait beaucoup pour les nationalistes « enfermistes », qui la cernent. Toujours est-il que sur ces deux points essentiels, elle a choisi de se ranger parmi les « raisonnables ».

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L’étrange analyse « macroniste » de Marine Le Pen

Ce serait, dixit Jean-Marie Le Pen et quelques autres, une erreur fatale: quand l’extrême-droite feint de s’éloigner des penchants troubles de… l’extrême-droite, elle perd son originalité et désespèrerait ses électeurs. La preuve par l’échec en PACA de Thierry Mariani, pourtant transfuge de la droite républicaine et figure de proue de cette normalisation qui, l’an prochain, peut (et doit?) conduire la cheffe de l’extrême-droite jusqu’au pouvoir suprême. Le Pen Jean-Marie est convaincu de l’inverse, prédisant un nouvel échec présidentiel, dénonçant chez sa fille une incapacité chronique -et intellectuelle- à se surpasser, à élever son niveau tout en restant « fidèle ». C’est décidément glauque, la politique ramenée et réduite à la famille…

Pourtant Marine Le Pen n’affiche guère d’inquiétude quant à son proche avenir électoralo-politique. Elle ne doute pas qu’après ce bide régional, ça va « tanguer » (un peu) au sein du parti, certains, en particulier son ex-compagnon, le maire de Perpignan Louis Aliot -un poids (très) lourd du RN-, contestant la pertinence non pas forcément de sa ligne, mais de sa stratégie. Elle sait aussi que ça n’ira ni loin ni fort et, en conséquence, elle s’autorise, avec un goût pour la provocation qu’on ne lui connaissait pas, une analyse « macroniste » du scrutin régional. Régional précisément, en cela qu’il ne devrait avoir, selon elle, aucune conséquence majeure sur l’élection présidentielle à venir; régional en effet, parce qu’il ne remettrait pas en cause les scores et les tendances lourdes exprimées depuis des mois dans l’ensemble des études d’opinion: Le Pen et Macron loin devant au premier tour du scrutin présidentiel. Les sondages à venir donneront-ils raison à cette intuition partagée? Ce n’est pas impossible, à condition qu’un candidat issu des rangs de la droite républicaine –Xavier Bertrand ou Valérie Pécresse- ne complexifie pas le jeu et les enjeux.

Il n’empêche que Marine Le Pen sort affaiblie de cet épisode régional et qu’en cela, l’assaut de Le Pen père est à la fois pertinent et cruel. Deux régions -les Hauts-de-France et PACA- devaient marquer la puissance politique accrue de l’extrême-droite. Au Nord, il ne s’agissait certes pas de gagner, mais au moins de faire souffrir Xavier Bertrand, de le pousser dans ses retranchements, de l’affaiblir, au plan local comme sur la scène nationale. Raté. Le sortant et candidat à l’élection présidentielle a laminé, écrasé, disloqué façon puzzle, son principal concurrent, le RN Sébastien Chenu transfuge lui aussi de la droite républicaine. Bertrand est parvenu de la sorte à renforcer son statut « présidentiable ». Un point sensible pour Marine Le Pen puisque l’ancien ministre du Travail ne désespère pas: il le dit et le répète, l’éliminer du second tour de l’élection présidentielle et se retrouver face au sortant Macron pour le Grand Duel.

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Grosse claque en PACA

La revers en PACA est plus rude encore, avec des conséquences encore inconnues. Car la victoire, semblait, sinon assurée, du moins plausible. Elle aurait signifié que le « plafond de verre », cette idée à la fois convenue et tant partagée, n’était plus de mise. Pour franchir ce palier décisif, Thierry Mariani, de par son passé droitier et sarkozyste, passait pour le candidat idéal, la « pièce rapportée » sur mesure. Il semblait en capacité de rassembler « large » dans une région où les candidats lepénistes, depuis une décennie au moins, raflent peu ou prou 40% au premier tour de toute élection locale. Ensuite, du « vrai-faux » accord passé entre Renaud Muselier, le président LR sortant, et La République en Marche, émanait des remugles de très vieille politique qui auraient dû outrageusement favoriser la liste d’extrême-droite. L’ensemble des commentateurs en étaient convaincus. Eh bien non, ce contexte, a priori favorable, n’a pas suffi. Le lepénisme, une fois encore, a été écarté du pouvoir. Par des électeurs de droite, par des électeurs de gauche une fois encore réunis dans cette certitude qu’il est indispensable « d’interdire » (de pouvoir) l’extrême-droite. Comme si une malédiction démocratique poursuivait le FN-RN.

Cette fois, cette malédiction démocratique s’incarnait en Xavier Bertrand et Renaud Muselier, deux « sortants », deux républicains de droite qui, du premier instant au dernier moment de cette campagne régionale, ont eu pour idée fixe, à l’inverse de toutes les recommandations en vogue, de diaboliser l’extrême-droite, de rappeler ses origines idéologiques, de dénoncer l’inanité de son programme, de relever son obsession identitaire valant racisme. Bref, de traquer sans relâche le lepénisme, de le rejeter hors des normes républicaines. Cette démarche « à l’ancienne » a été couronnée de succès.  Le bon exemple?

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