Le vote par correspondance ou par internet amusera peut-être la galerie. Le défi d’Emmanuel Macron après ces élections régionales est tout autre, il est de montrer, à l’issue de son quinquennat, non pas qu’il faut voter, mais que la politique est encore utile. Lui qui avait déboulé en 2017 avec l’idée d’installer un nouveau monde qui se ferait fort de ré-enchanter la vie publique peut mesurer l’ampleur de la déception. L’abstention n’est pas seulement le premier parti de France, elle s’incruste, s’installe, se répand. Elle ne diminue pas vraiment d’un tour à l’autre, comme c’est pourtant souvent le cas aux régionales.
Le chef de l’Etat peut aussi constater que les candidats qui portaient ses couleurs, qu’ils aient été ministres ou non, n’ont pas réussi à s’implanter dans les territoires. Ce n’est pas tout : le héraut du Front républicain, élu en barrage à Marine Le Pen il y a quatre ans, a mauvaise mine. Les Marcheurs se voulaient moins l’arbitre des élégances à droite et à gauche que l’incontournable élément des victoires contre l’extrême droite, ils ne furent ni l’un ni l’autre. Le vote utile ne passa pas davantage par eux.
Et pourtant… Pourtant, au lendemain de l’entre-deux tours, un proche parmi les proches d’Emmanuel Macron confiait : « Si on n’a pas une nouvelle vague du coronavirus, je crois que le président sera tranquillement réélu » – oui, il disait « tranquillement ». Or depuis François Mitterrand surfant sur la cohabitation en 1988, tous les présidents sortants qui se sont représentés (le dernier n’y est même pas parvenu) ont réalisé cette année-là au premier tour un moins bon score que la fois où ils ont été élus. Or les régionales 2021 n’annoncent peut-être pas la présidentielle 2022 (même si le chef de l’Etat se consolera sans doute en voyant que tous les présidents sortants ont été reconduits !) mais… ne laissent en aucun cas augurer le meilleur pour LREM aux législatives. « Aujourd’hui, si Emmanuel Macron est le meilleur sur le marché, il n’est pas en situation de remporter la majorité à l’Assemblée nationale », constate un ancien Premier ministre.
Le 11 juillet 1987, en pleine crise entre la France et L’Iran, François Mitterrand réunit à Latche, dans le plus grand secret, ses fidèles. Il n’a pas encore annoncé sa candidature, loin de là, mais le moment est venu pour lui de prendre des décisions, de s’organiser : une campagne ne s’improvise pas. C’est dès ce moment-là que Mitterrand demande au premier secrétaire du PS, Lionel Jospin, d’entrer en contact avec ses proches pour réfléchir aux affiches ainsi qu’au calendrier des meetings.
Comme à l’époque, nous sommes à dix mois de l’élection présidentielle. Plusieurs soutiens d’Emmanuel Macron, à l’image de François Bayrou ou de Richard Ferrand, le pressent d’ordonner les choses pour ne pas se laisser ballotter. Mais quand on lui parle de s’organiser, le président a l’impression qu’on lui vole sa liberté. On lui propose un cadre, il perçoit un carcan. Son exercice solitaire du pouvoir devient un problème dans une France qui n’attend plus grand-chose d’un Deus ex machina. Déjà son impatience, compréhensible à défaut d’être prédictive, à en avoir fini avec la pandémie l’avait conduit à changer de Premier ministre en juillet 2020 pour tourner la page. Le temps presse, il lui reste peu de cartes à jouer. « Se réinventer », avait-il dit.